"Maman, est-ce que j'ai quelque chose à moi qui ne soit pas à vous ?" Zola

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J'ai devant les yeux la photo de ma mère et ma tante bras dessus bras dessous. Leurs ventres sont  bien ronds et elles semblent rire aux éclats dans la campagne ardéchoise. Les traits de ma mère sont fins, juvéniles, angéliques presque. Elle semble heureuse. Au dos de la photo c'est écrit à la main "03 mars 1987 Marianne et Francine en balade." 

Papa me caresse le dos tandis que j'essuie des larmes sur mes joues. Nous restons en silence devant l'écran de l'ordi. J'ai l'impression de connaitre l'histoire de l'avoir déjà vécu enfaîte, j'ai l'étrange sentiment de voyager dans le temps comme un flash back, des images dans ma tête, un puzzle qui s'assemble peu à peu et de rencontrer cette jeune mère que je n'ai pas connue. Au bout d'un certain temps l'ordinateur se met en veille et papa prend la parole.

-Tu comptes faire quoi?

-J'en sais rien... Dis-je en reniflant.

-Si tu veux je peux demander à un enquêteur privé.

Je regarde mon père qui hausse les sourcils en signe de compassion, je ne sais pas quoi répondre je n'ai pas envie de laisser quelqu'un fouiller dans le passé de ma mère j'ai envie de connaitre la vérité par moi même, d'assembler les preuves unes à unes pour enfin le retrouver mais d'un autre côté je n'ai plus la force de me plonger dans une telle aventure.

-On peut peut être... le chercher toi et moi?

-Tu ferais ça pour moi?

-Ma chérie... Je ferais n'importe quoi pour toi.

Il me prend dans ses bras et je le serre fort, presque à m'en couper le souffle, j'ai tellement besoin de sa force, de son amour que pour rien au monde je voudrais le mettre à l'écart de ce mes recherches. 

*                      *

*

Loucas, Claire et Ryan me regardent comme si je venais de leur annoncer la nouvelle de l'année. Ryan fait les cents pas dans le studio alors que Loucas et Claire restent assis sur le canapé.

-Alors tu pars comme ça? Tu laisses le salon? Me demande Ryan les bras croisés l'air énervé.

-Je prend un année sabbatique mais je n'oublie pas le salon, ni vous. Dis-je en les regardant.

-Je comprends que tu veuilles le retrouver mais pourquoi t'installer là bas ?

-Parce que ça facilitera les recherches... s'il vous plait comprenez moi.

-Je te comprend Gaïa, mais... ça fait chier. Répond Claire les yeux remplis d'eau.

-Moi aussi ça ne m'enchante pas de vous quitter. Dis-je en venant m'asseoir à côté d'elle et l'embrasser sur la joue. Ce n'est pas comme si on allait plus jamais se voir hein, je reste en France mais mon père et moi on a besoin de ça pour... pour avancer.

-Tu es sure d'avoir besoin de ça? Me demande Loucas en passant sa main dans sa mèche.

-Oui j'en suis sure.

-Putain Gaïa, je peux pas moi, tout seul avec Ophélie et Rica t'imagines?

-Vous vous en sortez très bien sans moi.

-Et tes clients? Hein t'y penses?

-Ryan... Dis-je en me levant lui prenant la main. Je te fais confiance, je sais que ça va te mettre un peu plus de pression mais... si tu as besoin d'aide je serai là.

Il baisse les yeux, c'est la première fois que je le vois aussi troublé. D'habitude il est sur de lui et il n'a besoin de personne alors je ne comprend pas sa réaction. Claire et Loucas se lèvent à leur tour et me prennent dans leurs bras. Je sens toute leur énergie et ça me fait tellement de bien qu'un nœud se forme dans ma gorge. J'ai l'impression de les abandonner, de n'être pas reconnaissante de tout ce qu'ils ont fait pour moi mais au fond je sais qu'ils comprennent.

-On sera là nous aussi. Murmure Loucas pendant notre étreinte 

-On ne te laissera pas tomber. Enchérie Claire.

-Je vous aime. Leur dis-je la gorge serrée.

*                *

*

Papa s'est occupé de tout, du logement, du voyage et de son travail là bas. Je sais que je lui demande de faire des sacrifices dans sa carrière et ça ne m'enchante pas du tout. Je n'aime pas chambouler la vie des gens et encore moins celle de mon père puisque je l'ai déjà assez fait. Nous partons dans 10 jours, j'ai le temps de m'occuper du salon un peu, de recevoir les clients qui voulaient leur tatouage avec moi, préparer quelques affaires et de me motiver mentalement. 

Claire et moi sommes assise dans un café, on ne se parle pas, j'ai comme l'étrange impression qu'elle me fait la tête. Je lui prend la main et lui fais un sourire, elle ne réagit pas. Ses yeux sont vides, ses lèvres sont pales, ses mains sont froides.

-Claire qu'est-ce que tu as?

-Rien. Répond t-elle sèchement.

Je prend un grande bouffée d'aire et regarde le monde autour de nous. Ca faisait longtemps que je n'avais plus vu le monde tourner normalement. Voir les gens rire, discuter, passer du bon temps... Je me réjouis de voir que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

-Je vais te laisser alors. Dis-je en rassemblant mes affaires.

-Ha ouais donc tu me laisses comme ça?

Je la regarde sur le point de me lever sans avoir quoi répondre. Soudain je vois que ses lèvres deviennent rouges et ses yeux remplis de larme. Elle est sur le point de craquer et ça me fend le cœur.

-Parles moi Claire. Dis-je en me rasseyant.

-Je n'ai rien à te dire Gaïa. Tu as raison vaut mieux que tu partes. Répond t-elle violemment.

-C'est parce que je pars en Ardèche? C'est ça?

Ses yeux se braquent sur moi de façon à que je comprenne que oui, c'est à cause de ça. Elle pose des pièces sur la table prend son foulard et son sac puis quitte le café en me laissant seule. J'ai soudainement l'impression que tous les regards ce posent sur moi. Je sors alors pour la rejoindre mais ne la trouve plus. Je scrute à gauche à droite mais ne vois pas sa belle crinière blonde. 

Le monde devient gris, froid d'un seul coup. Une goutte tombe sur mon front et quelqu'un à côté de moi ouvre un parapluie noire. Je frissonne. L'homme me regarde quelques secondes abrité sous son parapluie et sans un mot il part.




Les parapluies noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant