Chapitre VI

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Assisdans les jardins royaux, le regard perdu dans la contemplation desgraviers multicolores, Stéphane réfléchissait aux derniersévénements.

Iln'aurait jamais pensé que cela finirait ainsi. Il n'avait jamaisvraiment cru qu'il accéderait au statut de prince héritier.N'avait-il pas tout fait pour éviter cela ? Il était alléjusqu'à fuguer, jusqu'à quitter lâchement son poste, àdisparaître corps et âme pour ne plus avoir à vivre une telle vie.

Sesanciens équipiers lui avaient expliqué ce qu'il s'était passéà cette époque. Ils lui avaient dit la peine et le désespoir danslequel il les avait plongés en disparaissant ainsi.

Stéphanen'avait jamais été fier de son attitude. Pourtant, cela lui avaitsemblé la meilleure solution à l'époque.

Celas'était passé dix ans après la première mort de David.

*

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A cetteépoque, Stéphane arrivait au bout de sa patience. Il avaitvingt-cinq ans et en avait plus qu'assez de devoir se méfier detout en permanence. Heureusement qu'il possédait ce miroir capablede lui révéler sincérité et mensonge. Sans cela, il se seraitdepuis longtemps fait abattre par les assassins glissés parmi sesdomestiques. Hommes ou femmes, d'ailleurs. Il avait aussi de lachance d'avoir les pixies : ils voyaient ce que lui ne voyaitpas, surtout depuis l'affaire du serpent. Ninon en pleurait encoremalgré les années qui auraient dû estomper sa peine.

Il se laissa tomber à la base de son lit en grommelant.

Songrand-père lui avait encore dit qu'il devait se dépêcherd'enfanter. Si seulement cette idée pouvait lui sortir de la tête!Comme il pouvait envier Jade. Libre, loin du palais, personne pourlui dire quoi faire ni quand...

– Vousdevriez aller la voir, gazouilla gaiement Ninon.

Elle setenait à la tête du lit, enfouie entre deux gros coussins moelleux– les préférés de Stéphane.

–Aller voir qui ? répondit-il en roulant sur lui-même, de façonà se retrouver face à elle.

–Jade, bien sûr. Votre sœur. Vous devriez aller lui rendre visite,Majesté. Cela vous changerait les idées.

– Jesuis contre, grogna Ewin.

Ilrepoussa l'un des coussins derrière lesquels il était apparu etvint se placer au milieu du lit, dans sa posture la plus assurée.

–Quitter Obsidian Rega est dangereux. Hors de ces murs, votre cousinetrouvera des centaines d'occasions d'attenter à votre vie.

– Jesors souvent du palais, rétorqua Stéphane. Elle n'a jamais essayéde me tuer.

–Parce que vous êtes toujours sur vos gardes, Majesté. Vous nequittez le palais que pour enquêter. Là, vous le ferez pour vosloisirs. Vous serez obligatoirement moins vigilant.

Voyantle désappointement de son prince, Ewin reprit :

– Celafait des années que vous voyez Jade uniquement grâce à son don.Vous pouvez très bien continuer ainsi. Qu'est-ce que celachangerais si elle vous voyait en chair et en os ?

Était-cepar esprit de contradiction ? Par une simple volonté derébellion ? Quoi qu'il en soit, Stéphane prit sa décisionbien avant qu'Ewin ne termine sa phrase.

– Jevais aller voir ma sœur. Face à face.

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La naessance d'un roi (facéties de pixies - 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant