Chapitre 2

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"Le bonheur est la plus grande des conquêtes, celle qu'on fait contre le destin qui nous est imposé." Albert camus

11h00

À mon réveil, je me retrouve chez moi, allongée sur le canapé, la cheville plâtrée. Je regarde autour de moi. Personne. J'aperçois sur la table basse un petit mot écrit à la main. J'utilise le peu de force que j'arrive à rassembler pour me pencher, puis l'attraper : "Ma puce, l'hôpital m'a appelé pour que je vienne te chercher. Tu dormais si profondément que je n'ai pas osé te réveiller. J'ai réussi à m'arranger et le mariage aura lieu le 1er février. N'essaies pas de joindre Tom, il passera. Joyeux anniversaire mon ange. PS : Ton cadeau est dans la chambre." Je lis et relis le mot jusqu'à ce que ma vision se trouble. Je fonds en sanglot. Encore une fois. Décidément.

Combien de temps ai-dormi ? Je tâte la poche arrière de mon jean, et récupère mon portable. Je l'allume et découvre la date : dimanche 1er Janvier. Je n'y crois pas. J'ai dormi une journée entière. Comment est-ce possible ? Tout à coup, un flash se heurte à mon esprit. J'ai rêvé. Pour la première fois de ma vie, j'ai rêvé. Mes parents m'ont toujours dit qu'autrefois les gens rêvaient pendant leur sommeil, mais que ce temps était révolu. Pourquoi ? Ils n'ont jamais voulu me le dire. Ou du moins, ils n'ont jamais pu. Soudain, des sueurs froides s'emparent de tout mon être, ainsi que des bouffées de chaleur. "L'amour triomphera de tout". Ces mots... Ce visage... Ces sensations... Pourquoi ai-je l'impression de tout reconnaître ? Je ferme alors les yeux pour essayer de me souvenir...

Subitement, une action fait son apparition dans mes pensées. 11h05 : me préparer un gratin de pâtes. Génial. Comme si je n'avais rien d'autre à faire de plus important. Je me lève alors du canapé, encore endormi de mon lourd sommeil. J'ai l'impression d'émerger des profondeurs d'un autre monde. Je suis complètement assommée. Je sors les pâtes, le lait, la farine, le thon, et la sauce béchamel déjà préparée. Il ne faut tout de même pas exagérer. Je ne suis qu'une étudiante en lettre de 22 ans, pas un chef cuisinier 4 étoiles avec 20 ans d'expériences. De plus, je n'aime pas faire la cuisine. Je n'ai jamais aimé ça. Peut être bien parce que je le fais par obligation. D'autant plus que je ne peux jamais me préparer ce qui me met en appétit.

Aujourd'hui, pour mon anniversaire, j'avais envie de manger plus particulièrement des sushis. C'est mon plat favoris. Je n'arrive pas à me souvenir de la dernière fois que j'en ai mangé, pourtant j'en ai encore le goût dans la bouche. 11h20 : lire un livre pendant la cuisson. Oui je sais, ma vie est passionnante. Quel bouquin pourrais-je bien lire ? 11h20 (changement) : lire "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" de Joël Dicker pendant la cuisson. Bon, d'accord. Je n'avais pas spécialement ce livre en tête, mais si vous insistez. Je me dirige alors vers la bibliothèque, prends le livre et m'assois de nouveau sur le sofa. Ce meuble va devenir ma nouvelle maison si ça continue. Je plonge alors dans le bouquin que j'ai pris le temps de choisir avec soin.

12h00

Je me dirige de nouveau vers la bibliothèque, repose le livre et sors le plat du four. Ça sent bon. Ce n'est pas parce que je n'aime pas faire la cuisine que je ne suis pas pour autant une bonne cuisinière. Je me sers une part et me mets à table. J'entame ma première bouchée. "L'amour triomphera de tout". Cette phrase ne me quitte plus depuis mon réveil. Je ne me savais pas aussi romantique. Mon futur mari est le seul homme avec qui je suis sortie. Je n'en ai jamais connu avant lui, et à mon avis je n'en connaîtrai jamais après lui.

Depuis ma naissance, j'ai l'impression d'être destinée à me marier avec cet homme. Pourtant, je ne l'aime pas. En général, quand deux personnes sont destinées à être ensemble, elles s'aiment. Du moins c'est ce que j'ai lu, et ça me semble logique. Pourquoi n'est-ce pas mon cas ? Est-ce que c'est la même chose pour tous les couples de la Terre ? Ou cela n'arrive-t-il qu'à moi ? Ma mère aime-t-elle mon père ? Ou a-t-elle était contrainte à l'épouser en accomplissant les mêmes actions que moi ? Malheureusement, mes questions resteront à jamais sans réponse, puisque le destin semble décidé à ne jamais me les donner.

Soudain, je me souviens d'une partie du mot que ma mère avait posé sur la table basse : "PS : ton cadeau est dans la chambre". J'aimerais tellement aller l'ouvrir, mais cette action ne figure pas dans ma liste. Qu'est-ce que ça peut bien être ? Il y a quelques mois, constatant que mon anniversaire allait bientôt arriver, je suis allée en parler avec ma mère. Pour la première fois de ma vie, j'ai pu lui dire ce que je voulais vraiment. Je me souviens très bien de ce soir-là, et de l'expression de son visage quand je lui ai dit ce que je désirais.

*début du flash-back*

J'étais dans ma chambre en train de regarder la télévision quand deux nouvelles actions apparurent. 22h20 : dire à ma mère que je sais ce que je veux pour mon anniversaire. 22h22 : dire à ma mère que j'aimerais avoir un appareil photo. Ce n'est pas du tout ce dont j'avais envie, mais bon, contrainte de le faire, je me levai de mon lit. Ma mère était assise sur son fauteuil en train de lire un livre. Je m'approchai d'elle. Elle leva alors la tête et redressa ses lunettes sur son nez.

- Oui, ma puce ? m'interrogea-t-elle.

- Maman, j'ai bien réfléchi et je sais ce que je veux pour mon anniversaire, lui dis-je avec conviction.

- Je t'écoute ma chérie.

22h22

- J'aimerais avoir un piano.

Quand ces mots sortirent de ma bouche, je m'arrêtai net et regardai ma mère d'un air inquiet. Comment cela avait-il pu arriver ? Oui, c'était bel et bien un piano que je désirais tant, pour pouvoir chanter les textes que j'écrivais un peu chaque soir. À part ce soir-là que j'avais dû interrompre à cause de cette action, qui, je le sentais, allait me coûter cher. Peut être avait-elle changé au dernier moment sans que je m'en aperçoive ?

- Pardon ? J'ai bien entendu ce que tu m'as dit ? Et tes études alors ? Tu ne veux plus être journaliste ? me demanda-t-elle, inquiète.

- Excuse-moi maman mais je me sens un peu confuse, je ferais mieux d'aller me coucher.

*fin du flash-back*

Sans HasardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant