L'amour du malade

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Chère France,

Je t'écris pour te dire que je suis malade. J'en suis certain aujourd'hui, mon corps ne tiendra plus longtemps. Quand je me regarde dans la glace, j'imagine les milliers de microbes qui grouillent sur ma peau et, j'en suis sûr, ils m'ont eu. Pauvre de moi, j'ai pourtant toujours pris mes précautions. Mon armoire à pharmacie est depuis bien longtemps la plus remplie du pays. Il m'est même arrivé de prêter un médicament à un ami qui en avait grand besoin. Le pauvre s'était disputé avec sa femme et avait eu le malheur d'aller dans une maison de joie. Tu imagines ? On sait tous que ces filles ne sont que des nids à problèmes ! J'ai été étonné qu'il ne me revienne pas avec des morpions... Enfin le problème n'est pas là. Je lui ai grandement conseillé de se munir de médicaments et de prendre quelques-uns de mes antibiotiques. Mieux vaut prévenir que guérir.

Mais revenons-en à moi. Tu sais à quel point mon corps est fragile ! Le moindre acarien est pour moi insupportable. Je ne peux tout simplement pas survivre dans un lit qui ne possède pas de draps anti-allergiques. Et la nuit dernière, on m'a achevé...

Tu sais que mon travail m'oblige à beaucoup voyager, mais que je m'arrange toujours pour ne pas dormir dans un hôtel sale, lugubre et infesté de bactéries.

Cette nuit-là, un drame s'est produit. J'ai cru tomber amoureux. Que ne ferait-on pas par amour ? J'ai embrassé cette jeune fille à pleine bouche, elle a posé ses mains partout sur mon corps et je l'ai laissé faire ! J'ai dormi dans un lit non-traité, où d'autres gens avaient dormi avant moi. Et le pire de tout, j'ai abandonné tout mes principes : Je lui ai fait l'amour. Oh France ce fut magique. Jamais femme ne m'a procuré tant de plaisir.

Mais au matin, la réalité m'est revenue en face. Aucune précaution, pas de vérifications, de prises de sang, de test sida... Certain que j'avais attrapé quelque chose, je me suis précipité chez mon médecin traitant. Il m'a accueilli comme à son habitude et m'a répété maintes fois qu'il ne pouvait rien pour moi. Selon lui, je suis schizophrène. Impossible ! Toutes ces choses ne sont pas dans ma tête. J'ai le sida, l'herpès et peut-être même d'autres choses que je n'ai pas remarqué. Personne ne me croit jamais mais je sais que toi, tu m'écoutes.

Je me devais de te prévenir avant de ne plus pouvoir écrire. À 43 ans, mon arthrite est plus présente que jamais. Ah ma belle France, qu'il est loin le temps où nous ne nous préoccupions de rien.

Je t'embrasse bien fort, en pensée. Prends soin de toi.

Ton ami.

Lettres à FranceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant