Chapitre 4

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  Cassie se rendit immédiatement dans la salle de bain et commença à se laver les mains dans le lavabo. Petit à petit, son calme apparent disparut et elle frotta plus énergiquement ses mains toujours pleines de sang sous l'eau chaude pendant que des larmes roulaient le long de ses joues. Après plus d'une minute d'acharnement elle arrêta enfin l'eau et passa ses mains propres et mouillées sur son visage puis dans ses cheveux en soupirant. Elle avait beau y réfléchir, elle n'arrivait pas à comprendre comment elle avait fait pour se mettre dans une telle situation. Elle avait poignardé un homme ! Un homme fou qui avait tenté de la séquestrer, de la tuer ! Pourquoi était-elle entrée dans cette maison ?! C'était stupide ! Fou ! Inconscient ! Il y avait sûrement plein d'autres moyens de se faire remarquer par Blaise, pourquoi avait-elle écouté et suivit ces filles ? Elle savait pourtant que ce n'était que des garces et qu'elles ne pouvaient que se moquer d'elle.

Elle essuya les larmes qui coulaient toujours le long de ses joues puis se déshabilla et se glissa sous la douche. L'eau chaude sur sa peau la détendit légèrement, l'espace d'un instant, mais dès qu'elle fut couchée dans son lit, le souvenir de cette soirée l'assaillit de nouveau. Elle n'arrivait pas à oublier le visage de cet homme terrifiant, son regard fou, le couteau planté dans sa poitrine, le sang ... Le visage étrange d'Élias également,le regard triste de Blaise et celui, furieux, de son cousin. Et surtout, le plus important, le plus fou, l'apparition de sa mère. Cette dernière manquait énormément à Cassie, chaque jour. La revoir était aussi fou qu'inespéré. Et pourtant, elle l'avait revue et avait de nouveau entendu sa voix, si douce, si pleine d'amour. Et maintenant, elle ne pensait qu'à une chose : la revoir. Cette idée la hantait presque plus que l'image de l'homme qui s'effondre à ses pieds.

Malgré sa peur et le fait qu'elle pleurait et tremblait encore, Cassie réussit à s'endormir sans trop s'en rendre compte. Elle n'entendit pas Charles et Alessandro rentrer quelques minutes plus tard dans l'appartement. Les deux jeunes hommes ne parlaient pas. Charles était toujours dans tous ses états et Alessandro ne voulait pas l'embêter. Alors, il l'embrassa longuement et tendrement puis le laissa pour aller se coucher. Charles le regarda quitter la pièce puis se rendit dans la chambre de Cassie. Il s'installa dans la chaise de bureau et la regarda dormir presque trop paisiblement après la soirée qu'elle venait de vivre. Il avait peur, sûrement plus qu'elle. Parce qu'il savait ce qu'elle ne savait pas. Il savait qu'elle était bien plus différente que ce qu'elle pensait. Et si cet homme qu'elle avait poignardé mourrait dans les jours à venir, plus rien ne serait comme avant, il le savait. Et il était le seul ...

Il regarda le cadre posé sur le bureau de la jeune fille. La photo à l'intérieur était une de sa mère, souriante, belle, en vie. Charles avait toujours adoré sa tante. Ils avaient toujours été très proches. Sonia était drôle, pleine de créativité, ouverte d'esprit. Elle l'avait toujours accepté comme il était, contrairement à sa mère. Il pouvait lui parler de son homosexualité sans avoir peur, de ses amourettes, de ses conquêtes. Elle était presque devenue sa meilleure amie. Quand elle était tombée malade, il avait été le premier à son chevet. C'est à ce moment là qu'il avait commencé à s'occuper de Cassie. Il allait la chercher à l'école, restait dormir avec elle à l'appartement, l'emmenait voir sa mère à l'hôpital. C'est pourquoi avant même que Sonia lui demande, Charles s'était promis de prendre soin de Cassie, de la protéger du mieux qu'il le pourrait.

Aujourd'hui, il avait l'impression d'avoir échoué. Cassie avait fait le mur, était entrée dans la maison d'un dingue, l'avait poignardé pour ne pas mourir et maintenant, il ne lui restait plus qu'à prier pour que cette ordure ne meurt pas. Car s'il venait à mourir, Cassie vivrait un enfer pour le reste de sa vie et il ne pourrait plus la protéger. Sa mère non plus ne pourrait pas la protéger. Il n'y en avait qu'une qui le pourrait et Charles espérait ne pas avoir à lui demander de l'aide, surtout par fierté.

Cassie se mit à gémir et à remuer dans son sommeil. Charles détourna son regard de la photo pour le poser sur la jeune fille. Elle avait les sourcils froncés, les lèvres pincées. Elle faisait un cauchemar. C'était inévitable, Charles le savait. Elle n'avait que dix-sept et elle avait poignardé un homme. D'ailleurs, son âge n'avait pas d'importance. Peu importe l'âge qu'on a, poignarder un homme est traumatisant. Le fait que les garces qui l'avaient entraînée là-dedans se liguent contre Cassie et démentent sa version ne l'aidait pas non plus à surmonter cette épreuve. Il soupira et se précipita vers la jeune fille pour la réveiller lorsqu'elle se mit à hurler. Finalement, elle termina sa nuit dans le lit de Charles et Alessandro, se sentant plus en sécurité entre les deux hommes.

* * * * *

Le lendemain matin, Cassie dut se rendre au poste de police pour faire sa déposition. Elle ne voulait pas y aller, à quoi bon ?! On la traiterait de menteuse et de gamine inconsciente ! Mais Charles ne lui avait pas laissé le choix et elle se trouvait maintenant dans la salle d'attente du commissariat aux côtés de son cousin. Ils attendaient depuis plus d'un quart d'heure quand une femme en uniforme vint enfin la chercher. Cassie dut la suivre, seule.

Elles traversèrent quelques couloirs et soudain Cassie se figea. Blaise était là ! Il était en train de sortir d'une salle avec un autre officier. Leurs regards se croisèrent et Cassie ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux. La femme devant elle s'arrêta et se retourna pour lui ordonner de la suivre. Cassie hocha la tête et reprit sa marche. Lorsqu'elle passa à côté de Blaise, ce dernier lui lança un léger sourire, presque timide. C'était étrange de voir le garçon le plus populaire du lycée être gêné. Cassie l'avait toujours vu sûr de lui, que ce soit durant un match ou en cours. La jeune fille le lui rendit, encore plus timidement, croyant rêvée. Puis elle entra dans une salle d'interrogation et Blaise disparut.

Cassie mit quelques minutes avant de revenir à la réalité. La policière qui lui faisait face ne semblait pas très aimable ni patiente. Elle lui demanda de lui raconter ce qu'il s'était passé la veille au soir et Cassie lui obéit. Elle raconta sa version des faits, la vraie. Mais elle vit bien que la femme ne la croyait pas. Cassie avait envie de lui hurler dessus, de lui dire qu'elle ne mentait pas, que c'était les autres garces qui mentaient, qu'elle n'était qu'une victime. Mais elle savait qu'elle ne ferait qu'aggraver son cas. Personne ne la croirait ici. Alors elle répondit à toutes les questions de la policière, essayant de faire abstraction des personnes qui se tenaient derrière la vitre teintée et qui devaient sûrement l'observer. Après près de vingt minutes de discussion, Cassie put enfin quitter le commissariat. Elle retrouva Charles, toujours aussi silencieux, et ils rentrèrent à l'appartement, auprès d'Alessandro.

Lorsqu'elle descendit de la voiture garée en bas de l'immeuble, Cassie se précipita pour traverser le trottoir. Elle voulait rentrer, s'enfermer dans sa chambre à l'abri des regards et pleurer. C'était trop dur d'affronter les regards accusateurs et sceptiques, surtout après ce qu'elle avait vécu cette nuit là. Mais alors qu'elle traversait, elle entendit une voix féminine hurler son prénom. Elle se figea et l'instant d'après, un jeune homme en skateboard passa à toute allure devant elle et la frôla. Cassie laissa échapper un petit cri pendant que ses cheveux s'envolaient. Elle recula d'un pas et redressa la tête. C'est alors qu'elle la vit, pour la seconde fois en moins de deux jours. Sa mère se tenait de l'autre côté du trottoir, près de la porte de l'immeuble et elle fixait la jeune fille avec inquiétude. Elle était encore translucide mais cela n'avait pas d'importance pour Cassie. Elle la voyait et c'est cela qui importait.

La jeune fille regarda à droite et à gauche puis traversa rapidement le trottoir pour rejoindre sa mère mais elle avait déjà disparu. Déçue, Cassie se figea et sursauta de nouveau lorsqu'une main se posa sur son épaule. Elle se retourna et découvrit le visage las de Charles.

- Tu ne peux pas faire attention, bon sang, Cassie ! Tu as failli te faire renverser par ce mec ! Décidément, tu n'arrêtes pas de te mettre en danger ! Rentre maintenant et ne tombe pas dans les escaliers, par pitié ! » Grogna-t-il avant de la pousser en avant.

Cassie regarda une dernière fois l'emplacement où se trouvait sa mère quelques instants plus tôt puis finit par obéir à son cousin et grimpa pour regagner l'appartement, le beau visage de sa mère en tête.  

C A S S I EOù les histoires vivent. Découvrez maintenant