La forêt. Partout autour de nous. Des arbres inquiétants, des ombres mouvantes dans les bois, et cette stupide route de terre cahoteuse...
- C'est encore loin, père? demanda Julia, ma jeune soeur.
- Encore quelques jours, ma chérie, répondit notre père sans quitter son air sérieux.
Ma soeur soupira.
- Cette route est horrible! gémis -je. Entre la poussière qui vole et les secousses, je ne me reconnaîtrai plus en arrivant...
- Elizabeth, lança ma mère, arrêtez de vous plaindre. Que dirait votre fiancé s'il vous voyait?
- Je m'en fiche, lâchai - je d'un ton brusque. Je vous ai déjà dit que je refusais de me marier avec...
Le gifle que m'envoya mon père me stoppa net.
- Arrêtez de parler comme ça, me dit-il. Une jeune fille de votre rang se doit d'avoir un vocabulaire et une conduite irréprochables.
- Bien, père, soufflai-je en me retenant de pleurer.
Pendant quelques minutes, le silence se fit. Seuls résonnaient le bruit des sabots qui martelaient le sol et celui de la pluie tombant doucement autour de nous. La nuit allait bientôt tomber et nous n'avions pas encore trouvé de village où dormir. Et bien évidemment, il était hors de question que nous dormions à même le sol. Je laissai mes pensées dériver vers notre maison dans les Alpes, où j'avais passé les seize premières années de ma vie. Malheureusement, mes parents se montraient un peu trop fiers de leur rang et nous inculquaient à mes soeurs et moi une éducation stricte et sévère. Mes trois frères aînés étaient déjà dans l'armée du Roi, ma soeur Louisa était mariée à un riche courtisan et j'étais la prochaine à devoir me marier... à un homme d'une cinquantaine d'années, aussi laid qu'un pou, bossu et édenté, qui était un ancien général... avec une belle fortune et point d'héritier pour lui succéder... mais ce n'était pas moi la plus à plaindre: ma soeur cadette, Ariana, était au couvent. Elle était de loin la plus belle d'entre nous, la plus sage et la plus pieuse... nos parents l'avaient envoyé au couvent car trop de jeunes gens la regardaient. Elle n'avait que treize ans... et Julia, la plus jeune, allait sûrement être mariée dans les quatre ans à venir. Elle n'avait encore que neuf ans, mais mes parents parlaient souvent de la marier à un très vieux duc, qui ne s'intéressait qu'à sa dot.
Je ressassais de sombre pensées et quelques idées de décoctions empoisonnées dont je pourrais me servir avant de me retrouver seule avec mon futur mari (de la ciguë dans son thé... ou un mauvais champignon glissé dans un plat...) quand soudain notre carosse fit une embardée et se coucha sur le côté. Les chevaux hennirent et nous nous retrouvâmes à terre, complètement perdus. Mon père sortit en hurlant au cocher:
- Que se passe-t-il?
Ils parlèrent quelques minutes sous la pluie, puis mon père revint pour nous dire qu'une roue était prise dans une ornière. Nous dûmes descendre et attendre qu'ils la sortent avant de repartir. Seulement, à peine étions nous remontés que le carrosse, privé des chevaux le temps que la roue soit dégagée, se mit à descendre la pente a toute allure. Nous hurlâmes en voyant la route se terminer en un virage brusque... donnant sur le vide. Sans réfléchir, j'ouvris la porte et sautai. Mais avec la vitesse, ma chute fut plutôt violente et douloureuse. Je fis plusieurs glissades avant de me cogner la tête contre un tronc d'arbre.
Quand je rouvris les yeux, la nuit était complètement tombée et la lune ne perçait pas l'épais feuillage de la forêt. Je me redressai en me frottant la tête. J'avais mal partout et la sensation que mon crâne allait s'ouvrir en deux. Je fis quelques pas tremblants avant de brusquement me souvenir de tout. Je me mis à frissonner. Il faisait froid et j'étais complètement perdue. Heureusement, un hennissement proche me permit de retrouver la route. Là, trois des chevaux de notre attelage attendaient. Le dernier avait été détaché. Je m'approchai de Tornade, mon préféré. Il était noir comme la nuit et très gentil. Quand je posai la main sur son nez, il vint frotter sa tête contre moi. Je me mis alors à pleurer en réalisant brusquement que j'étais seule, au milieu de nulle part, et mes parents disparus... Tornade me donnait des petits coups de nez dans le bras et soufflait doucement. Sa présence me réconfortait et me calmait un peu. Au bout d'un moment, je détachai Tornade et les autres mais gardai les rênes dans ma main. Je montai sur le dos de Tornade et marchai au pas le long de la route. Je devais impérativement gagner un village, au moins pour savoir où j'étais exactement. Sur le coup, je n'avais pas vraiment fait attention, mais une ombre avait bougé dans les fourrés à ce moment-là...
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Prince des Ténèbres (Relecture)
VampireSuite à un accident, je me retrouve seule et perdue en Transylvanie, tout près d'un mystérieux château terrifiant... son propriétaire accepte de m'accueillir quelques temps, mais qui est-il et que me veut-il exactement ? Merci à Loloyo2 pour la couv...