Chapitre II

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Enfouiedans son fauteuil fétiche du salon orange, Vanessa prononça cesquelques mots avec une haine venue du plus profond d'elle-même :

– Ilne doit pas mourir.

Aucentre de la pièce, trois hommes lui faisaient face, tête baissée.Ses hommes de main. Ses amants. Ses âmes damnées. Jamais ils ne laquitteraient. Jamais ils ne la trahiraient. Plus fidèles que nel'avaient jamais été ses précédents serviteurs. Plus queRaphaël.

Pourtant,aucun d'entre eux n'était digne d'être le père de sonhéritier. Malgré tout, il en fallait bien un. Sinon, cette lutte depouvoir ne prendrait jamais fin.

Raphaël seraitle père. Elle ne lui laisserait pas d'autre choix.

Lesmâchoires serrées à s'en casser les dents, elle étudia leshommes alignés devant elle l'un après l'autre, notant non pasce qui faisait leur charme et ce qui l'avait fait les choisir unedécennie plus tôt, mais ce qui leur manquait. Moins grands queRaphaël. Moins beaux. Moins musclés. Sans caractère. Sans intérêt.

Elleserra les poings sur les bras de son fauteuil. Sa peau bronzée parle soleil ressortait magnifiquement sur la soie orangée. Vanessaavait toujours eu un goût très sûr, et c'était ce qui à sesyeux la différenciait le plus de son insupportable cousin et de sonindigne frère.

Siseulement elle pouvait tenir Stéphane entre ses mains. Elle luiferait dire où était Raphaël. Il le savait. Il ne pouvait que lesavoir. Il avait toujours nié. Elle ne l'avait jamais cru. Sonexécrable, son méprisable cousin.

–Trouvez-le. TrouvezStéphane. Trouvez-le, et ramenez-le-moi. Mais ne le tuez pas. Il estle seul à savoir où est Raphaël.

Lestrois hommes s'inclinèrent sans lever les yeux. Jamais un seuld'entre eux n'avait contredit sa volonté. Jamais ils n'avaientessayé de discuter avec elle.

Elleferma ses yeux clairs et repoussa d'une main délicate la tressecompliquée qui coiffait ses longs cheveux bruns. Raphaël l'avaitfait. Il avait refusé plusieurs fois d'accomplir ses désirs. Elleappréciait modérément cette attitude, et le lui avait toujoursfait regretter. Pourtant, il avait persisté mais à la fin, mêmes'il lui en voulait, il lui était toujours revenu. Toujours.

Celafaisait dix-sept ans qu'il avait quitté le palais. Dix-sept ansqu'il l'avait abandonnée. Et pourquoi ? Pour une enfant.Une enfant qui depuis le début avait parasité ses relations avecRaphaël.

Elleaurait dû la tuer dès le début. Comment une enfant avait-elle pului voler son Raphaël ?

Alorsque les trois hommes quittaient la salle le plus silencieusementpossible, avec en main les mêmes instructions que celles qu'ilsrecevaient chaque jours depuis dix-sept ans, elle ajouta pourelle-même :

–Lorsqu'il m'auradit où trouver mon Raphaël, je le tuerai de mes mains.

*

**

Stéphanefaisait son possible pour ne pas s'endormir en marchant.Finalement, la nuit avait été courte pour tout le monde, et raresétaient ceux à être arrivés à l'heure ce matin-là. Personnen'avait remarqué les traits tirés du jeune homme. Ni ceux deMégane.

Oùétait-elle, d'ailleurs ? Il ne l'avait plus vu depuisl'hôtel. Etait-elle partie travailler sans lui parler de sonprojet? Etait-ce ainsi qu'elle comptait travailler ?

Iltendit la main vers la porte de la rédaction lorsque celle-cis'ouvrit brusquement et qu'on le heurta. La fille tomba sur lesfesses au milieu des feuilles volantes avec un petit cri. Stéphanene broncha pas. Il avait connu des chocs bien plus violents. Ce quilaissa indifférent Ewin, qui surgit sans crier gare et se seraitjeté sur la femme pour la découper en morceau à coup d'épée siStéphane ne lui avait pas barré la route du pied.

La naessance d'un roi (facéties de pixies - 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant