XII

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Malgré ce qu'on en dit, changer d'environnement, de fréquentations, de look ... n'aide pas vraiment à oublier.

Je passe la porte de cet endroit qui devient mon nouveau lieu de vie à partir d'aujourd'hui.

-Vic ! M'interpelle Charlotte.
Cette fille est dans ma classe, elle est adorable. Elle est métisse et a des cheveux magnifiques. C'est un peu à ça qu'on la reconnaît.
Elle a toujours un mot pour rire et ça devrait m'aider à penser à autre chose.

Depuis le jour du départ de Lucas, nous avons énormément parlé par messages et nous nous appelons souvent le soir et le week-end.
Je me rends compte à quel point il est difficile d'avoir une relation à distance.
Savoir que la personne que l'on aime est si loin, avec d'autres personnes...

-Hé oh ? Tu m'entends Vic ?
Charlotte.
-Pardon, tu disais ?
-Tu peux venir dans ma chambre il y a une place libre.
-Oui avec plaisir, laquelle c'est ?
-Là, à droite.

Nous entrons dans une chambre de quatre, chaque lit est dans un coin de la chambre et deux grands bureaux sont entre les deux lits de chaque côté.
J'aurai le lit près de la fenêtre à droite.
Je tire avec difficulté ma valise remplie jusqu'à l'armoire.
Je m'affale sur le lit et ferme les yeux.

Comme à chaque fois, je vois son visage, c'est incroyable à quel point il peut me manquer.

-À table !! Crie Tom le surveillant.
Je voulais du changement, manger à la cantine matin, midi et soir va me changer.
Heureusement la nourriture n'y est pas trop mauvaise.

En entrant dans la cantine, un groupe de fille s'est installé à une grande table et m'appelle:
-Hé la nouvelle ?!
Je m'approche.
-Salut tu es Vic ? Tu peux manger avec nous si ça te dit ?
-Oui bien sûr, c'est gentil.

Elles ont toutes l'air assez cool. Celle qui m'a parlé s'appelle Clara, elle a les cheveux bleus et rien que pour ça je me dis que l'on va bien s'entendre.
Nous parlons tout le repas.
Il y a toujours quelqu'unpour prendre la parole et éviter les blancs.
C'est tout à fait ce dont j'avais besoin, je n'ai pas eu le temps de penser à lui depuis le moment où j'ai passé les portes de la cantine

Les heures défilent pendant la soirée, et comme les précédantes, dès que je me retrouve toute seule, comme maintenant dans mon lit, mes souvenirs m'assaillent.
Je fourre mes écouteurs dansmes oreilles en espérant que la musique m'aidera à penser à autre chose qu'au manque insupportable que je ressens en ce moment.

Ma liste de lecture affiche break, de Rebecca Roubion , une chanson que j'ai entendu dans la série Jane the Virgin. Je clique dessus et quelque chose m'intrigue.
Les paroles d'une chanson peuvent donner de l'espoir, et c'est ce que je ressens en ce moment.
Celles de cette chanson sont exactement ce que je voudrais crier à mon corps pour qu'il me propulse plus loin malgré le brouillard de solitude qui embrûme mon esprit.

"On adore les belles chansons lorsque l'on est heureux et on en comprend les paroles lorsqu'on est triste"

Je m'endors avec cette musique en répétition. J'espère seulement qu'elle va m'aider à trouver la force de continuer à avancer. J'en aurai besoin.

Une ambiance particulière règne dans cet endroit, je ne sais même pas où je suis ...
J'ai l'impression de voir flou, je n'arrive pas à penser.
-Vic !
J'entends une voix d'homme.
Lucas.
Il est là, je peux le sentir, sa présence me rassure.

Un bruit sourd me fait ouvrir les yeux.

TOC TOC TOC
-Debout les filles ! Crie la surveillante derrière la porte.

La porte de la chambre. Je regarde autour de moi et vois Charlotte s'étirant en sortant de son lit.
Je passe la main sur mon visage et sens d'énormes gouttes de sueur couler sur tout mon visage.

-Tu ferais bien d'aller prendre une douche Vic, tu as l'air d'avoir eu chaud cette nuit ! Tu as fait des rêves coquins ?
Elle n'a pas idée !
-Tu n'as pas idée ... de la bonne douche que je devrais prendre c'est vrai !

Je ne sais même pas comment je fais pour plaisanter alors que ce qui se passe dans ma tête est bien horrible.

Je sors de la douche rafraîchie, c'est incroyable le pouvoir que peut avoir de l'eau froide un matin, j'avoue que je préfèrerais qu'elle soit chaude mais l'internat en a décidé autrement.
Je me sens d'attaque pour une journée.
En parlant d'attaque, j'entends des cris, on dirait une baston. Non c'est impossible !

Je sors dans le couloir et vois deux filles se roulant par terre, comme des bêtes sauvages.
Elles se tirent les cheveux dans tous les sens et tirent sur un objet avec un fil.
-Rends le moi !!!
-Aargh ! Non ! Il est à moi voleuse !!!

Elles se retournent et je vois mieux l'objet. Un fer à lisser.
C'est une blague ?
Puisque personne n'a l'air de réagir, je m'approche et essaie de les séparer.
Dans leurs gestes brusques, l'une d'elle pousse l'autre qui me donne une gifle monumentale me propulsant au sol.

-Viiic ? Viic ?! Vic, ça va ?
L'une des deux filles est penchée sur moi.
-Mon dieu je suis terriblement désolée ! C'était un accident je t'assure.
J'essaie de me relever, mais en essayant d'ouvrir l'oeil, la douleur est si vive qu'un cri m'échappe.
Je retente et réussis à me mettre sur mes deux jambes.
-C'est bon, ça va.

Je retourne à la salle de bains pour récupérer mes affaires de toilette, mais quand mon regard se pose sur mon reflet dans le miroir, je suis sous le choc.
Un bleu se forme déjà tout autour de mon oeil et je le vois changer de couleur au fil des secondes.

Après s'être excusée une bonne centaine de fois, Célia retourne dans sa chambre et s'habille en vitesse, tout comme moi alors que les autres sont sur le chemin de la cantine pour aller prendre le petit déjeuner.
Quelques minutes, un coup de correcteur, et un de mascara plus tard, je suis aussi dans le réfectoire.

-Vic je suis désolée de te le dire mais ce n'est pas un peu de blush qui va cacher cette balafre !
Les autres rigolent mais Charlotte est assez sérieuse.
J'aimerais bien rire aussi, mais rien qu'en essayant de parler l'oedème de mon oeil m'en empêcher sous peine d'une atroce douleur.
Tout ce que je peux répondre c'est : "Mmh".

Lez gens me dévisagent. Regarder n'est pas un mot assez fort pour décrire ce qu'ils font, ils m'étudient de leurs regards méfiants, moqueurs ou même appeurés.
C'est dingue à quel point l'apparence physique compte dans cette société !

Et malheureusement pour moi, même les professeurs me demande un récit détaillé de mon périple au milieu d'une jungle de folles qui se battent pour des lisseurs.
C'est vrai que cette histoire est hilarante mais je ne peux pas rire ! Quel domage.

À la récrée je reçois un message de Lucas.
"-Coucou ma belle, comment tu vas aujourd'hui ? "
Je suis contente qu'il m'envoie des messages mais j'ai si peur qu'il se force et qu'en réalité il soit déjà en train de m'oublier.
Pour réponse je lui envoie une photo de mon oeil. Si on peut toujours appeler ça un oeil.
Maintenant il ressemble à un caillou ...

J'accompagne mon mms d'un :
"-Pas top"
"-Que s'est-il passé ????
-Je te donne les mots clé et je te laisse te faire ta version de l'histoire ;) , voilà : internat, matin, filles, lisseur, baston, gifle par accident
* mégagifle par accident ... etc tu vois ?
-Oui pas top en effet ! Depuis quand tu es à l'internat ?
-Depuis une journée.
-Oh alors c'est un cadeau d'accueil ! ? Je plaisante, ici ça a sonné, je t'appellerai ce soir.
Bisous.
-Bisous. "

Je me sens encore plus revigorée après cet échange naturel et spontané avec l'homme que j'aime, mais je dois avouer que ce cocard à mon oeil avait un point positif.
Depuis ce matin, depuis cette gifle (*mégagifle), je ressentais tellement la douleur physique que tout ce qui n'allait plus dans ma tête avait un peu disparu.

Je retourne en cours, j'ai besoin d'être seule pour penser un peu, ça fait trop longtemps que je vis ma vie sans réfléchir, mais comme je ne veux pas devenir un mouton qui suit le mouvement, je me programme de me mettre à réfléchir sérieusement à ce qui m'arrive.
Et je ne parle pas de mon cocard (*mégacocard ! )

Pourquoi Pas Nous ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant