Entre Le Noir Et Le Blanc

Chapitre 8 : L'éducation d'Annie et les 4 Corps de l'Ange.

La petite fille se mit à bouder, assise sur le lit de sa sœur, elle s'allongea auprès de cette dernière et se mit à pleurer en silence dans le lit. Anaëlle se sentit alors bien comme le jour où Antoine perdit sa mère. 

Après avoir réveillé la petite Annie, Anaëlle posa son pouce sur le front de la petite. Le doigt blanc et lisse de l'ange devint alors noir et asséché comme un bout de charbon. Le charbon sembla alors gagner une petite partie du front de la petite Watson. L'enfante s'évanouit. Anaëlle se leva du lit, avança sa main en direction d'Annie, étendue avec comme un impact de balle dans le front, et la fit léviter jusqu'à la faire sortir de la maison. 

Pendant ce temps, Watson avait rejoint Antoine, toujours en possession de la chaîne d'argent chez l'adjoint Gaston. Watson prit le thé en compagnie de son ami et lui expliqua la situation :

-Elle est revenue. 

-Bernard... Elle est revenue pour qui ? 

-Le petit que je t'ai confié plus tôt. Elle est venue pour lui, mais est venue ici jusqu'à moi. Les caprices du destin ont ramené cette satané diablesse près de moi. 

-Et ta femme ? Tes filles ? 

-Mortes. Mortes par ma faute. Mais ce seront ses dernières victimes. J'ai tout perdu Henri, tout perdu. 

Watson appuya ses coudes sur ses genoux et fondit en larmes. La gorge serrée et les poings fermées, il sanglotait et pleurait à grosses gouttes. Une nouvelle fois, tandis qu'il croyait avoir définitivement enfermé l'Ange, il avait tout perdu par sa faute. Il avait sacrifié sa vie pour sauver l'âme d'Antoine. Il fallait trouver un moyen de mettre fin à la triste existence de cet être démoniaque. Elle ne pouvait plus continuer d'exister, le pouvoir de l'Ange était trop néfaste. Henri Gaston, qui avait connu Watson à l'époque où il subissait le joug d'Anaëlle, regardait son ami avec des yeux impassibles, le cigare fumant au bec, et les coins de la bouche tombant jusqu'à ses bas-joues. Il soupira puis se retira après avoir souhaité bonne nuit à son ami. 

L'ancien Maire dormit aux côtés du petit garçon cette nuit-là. Il ne dormait pas vraiment, craignant une apparition nocturne d'Anaëlle, mais s'était néanmoins couché à même le sol, sur son manteau, tandis qu'Antoine sommeillait paisiblement sur le lit de paille. 

Cette nuit-là, Anaëlle s'était retirée avec sa nouvelle victime dans une forêt située à proximité du village. Elle y avait déposé le corps de l'enfant devant un feu. Sur le front de la petite poussait une corne, une corne qui semblait faite de carbone, ou de charbon. Anaëlle en découpa un petit morceau et le mangea. C'était le fruit du report de la malédiction, le capital d'énergie accordé à Anaëlle le temps de la trêve d'Antoine. Semblant agacée, l'ange se leva et s'étira. Elle se mit à tourner sur elle même en déployant ses ailes de tout leur long. La vitesse à laquelle elle tournait devint vite vertigineuse, générant du vent autour d'elle, parfois des éclairs de feu, des étincelles au sol. Un voile de fumée la recouvrit un moment. Lorsqu'elle eut soudain achevé cet étrange rituel, Anaëlle, l'ange noire de la mort, était devenu l'ange Nicolas, ange blanc de la Justice. 

L'ange avait la capacité de revêtir 4 apparences : Anaëlle, l'ange noire féminin, celle de la perfidie, machiavélique et démoniaque; Nicolas, l'ange blanc masculin, celui de la justice, de l'ordre et de la force juste; Angelon, l'ange noir masculin de la barbarie et de la persécution; et Sylviane, l'ange blanc féminin de l'humilité, de l'abnégation et de la pitié. Les nécessités conduisent l'ange à s'adapter pour mieux tromper sa victime, ou selon les désirs de celle-ci quand elle en prend le contrôle. 

Si Anaëlle avait décidé de devenir Nicolas, c'était bien sûr pour mieux tromper Annie, qui verrait en Nicolas un être juste, fort, à l'image de son père Watson. La manœuvre avait pour but de susciter le consentement de la petite, nécessaire à l'ange pour pouvoir s'en nourrir. Le lendemain matin, lorsqu'Annie se réveilla, l'ange lui avait préparé un petit repas avec des œufs, un pichet d'eau prise au ruisseau et un verre de lait. La petite remercia l'ange et dévora son repas sous les yeux satisfaits et bienveillants de l'ange. Même si la personnalité de Nicolas était de nature bien moins perfide que celle d'Anaëlle, l'ange restait conscient de son but, et poussé par son instinct de conservation, mais de manière différente. Tandis qu'Anaëlle aurait maltraité la petite de manière sournoise, Nicolas la protège et s'en occupe pour mieux obtenir d'elle ce qu'il lui voudra. La petite remarqua alors la corne de charbon qui lui poussait sur le front. Nicolas sourit et se baissa pour être au niveau d'Annie. 

-Cette corne te dérange Annie ? 

-Oui, et elle me fait peur, c'est quoi ? 

-Ne t'inquiètes pas Annie, c'est une petite blessure, je vais te l'enlever. 

En usant d'un sortilège, Nicolas rendit la corne invisible aux yeux d'Annie. La petite remercia l'ange avec un grand sourire et lui fit un câlin. Nicolas, paternel, prit la petite dans ses bras et joua avec elle. Il lui avait enlevé sa famille, il devait maintenant lui enlever ce qu'elle avait encore d'humain en elle pour accomplir son plan. C'est cette petite qui arracherait Watson d'Antoine. L'ange pouvait temporairement utiliser Annie comme source d'énergie pour continuer à exister, mais il avait besoin d'Antoine pour pouvoir être en mesure d'exister durablement. Si l'ange venait à être séparé d'Antoine trop longtemps, il s'éteindrait et cesserait d'exister. Watson savait cela, et il détenait d'autres connaissances à propos de l'ange, sachant comment le maintenir à distance, comment l'empêcher d'utiliser ses pouvoirs et comment le placer dans une situation délicate. Il avait après tout contraint l'ange à se séparer d'Antoine, en payant toutefois un lourd tribu. 

Deux ans durant, Nicolas et Annie vécurent ensemble. Ils se déplaçaient de village en village, dormaient dans des monastères charitables, mais Nicolas restait invisible aux yeux des autres. Peu à peu, la petite se lia fortement à lui, et parlait de l'ange aux passants qu'elle croisait, qui ne voyaient en cela que les délires d'une gamine esseulée concernant un ami imaginaire. Se sentant profondément seule, en tant que seule enfant dans un monde d'adultes, la petite avait formulé le souhait de devenir grande, l'ange lui permit de le devenir. Puis elle en voulut à son père de l'avoir abandonné, et jura de le lui faire payer. Nicolas avait également désigné Watson comme responsable de la mort de sa famille. Annie lui en voulut encore plus, et en voulut davantage encore à Antoine, le garçon sans famille qui lui avait volé son père. L'ange avait créé en peu de temps une fontaine de haine en la personne d'Annie, qui ne voulut plus porter que le nom de Lilith. L'ange s'en accommoda, et n'eut plus à changer de corps pour les deux ans durant lesquels il avait éduqué la gamine. Il avait subvenu à ses besoins et à ses désirs, et n'aurait rien à demander à Lilith, désireuse d'accomplir à son insu les desseins de l'ange.