III

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Je marche, suivie du garde, dans les couloirs qui mènent au réfectoire. Le docteur m'a laissé partir pour un "temps libre". Ce qui veut dire que je vais manger, puis retourner dans ma cellule tout le reste de la journée. Quelle joie. Lorsque nous arrivons dans la grande salle, je peux identifier tout le monde. Des noms -ou plutôt des numéros- s'affichent partout dans mon champ de vision. Je vais chercher mon plateau et le repas. Comme d'habitude, une sorte de pâte au goût atroce conçue pour nous donner des forces. Ils évitent que les cobayes meurent, nous coûtons relativement cher.

Je reste un petit moment plantée débout, devant les tables pleines de cobayes aux mines déprimées. Puis je découvre enfin ce que cherchais, ou plutôt celle, et je marche au pas de course vers la table d'Angelle . Elle à l'air détruite et malade. Je me rappelle alors que les scientifiques lui ont injecter le virus de la rage. Elle s'efforce de me sourire.

-Salut, me dit-elle d'une voix enrouée.

-Salut.

Je m'assoie en face d'elle. Elle avale très difficilement et bruyamment sa pâte, et je reconnais les symptômes de la maladie. Les larmes me montent aux yeux. Je ne veux pas qu'elle meurt, mais je ne crois pas qu'il reste beaucoup d'espoir qu'elle reste en vie. C'est ma seule amie ici. À vrai dire, je ne cherche pas vraiment à m'en faire.
Mais actuellement, j'ai des doutes sur le fait de la revoir demain, à l'heure du déjeuner.
Les scientifiques connaissent mes danger mais ils voulaient juste tester la résistance des renards. C'est tout ce qui leur importe. Je m'empêche de pleurer. C'est déjà dur pour elle, alors si je me lâche, ça n'arrangera rien. Nous mangeons sans un mot. Elle finit par relever les yeux de son pot de pâte et essaye de me remonter le moral :
-Eh, t'inquiète, il me reste encore un peu à vivre !

C'est idiot. Ça devrait être moi, qui lui remonte le moral. Mais là, j'en suis incapable. Je lui sourie faiblement. Puis les gardes arrive et l'emmène. Je me lève et le même homme qui m'a emmené chez le docteur Oculos et qui me tire tout les matins de mon sommeil s'approche de moi.

-Viens. Je te mène à ta cellule.

Ca veut plutôt dire "grouille toi, j'ai pas que ça a faire, mais je dois toujours garder un œil sur toi, tu est sûrement folle, en plus". Cette phrase se ressent aussi bien dans sa voix que dans son regard insistant. Je le suis sans hésitation. Quand j'arrive dans ma cellule, il s'en va en refermant la porte à clef. Je m'approche de la fenêtre, repense à Angelle, et laisse les larmes rouler sur mes joues. Je les déteste. Je voudrais leurs morts.
Et je laisse un gros sanglot sortir de ma gorge.

+ + +

Deux jours ce sont écoulés. Je n'ai pas revu mon amie, comme si mes doutes était réalité. Je marche pieds nus sur le carrelage froid en direction du réfectoire, le garde sur mes talons. Lorsque j'arrive dans la salle, il me laisse et part discuter avec un de ses collègues, à l'autre bout de la pièce. Je vais me servir, enfin une chose que je peux faire seule.
Puis j'identifie les cobayes -car, à part quelques gardes, il n'y a que ça, les scientifiques mangent ailleurs- éparpillés dans la pièce en petits groupes. J'ai beau balayer la salle du regard, le numéro d'Angelle n'est pas inscrit dans mon champ de vision. Je vais m'asseoir à une table libre pour l'attendre, espérant qu'elle est peut être en train de se reposer dans sa cellule et qu'elle apparaîtra d'une minute à l'autre. Pendant que je contemple ma pâte, un garçon qui à l'air d'avoir mon âge -seize ans- s'approche avec son plateau et s'assoie en face de moi. Il est brun avec des yeux bleus, il est assez grand et des muscles sailles sous son t-shirt. Je plisse les yeux et son nom de code apparaît. Il s'appelle 487.

-Pourquoi tu plisse les yeux quand tu regarde les gens ? Oh, ils sont trop bizarres !

J'hésite à lui envoyer mon poing dans la figure et lui envoyer une réponse sanglante mais il continu :

Cyborg.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant