Chapitre 3

17 1 1
                                    

"Nous croyons conduire le destin, mais c'est toujours lui qui nous mène." Denis Diderot

13:00

Une fois mon déjeuner terminé, aucune nouvelle action ne pointe le bout de son nez. Je ne sais pas quoi faire en attendant. Certains jours, toute une liste d'actions se met en attente, et je peux la consulter dès que l'envie m'en prend. D'autres jours, c'est le néant. Les actions arrivent au compte goutte. Comme maintenant, alors que j'aimerais faire pleins de choses. Sauf que ce n'est pas à moi de décider. Que je veuille faire quelque chose ou pas, je ne pourrais pas le faire tant qu'on ne me le demande pas.

Je me suis longtemps dit que c'était normal, puis j'ai commencé à lire des tas de romans, et j'ai constaté que ma vie ne ressemblait à aucune de leur vie. Je me demande alors si les écrivains de l'époque vivaient vraiment comme ça, libres, ou s'ils inventaient tout pour échapper à leur triste vie. Personnellement, je préfère rester optimiste et opter pour la première option. Mais si c'était le cas, pourquoi ça ne l'est plus aujourd'hui ?

13h20 : aller dans ma chambre et allumer la télévision. Qu'est ce que je déteste ça. On dirait que cette action m'est donnée à chaque fois qu'on ne trouve rien d'autres à me donner. Sans la moindre envie, je me lève de la chaise sur laquelle j'étais assise, puis je me dirige vers ma chambre. Soudain je me rappelle qu'un cadeau m'attend. Je vais enfin pouvoir savoir de quoi il s'agit.

En ouvrant la porte, je me crispe. Je ne vois rien. J'ai beau promener mon regard dans les quatre recoins dans la pièce, je ne vois pas la moindre trace d'un papier cadeau. Je suis déçue. Je m'allonge alors sur mon lit et allume la télévision. Je tombe sur la même chaine qui m'a été donné de regarder hier. Je ne peux pas la changer. Je me crispe d'avantage. Ce n'est pas que je n'apprécie pas les documentaires, mais en regarder tous les jours, non. Arte, je te maudis. Heureusement qu'il me reste la pensée pour échapper à ce calvaire.

Soudain je sens que quelque chose me gratter la jambe. Malheureusement je ne peux pas la bouger. Je n'en peux plus de cette non liberté. Ça me pèse de plus en plus. Vivement ce soir. Tous les soirs, juste avant de me coucher, j'écris. Mon inspiration ne dure qu'une minute, mais elle me semble durer une éternité. C'est une des choses qu'on me contraint à faire que j'arrive à apprécier.

C'est surprenant mais quand je réalise cette action, il y a toujours un moment où j'ai l'impression d'être libre, de pouvoir faire ce que je veux, d'être qui je veux. Dommage que ça ne dure pas longtemps. J'écris de tout, mais surtout de la poésie. J'aime les mots, surtout quand ils expriment ce que je ressens. Quelque part, ça me décharge de tout ce que je garde au fond de moi, ne pouvant le partager.

13h55 : appeler ma mère, lui dire que je vais mieux. Mince, je me rends compte que j'ai oublié de l'appeler quand je me suis réveillée. Je me lève aussitôt, et avant de quitter ma chambre j'aperçois un bout de papier plié sur mon lit. Voilà ce qui me grattait la jambe tout à l'heure. Pourquoi est-il posé là ? Je le découvrirai plus tard, je m'occupe de ma mère en priorité. Un bout de papier peut attendre, une mère non. Je vais chercher le fixe posé sur la table de la cuisine et compose son numéro.

- Enfin réveillée ma puce ? demande-t-elle d'une voix aussi chaleureuse que d'habitude.

- Oui maman, j'ai bien dormi. Dis-je en souriant pour ne pas montrer ma déception vis à vis du cadeau.

- Ta cheville va mieux ? M'interroge-t-elle.

- Oui, elle ne me fait plus mal.

- Super ma chérie. À ce soir, je t'aime.

- À ce soir, je t'aime aussi.

Bon sang qu'est-ce que je déteste ces conversations forcées. "L'amour triomphera de tout." Encore ?

14:00

Ces mots... Ce visage... Ces sensations... Tout me semble si abstrait. J'aimerais m'en souvenir. C'est la première fois que je rêve, et tout ce dont je me souviens est flou. C'est frustrant. Peut être que si je me concentrais plus... 14h05 : prendre le bout de papier et regarder ce qu'il y a à l'intérieur. Oh, je l'avais oublié. En marchant vers ma chambre, je commence soudain à me sentir mal. Je me mets à imaginer que ce bout de papier pourrait peut être contenir toutes les réponses à mes questions. Les bouffées de chaleur reprennent et je suis victime de vertige. Je crois que je vais m'évanouir.

Pourquoi une telle réaction ? Je ne comprends pas. Mon corps réagit vraiment de façon inhabituelle ces derniers temps. Rien que ce matin, le fait d'avoir rêvé m'a mis dans un état pas possible. Pourtant c'est bien ce que les gens faisaient autre fois. S'ils se retrouvaient tous avec des bouffées de chaleurs et des sueurs froides, je peux comprendre pourquoi ils ne rêvent plus. Ça devait être ennuyant à force, et avec l'avancé de la médecine, ça ne m'étonnerait pas qu'ils aient trouvé un moyen d'arrêter de nous faire rêver.

Je me retrouve dans ma chambre, je cherche le bout de papier, rien. Il était bien sur mon lit, non ? Où a-t-il bien pu passer ? 14h10 : chercher le bout de papier. Bon, je ne vais pas tarder à le savoir. Je me mets alors à chercher partout. Sous mon lit, sur mon bureau, entre les livres de ma bibliothèque, dans les livres de ma bibliothèque, mais en vain. Ce bout de papier n'est nul part. Je suis larguée. Mon portable se met tout à coup à sonner. 14h25 : répondre au téléphone. Merci. Je sors alors mon portable de ma poche, et réponds, quand au même moment, un bout de papier tombe sur le sol.

Oh le voilà, comment a-t-il pu arriver jusqu'ici ?

- Maman ?

- Oui ma puce, c'était pour te prévenir que j'allais rentrer plus tard que prévu, je vais au cinema avec ton beau-père.

J'espère que ma prochaine action sera de lire ce papier, sinon je hurle.

- D'accord maman, pas de problème.

- Tu as vu ton cadeau ma chérie ?

Je crois qu'elle est en train de se jouer de moi.

- Non, pas encore.

- Ah bon ? Pourtant tu ne peux pas le rater ! À tout à l'heure mon ange.

Je ne peux pas le rater...?

- À tout à l'heure maman.

Comment ça je ne peux pas le rater ? Quand je suis allée dans ma chambre je n'ai absolument rien vu. Je dirige mon regard vers le sol, et constate que, une fois de plus, le bout de papier a disparu. 14h35 : ouvrir le cadeau dans la chambre. Confuse, je me dirige de nouveau vers la chambre. J'ouvre la porte et ouvre grand la bouche. Au beau milieu de ma chambre se trouve un énorme carton. J'ai l'impression de devenir folle.

Sans HasardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant