Lena [GirlxGirl]

1.

Ce jeudi-là, je me suis réveillée en sursaut : ma mère m'appelait d'en bas. Je suis sortie de mon lit en quatrième vitesse, j'ai regardé l'heure et constaté que j'étais en retard – de nouveau.J'ai enfilé un jean, un sweat et lacé mes chaussures. J'ai chopé mon portable sur ma table de nuit, que j'ai consulté avant de le fourrer dans ma poche. J'avais deux messages de Lena, une camarade de classe, envoyés vers 5h45. J'ai dévalé les marches deux par deux et je me suis précipitée dans la cuisine.

-Ah !Enfin, a fait ma mère, visiblement exaspérée. C'est pas trop tôt Lily. Ton frère est déjà parti depuis longtemps.

-Peter? Il aurait pu me prévenir, ai-je râlé.

-C'est moi qui lui ai dit de ne pas te réveiller. Tu vas peut-être comprendre qu'il faut mettre un réveil, quand tu auras été collée.Dépêche-toi tu vas rater ton bus.

Ma mère a pris son café, qu'elle a emporté devant la télé. C'était une de ses nouvelles habitudes, depuis qu'ils parlaient du mariage gay en France. Très clairement, mes parents étaient contre.Personnellement, je ne voyais pas où était le problème. Ma famille était une de ces familles bourgeoises très clichée : très riche,vivant dans une très grande maison, deux enfants, une fille, un garçon, avec des avis très fermés, amis uniquement avec des gens de « leur stature », comme ils aimaient bien dire.

Bref,quoi qu'il en soit, j'étais très en retard. J'ai commencé à courir jusqu'à mon arrêt, où j'ai retrouvé mon frère jumeau,Peter, seize ans lui aussi. Nous n'allions pas dans le même lycée :lui avait choisi un privé très reconnu, choix dont mes parents étaient très fiers, évidemment. De mon côté, j'avais opté –après des heures et des heures de discussions avec ma mère – pour un lycée public, celui du coin, dans lequel j'avais retrouvé quasiment tous mes amis. Peter était assis sur le banc de l'abribus,ses écouteurs fixés dans les oreilles, la musique à fond. Il hochait légèrement la tête de gauche à droite au rythme de la batterie. Mon frère n'était pas le lycéen du privé parfait.Disons qu'il avait un assez mauvais comportement et des notes moyennes. Il n'aimait pas le privé, mais y restait pour rendre nos parents fiers de lui. Il m'a aperçue, a remis ses cheveux châtains en place et s'est décalé pour me faire de la place.

-Ah Lily, a-t-il dit en enlevant un de ses écouteurs, désolé, je voulais te réveiller mais maman m'en a empêché.

-Pas de problème, de toute façon, je suis à l'heure, non ?

-Non,le bus est déjà passé. Je l'ai raté aussi. Il est passé en avance – pour une fois.

J'ai soupiré. Génial, j'allais encore arriver en retard en classe. Peter a pris un chewing-gum et m'a tendu la boîte. Je me suis servie. Il l'a rangée dans la poche de son pantalon d'uniforme noir, par-dessus lequel il portait une chemise blanche et un blazer noir, duquel il avait remonté les manches, ce qui lui donnait un petit côté décontracté. J'ai mis mes écouteurs, moi aussi. Le bus est arrivé,mais n'avait pas l'air très bondé. Nous sommes rentrés et avons validé nos cartes. Peter est passé devant moi et est allés'asseoir dans un carré. Je l'ai rejoint et me suis installée en face de lui. Au fond du bus, des filles de son lycée gloussaient et le regardaient en essayant d'attirer son attention. Je discutais avec lui quand j'ai croisé le regard d'une des filles qui me fixait d'un air méprisant du genre « c'est qui celle-là qui lui parle ».D'un sourire satisfait, j'ai continué à rire et parler avec lui. Le truc, c'est qu'elles ne pouvaient pas savoir que nous étions frère et soeur, vu qu'on ne se ressemblait pas beaucoup. Nous avions juste les mêmes cheveux châtains et certains détails du visage qui se ressemblaient. Par contre, il avait les yeux verts et je les avais marron. Il était plutôt grand, tandis que j'étais assez petite.J'ai regardé le paysage et reconnu l'arrêt avant celui de mon lycée. J'ai appuyé sur le bouton rouge demandant l'arrêt et je suis descendue, après avoir ébouriffé les cheveux de Peter. Je l'ai entendu râler un bon coup avant de soupirer. J'ai eu un sourire satisfait avant de me souvenir qu'il fallait que je me dépêche.J'ai couru jusqu'à ma salle de cours – français en l'occurrence –et j'ai toqué à la porte après m'être recoiffée à la va-vite.