Eyes on fire.

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(...) Quand je reviens à la réalité, mon portable sonne pour la quatrième fois. Je regarde qui m'appelle. Mathilde. Je n'ose pas répondre. Malgré moi, je le fais quand même.
"Allo...", réussis-je à peine à prononcer d'une voix faible.
"Tu vas ramener ton cul ici tout de suite, pour qu'on aie une discussion, traînée" dit Mathilde d'une voix froide.
Derrière elle, la musique résonnait en bruit sourd.
"Math'... Je...", bafouillais-je, n'osant pas en dire plus.
"Il n'y a pas de Math' qui tienne ! T'as décidé de te faire mon mec, t'assumes maintenant. Et t'arrives encore à dormir le soir en sachant que t'as trahi ta propre amie ?! Tu me dégoûtes..."
Ces mots, malgré leur réalité, me font mal. Sortant de la bouche de ma meilleure amie, ces mots me mettaient face à l'horrible vérité qui se plaçait devant moi.
" Je n'ai jamais voulu te faire de mal... J-je ne savais pas ce que je faisais, j'avais bu, lui aussi, vous étiez séparer depuis un petit temps... J'étais mal, il était là pour m'écouter, je... "
Ma voix se brise. Je n'arrive pas à prononcer un mot de plus. Je suis en faute. Je le sais.
"Mais j'en ai rien à foutre, que t'étais mal! T'es ma meilleure amie bordel ! Comment tu as seulement pu oser faire une chose pareille ?! Répond moi ! " s'exclama Mathilde, la voix tremblante de colère.
Je ne répond pas. Un long silence nous sépare. Je raccroche. Je reste encore assise sur le banc, avant de me décider à partir. Je relève la tête. Réel. Vers qui me tourner ? Je ne sais pas. Que faire ? Je l'ignore. Au fond de moi j'ai envie de mourir. Perdre ma meilleure amie était la goutte d'eau de trop. Réel. Je ne sais où aller. Alors je marche, au travers de cette ville sans vie. J'essaie d'avancer. Mais je recule à chaque pas en avant. Je regrette. Je promet. Je brise. Je glisse. Je tombe. Je meurs. J'avance et je recule. J'aime et je hais. Je l'aime et je le hais. Je m'aime et je me hais. Je me hais. Je me déteste. Je meurs. A petit feu. Et pourtant je suis toujours là. Vivante. Mais morte à l'intérieur. C'était tout ce que j'avais. Elle était tout ce que j'avais. Ma famille, mon double. Mais dans le fond, j'ai toujours été son ombre. Son compagnon de voyage. Celle qu'elle peut appeler à 3h du matin  quand elle va mal, mais qui la dérange quand elle veut discuter de ses soucis.
Partir. Je veux partir. Vivre ? Quel intérêt ? Je ne manquerais à personne. Je suis née poussière, j'ai vécu poussière et je mourrais poussière.
Du haut de cet immeuble, la vue est imprenable. La ville endormie semble paisible. Seul les taxis de nuit résonnent dans la nuit. Je ferme les yeux. Et je glisse. Je me laisse aller. Je tombe. Je suis bien. Pour la première fois de ma vie, je me sens légère. Je sens sous mon dos les pavés me rentrer dans la peau. Je ne sens plus rien. Et j'ouvre les yeux. Je vois l'immeuble, j'entends des cris, des gens, de la vie. Mais je ne sens rien. Je ne ressens rien. Je pars. Enfin. Réel. Des pleurs, des sirènes, et enfin le silence. Le noir. L'obscurité.

3h21Où les histoires vivent. Découvrez maintenant