Chapitre 11

32 1 1
                                    

- La dernière fois que je suis venu ici, j'avais dix ans.

Aaron passa une main autour de mes épaules et je mis le réchauffement de ma température corporelle sur le compte de la présence d'un corps chaud, pourtant je savais bien que c'était tout autre chose. Aaron était totalement décoiffé, et étrangement je le trouvais d'une beauté incroyable. Il paraissait simple ainsi. Le genre de gars que tout le monde remarque sans avoir besoin d'en faire des masses. Et il avait aussi un jogging moulant qui laissait deviner tous les muscles de son corps. Mon cœur se tapait un sprint dans ma poitrine malgré tous mes efforts pour le calmer, mais qu'Aaron soir si près de moi... je risquais l'infarctus !

- Je te croyais plus sportive que ça... susurra Aaron à mon oreille.

Je me sentis au bord de l'évanouissement. C'était quoi cette chaleur soudaine ? Les nausées délicieuses qui me saisissaient ? Et ce vertige incroyablement doux qui me portait ? Mais qu'aurait donc pensé Lucas s'il m'avait vue ainsi ? Je me sentis coupable de penser à lui alors que j'étais si près d'Aaron et je ne pus m'empêcher de rougir. Heureusement qu'il faisait si sombre ! Aaron lâcha ma main –à ma grande déception- et courut jusqu'au milieu du terrain.

- Tu viens ?

Je le rejoignis et on s'assit dans la pénombre. Aaron alluma la lampe torche de son portable de sorte qu'on ne voyait qu'une partie de nos visages.

- Action ou vérité ? me demanda-t-il.

Surprise, je le dévisageai.

- Quoi ? Il n'y a pas que les collégiens qui jouent à ce genre de jeux puérils ! se défendit-il avec un sourire irrésistible.

- Vérité.

- Peureuse ! Qui est ce garçon avec qui tu es toujours aux récrés ?

- Tu m'espionnes ou quoi ?

- Tu ne m'as pas répondu.

- Lucas, sûrement, répondis-je, soudain très heureuse. Un ami de toujours. Action ou vérité ?

- Vérité.

- Pourquoi ça t'inquiète tant que ça que je sois si proche d'un autre garçon ?

- Parce que je n'aime pas qu'on regarde les filles que je veux.

Je reculai dans l'ombre, choquée. Les filles qu'il voulait ?!! Je faillis m'étrangler. Il dut se rendre compte de ses propos car il passa une main dans mes cheveux et m'attira contre lui.

- Tu es la seule maintenant, Calie. Mais pas à être jalouse. Je n'aime pas qu'on s'intéresse à toi. C'est tout.

Il se pencha sur moi et caressa ma joue.

- Action ?

- Action.

- Souris-moi, s'il te plait.

J'obéis et il parut le plus heureux du monde. Dans l'ombre, il avait cet air romantique et délicat que je ne lui connaissais pas. Son regard brillait comme un soleil et il me réchauffait tout entière. C'était étrange comme sensation. Bouillir sous l'ardeur de ses yeux...

- Vérité, murmura-t-il.

- On sort ensemble ?

Aaron sembla surpris mais, à ma grande surprise, il ne se moqua pas. Il se contenta de me sourire tendrement et de me serrer un peu plus fort contre lui.

- Je ne sais pas. J'avoue que je n'y ai pas vraiment réfléchi. On n'a qu'à considérer qu'on est... en période de réflexion. O.K. ?

- Si tu veux. Vérité.

- Quel serait ton plus grand rêve ?

Je réfléchis. J'avais toujours eu un rêve, un objectif irréalisable que je désirais par-dessus tout mais je n'en étais plus tout aussi sûre dans ce gymnase, dans les bras musclés d'Aaron.

- J'aimerais jouer de la musique, dis-je pourtant. Mes propres partitions. Devant un public. Qu'on me regarde pour quelque chose que je dois à ma passion et à mon travail, pas au bon vouloir de mes parents.

- Tu joues d'un instrument ?

- J'ai appris le piano. Et le violon aussi.

Aaron me regarda, admiratif. Je n'en avais jamais parlé à personne. Personne ne savait. Il n'y avait que lui et moi.

- J'ai toujours eu un faible pour les musiciennes, susurra-t-il au creux de mon cou. Action.

- Promets-moi que celui que tu es maintenant n'est pas qu'un masque. Que c'est vraiment une part de toi. Que tout le monde se trompe. Que tu es... celui-là.

Aaron hésita. Je vis ses dents étinceler dans le noir et il posa son front sur mes cheveux.

- On a tous plusieurs visages, plusieurs masques qu'on change en fonction de celui qui nous regarde. Pour toi, oui Calie, je suis cet Aaron-là.

Il pressa ma main et mon cœur mourut essoufflé définitivement à cet instant-ci. Je réussis à articuler un pitoyable « Action » et Aaron se leva pour bidouiller son portable. Quelques notes de musique retentirent. Du violon. Une valse de Vienne. Il me tendit la main et sourit :

- Danse avec moi.

Je me laissai glisser dans ses bras et il posa pudiquement une main sur ma taille et une autre entre mes doigts tremblants. Et, très à l'aise, il s'élança sur le terrain comme sur une piste de danse. Enivrée par la musique, par la douceur de son regard, je me laissai submergée par les notes. Fa... Mi... Do... 1,2,3... 1,2,3... Le rythme résonnait dans mon cœur, dans ma tête et tout en moi. Je sentais l'extase m'envelopper tout entière et me bercer de belles illusions, de rêves interdits qui surgissaient là, dans les yeux de mon prince d'un soir. Je ne pouvais détacher mon regard du sien. Sa main me tenait fermement contre son corps et je sentais son cœur battre au rythme du mien. Je sentais ses pieds voler agilement au dessus de notre scène improvisée. Il dansait merveilleusement bien. Il était merveilleux. Il était en train de bouleverser mon existence. Et j'en aimais un autre. L'image lointaine de Lucas s'immisça entre nous et je me collai encore plus à Aaron, comme s'il avait pu nous séparer dans notre valse nocturne, comme si d'un coup c'était lui l'étranger. Aaron prit mon entrain pour autre chose. La main qui tenait la mienne glissa dans mon dos et il saisit ma taille avec une douceur abrupte. L'instant d'après, j'étais collée dos contre mur, le souffle court et les sens en alerte. Je vis ses yeux briller dans le noir de joie et de... fierté ? Puis je sentis le goût délicat de ses lèvres sur les miennes. Quel bonheur... Comme un réflex, je passai mes bras autour de son cou alors il se fit plus fougueux et glissa sa langue dans ma bouche. Et soudain, je retombai mon septième ciel pour regagner la Terre. Je me dégageai vivement. Et même si j'avais essayé d'être douce, je vis bien qu'Aaron le prit mal. Il me foudroya du regard, des points d'interrogation dans le regard.

- Je... Je ne peux pas Aaron. Je suis désolée. Tu n'es pas lui.

Et je partis comme ça. Sans un mot. Sans un regard en arrière. Juste avec l'horrible sentiment d'avoir commis la plus grosse erreur de toute ma vie et le goût encore suave du baiser d'Aaron. Dans ma course folle, j'essuyai mes yeux larmoyants. Si je ne l'avais pas vu faire tant de fois, j'aurais presque cru que pour une fois il avait été sincère.

LovePlayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant