XIII

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-Lèves toi, Roxanne !
La voix de Lois me tire de mon sommeil tandis qu'il me secoue. Je grogne et m'exécute. A ma surprise, tout est silencieux.
-Le calme avant la tempête, me lance Dylan.
Il nous passe à chacun une combinaison grisâtre que nous nous hâtons d'enfiler. Elle est composée d'une protection épaisse et rigide au niveau du torse.
Nous sortons du refuge en silence, le plus discrètement possible. Je remarque alors une rivière à quelques mètre de la tranchée devant nous, qui longe jusqu'au camp de nos ennemis. Plutôt un bon emplacement, au moins nous aurons toujours de l'eau à notre disposition.
-À partir du premier coup de feu, vous vous débrouillerez seuls et nous ne pourrons plus rien pour vous. Nous ne sommes pas responsable de votre mort possible. Votre seul but est d'avancer. Et, n'oubliez pas. Tuer, ou être tué.

Je hausse les sourcils et déglutis. La peur ressentit hier m'a un peu quittée. J'ai passé la nuit à accepter le fait que ma fin soit proche, ainsi qu'à me convaincre que je vais tuer pour la bonne cause. Et c'est la vérité, je crois. Avant la guerre, il y a dix ans, les cartes se sont re dessinées. Elles ne sont maintenant composées que de trois continents, le Nouveau, où j'ai toujours vécu, l'Ancien et l'Inconnu. Ce dernier porte ce nom parce que son gouvernement s'est immédiatement retiré et nous n'avons plus d'information sur eux depuis dix ans. L'Ancien a menacer la Capitale Nouvelle avec des missiles et c'est ainsi que tout a commencé. Mais la population n'a pas eu d'information sur le pourquoi de ce conflit. Moi, ce que je sais, c'est que ce n'est pas mon camps qui a attaqué, mais qu'il faut maintenant le défendre. C'est la bonne cause. Même si pour ça on m'a complètement transformée. Je mets ma haine de côté.

Alors que je m'assois dans la tranchée, on nous donne à chacun un fusil et un casque. Soudain, un bruit assourdissant retentit violemment. Henry laisse échapper un petit cri.
-C'est partit, lance Evan.

Marnie se précipite et se jette dans le point d'eau. Je me rappelle alors que c'est un OGM et qu'elle est capable de respirer sous l'eau. Ca lui fait un avantage. Angelle, elle, a disparu pour laisser place à une femme renard qui se met à creuser à toute vitesse à droite de la tranchée. En quelques instants, elle a créer un tunnel étroit et à disparu. Evan et Lois se contentent de tirer les ennemis sans vraiment parvenir à faire de victime. Henry, de son côté, n'arrête pas de pleurer. Dylan l'attrape et se met à lui hurler dessus, alors que Louis recharge d'énorme armes à feu.
Je regarde le fusil et le pose sur mon épaule. Je tente plusieurs tires sur les hommes d'en face mais mon corps entier tremble comme une feuille et m'empêche de viser correctement.
Je ne veux pas les tuer, je ne les connais même pas. Le bruit des balles résonne dans mes oreilles et je finis par lâcher l'arme et plaquer mes mains sur mes oreilles.
Je ne peux rien faire, j'en suis incapable. C'est alors que je vois Marnie sortir la tête de l'eau et mitrailler les hommes de la tranchée ennemie. Surpris, ils ont un moment d'inattention. Evan en profite pour sortir de notre trou et courir jusqu'au leur. Les balles rebondissent sur son corps métallique, il s'engouffre dans la tranchée et disparaît. J'entends de nombreux hurlements.
-De vrais monstres, déclare Dylan.
Je l'ignore et secoue la tête pour essayer de me reprendre. Quelques instants plus tard, Angelle ressort de la terre.
-Venez, par là on les rejoint directement.
Lois la suit sans hésité. Quand il voit mon air apeuré, il m'attrape le bras.
-Bouge, miss, c'est pas le moment de paniquer.
Je hoche la tête et les suis. Nous nous retrouvons quelques minutes plus tard dans la tranchée des ennemis. Des corps jonchent le sol et je sens un haut le cœur monter en moi. J'entends soudain des cris derrière moi. Une dizaine d'hommes s'approchent en courant, nous tirant dessus. Lois bloque quelques balles avec son bras robotique avant de nous pousser sur le sol, Angelle et moi. Je déplace avec dégoût un corps devant moi pour me protéger des projectiles. Je plisse les yeux pour mieux viser et murmure :
-Pan.
Plusieurs balles se mettent à sortir de mes yeux et devant moi, les hommes s'écroulent un à un.
-Continue, Roxanne, on les finit. Va aider Evan et Marnie.
Je me lève et m'exécute. Je me mets à courir entre les corps avant de trébucher sur l'un d'eux. La forte odeur me fait frémir et je me retiens de vomir. Je vois alors un homme se jeter sur moi. Son poids me coupe le souffle. Il a l'air désespéré et il sort un couteau de sa poche. Il le pointe sur mon visage sans que je ne puisse bouger.
-J'en aurai au moins une, ma mort n'est pas vaine !

Je me débats comme je peux et tente de tirer sans y parvenir. Il est trop près, j'ai l'impression. J'essaye d'atteindre la gâchette du fusil et parvient à donner un coup de feu. L'homme est distrait et se retourne brusquement un instant et j'en profite pour le repousser. Je soulève le fusil et tire à nouveau, sans réfléchir. L'homme a un moment d'incompréhension avant de s'écrouler. Je pousse un long soupir et me relève tant bien que mal, tremblante. Je cours et retrouve Marnie et Evan, quelques mètres plus loin. La blonde se tient le bras en gémissant.
-Elle est touchée, déclare le garçon.
-Merde.
Soudain, un tremblement résonne. Je lève la tête et découvre un énorme véhicule, d'où descendent une trentaine d'hommes.

-On dégage, je cris en grimpant sur le rebord de la tranchée.
Je me mets à courir jusqu'à la notre, suivit des deux autres. Je me laisse glisser dans le trou, respirant avec difficulté. Nous sommes rejoint un instant plus tard par Angelle et Lois, passés par le tunnel. Ils s'écroulent à nos côtés.
-Debout ! hurle Louis. Levez vous et continuez de les buter !
Nous ne bougeons pas d'un pouce, étendus sur la terre.
-C'est un ordre !
Je tente de me relever, épuisée et tremblante. Je m'appuie au rebord de la tranchée et tire avec mes yeux, n'arrivant pas à toucher qui que ce soit avec le fusil. Quelques hommes d'en face s'écroulent mais la vision se brouille. Sans crier gare, mes sensations disparaissent et je sombre dans les ténèbres.

  _ _ _

J'ouvre les yeux. Je suis dans une couchette, seule dans une pièce sombre. Je me lève et suis assaillis par des vertiges. Je reste debout tant bien que mal et sors de la chambre. Dans le salle commune, Lois et Evan sont accoudés à la table, au côté de Angelle, Louis et Dylan.
-Réveillée, miss, me lance Lois.
-J'ai dormis longtemps ? je demande.
-Tu t'es évanouit il y a environ quatre heures. Maintenant nous sommes protégés par le couvre feu, déclare Dylan.
Je m'assois à leur côté et laisse tomber ma tête en arrière.
-Nous n'avons pas gagné un mètre, déclare Evan.
-Demain nous aurons des renforts, normalement, dit Louis.
La simple idée de recommencer cette journée demain me fait frissonner. Les visions de l'homme qui s'écroule devant moi, des corps, du sang me reviennent, et j'essuie rapidement les larmes qui pointent dans mes yeux. L'enfer vient juste de commencer, finalement.

Cyborg.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant