Chapitre 5 : Entre le Bien et le Mal.

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Après avoir fait tuer les vaches dans le pré du village, les paysans commencèrent à arriver lorsque le soleil fut levé. Anaëlle transporta Antoine dans leur appartement. Antoine tremblait, suait, il revisionnait les images sanglantes de la mort des vaches qu'il avait provoqué tandis qu'un frisson parcourait son dos de bas en haut; il sentit si bien ce frisson qu'il eut l'impression qu'une main glaciale aux doigts crochus grimpait sur son dos pour se poser sur sa nuque. Anaëlle, silencieuse, s'était assise. Elle fixait son protégé d'un air impassible, elle qui avait toujours était éprise d'affection à son égard. Anaëlle était devenue froide depuis la boucherie qu'elle avait causé. Elle ne comptait pas arrêter là, il fallait préparer Antoine à se servir du pouvoir de l'ange, il fallait l'habituer à l'horreur, l'accoutumer aux meurtres sanglants et à la destruction, car chaque jour, Antoine allait devoir semer le sang et les ruines.

Bien qu'atterré et sidéré, Antoine se remit peu à peu. Le lendemain, au levé du jour, il reprit sa vie. Il partit en forêt le matin, et partit travailler l'après-midi, comme tous les dimanches. Il travaillait dans un atelier auprès d'une vieille femme qui fabriquait des vêtements. Il préparait et livrait les commandes aux clients. Tout au long de la journée il gardait en tête les images de la veille, il lui arrivait de laisser échapper une larme ou un soupire. Lorsqu'il eut achevé sa journée de travail, il se rendit dans le pré, et constata que les traces de son méfait avaient été nettoyées. Il se posa à terre sur son séant et versa quelques larmes. C'est alors qu'il sentit deux piques de fer se poser contre son cou. Il tourna la tête et vit un fermier braquer une fourche sur son cou. Le vieux fermier le fixait d'un air inquisiteur. D'un ton accusateur il s'adressa au jeune homme :

-Alors c'est toi qu'a fait ça à mes vaches, merdeux ? Pour faire un truc moche comme ça à des bêtes aussi paisibles tu mérites de crever la bouche ouvert sous le soleil. 

-Oui. 

-Oui ? 

-Oui j'ai fait ça, et oui je mérite de crever.

Le fermier s'étonna, mais ne baissa pas sa fourche pour autant. Antoine tourna la tête et regarda droit devant lui, les yeux plein de larmes. Le fermier, stupéfait et épris d'incompréhension ne paraissait pas satisfait, sa gorge se noua et d'une voix étouffée par les pleurs il demanda à Antoine :

-Pourquoi ? Pourquoi gamin, pourquoi t'as fait ça ? 

-Parce que je suis maudit, s'il vous plaît tuez-moi. 

Le fermier baissa sa fourche et fit tomber une larme dans le même élan. Il fixait le jeune homme les yeux plein de stupeur, muet et abasourdi. Il renifla et prit en main sa fourche en faisant quelques pas, s'éloignant d'Antoine. Le jeune homme le regardait s'éloigner de ses yeux inondés. Il se tourna de l'autre côté et vit assis à côté de lui Anaëlle. Il sursauta et tenta de pousser un cri, mais sa voix ne retentit point. Il tenta à plusieurs reprises de hurler, mais sans effet aucun. 

-Je t'ai emprunté ta voix Antoine, je ne voudrais pas que ce fermier t'entende crier face à quelque chose qu'il ne voit pas. Tu es choqué Antoine, tu ne réagis pas avec sagesse. Tu ne peux pas me fuir, et tu ne peux pas te défiler, tu vas devoir apprendre à vivre avec ce que j'implique. Tu m'as libéré, je te suis obligée, indépendamment de ma volonté. Pour le moment je ne suis pas encore docile, parce que tu n'es pas encore prêt à me recevoir. Mais le jour où tu seras prêt, je serai à tes ordres. Notre rapport se basera sur un dressage mutuel. Je viens te voir parce que tu dois accomplir une mauvaise action encore aujourd'hui. 

Antoine écarquilla les yeux, il prit une grande inspiration, fit non avec la tête et tenta de reculer. Anaëlle leva la main, et Antoine ne put plus bouger. Anaëlle se leva et fixa Antoine dans les yeux. Elle lui adressa encore quelques mots baignés de haine et de quelque chose de plus sombre :

-Ce qu'il t'arrive, c'est affreux n'est-ce pas. Tu es victime d'un terrible coup du sort mon grand. La vie ne t'a pas aidé, ta mère a voulu te priver de ta liberté, tu as voulu la garder, et la vie t'a privé de ta mère. La vie m'a donné à toi, elle a voulu que tu me libères de ma prison de cristal. Aujourd'hui tu es encore la même victime qu'autrefois, tu subis ta vie sans pouvoir te défaire de ton sort. Ce que je te propose mon grand, c'est de prendre ta revanche sur la vie, et de te permettre une grande réussite. Alors lève-toi, et prends ta revanche ! 

Ces mots firent tilt à l'oreille du jeune homme. Il réalisa qu'en effet, le pouvoir de l'ange pouvait lui permettre de sortir de sa condition, d'échapper au destin. Mais ce n'était pas de la vie ou de la fatalité dont il était la victime, il était la victime de l'ange. Et il devait trouver un moyen de retourner son pouvoir contre elle. Pour ce faire, il devait d'abord gagner sa confiance, il devait dompter son pouvoir, et la détenir sous son contrôle. Néanmoins, ce but nécessitait de jouer au jeu de l'ange, Antoine allait devoir se préparer à commettre le pire, pour faire triompher le meilleur ensuite. 

-Tu... tu as raison, Anaëlle. De toute façon je ne peux pas continuer comme ça... Je crois être prêt.

-Tu te résous donc enfin à faire ce qu'il faut ? A la bonne heure, la tâche devra être plus simple. Je ne t'aurais pas laissé le choix de toute manière. 

-Qu'est-ce que tu projettes ? 

-Ce que je projette pour toi est simple mon grand... Tu vas me faire assassiner le Maire, assister à sa mort, et être la dernière voix qu'il entendra. 

Le sang d'Antoine ne fit qu'un tour à travers son corps. Son visage se crispa, ses membres se roidirent et la terreur le frappa comme la foudre. Il fut soufflé par la froideur et la folie de la furieuse Anaëlle qui lui demandait de commettre un acte d'une fourberie sans nom.

Entre Le Noir Et Le BlancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant