Lettres à France

Demain n'existera pas

Chère France,

Seul dans mon appartement, je repense à ce que nous avons vécu. Peut-on dire que nous nous sommes aimé ? Je n'en suis pas sûr. Et pourtant les mots « amour de vacances » se rapprochent le plus de ce que nous avons vécu.

J'ai tout de suite ressenti quelque chose à ton égard, un sentiment doux et puissant qui, sur le moment, m'aurait poussé à toutes les folies. Mais de retour dans cet appartement trop grand pour moi, je me rends compte que la folie est remplacée par la vraie vie. Notre amour, si nous pouvons l'appeler comme cela, est tout simplement impossible. En dehors de ce beau pays étranger, nous avons chacun notre vie.

La tienne est paisible dans les bras de celui qui a pris ton coeur. Je vous imagine chaque soir, enlacés, rêvant de votre vie future, de vos probables enfants, de demain. Voilà ce qu'il nous manque ma France ! Un demain à notre aujourd'hui. Un futur à notre hier.

Je ne suis sans doute pas fait pour toi et tu ne m'es sans doute pas destinée. Les dieux en ont voulu autrement et qui suis-je pour les défier ? Je pourrais débarquer aujourd'hui chez toi, t'enlever et nous ramener tous deux à notre paradis. Mais serais- tu seulement heureuse ? En faisant cela, je devrais t'enlever à ta famille, à tes amis et à, je le crois, l'homme que tu aimes plus que moi.

Ne me répond pas que tu hésites entre nous deux ! Tu as fait ton choix le jour où tu t'es détournée de moi pour le rejoindre. Tes larmes étaient réelles et je voyais que la séparation te faisait du mal mais ça ne change rien. Tu es partie.

Et je ne peux te blâmer. Je me suis également enfui. Je suis retourné dans cet appartement que j'aime moyennement, pour cette vie que j'aime moyennement et cette fille qui me plait moyennement. Et au fond de moi, je sais que c'était la bonne décision.

Certains diront peut-être que nous sommes des lâches. Que je suis un lâche. Que je me contente de ce qui est acquis et que je n'ose pas me battre pour mes désirs profonds. Je répondrais à ceux-là que j'ai pris la décision qui me semblait la plus juste pour faire ton bonheur. Y a-t-il plus noble attention ?

Je t'aime ma France ! Voilà, je l'ai dit ! Je suis fou, fou d'amour et je brûle de te revoir. Et pourtant je t'en supplie, ne réponds pas à cette lettre. Je veux garder dans ma tête l'image de cette femme dansant sur la plage, libre comme l'air et fraiche comme la rosée du matin. Te revoir, j'en suis sûr, ternirait cette image fabuleuse que j'ai de toi.

Je t'enverrais sans doute une lettre de temps en temps. Tu me répondras entre deux baisers à ton aimé et je vivrais ma vie de mon côté. J'espère que nous resterons en bons termes et, qui sait, un jour peut-être nous reverrons-nous ?

Je t'embrasse en toute amitié,
                 
                           Un homme qui t'a aimée.