Chapitre 2

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Une sonnerie aiguë perce mon sommeil sans rêve. J'entrouvre les yeux et tends la main, à la recherche de la source de bruit. Mes doigts s'emparent d'un réveil électronique, appuyant sur plusieurs bouton tentant en vain d'arrêter ce bruit infernal. Au bout de plusieurs tentatives, je parviens à le faire cesser. Sept heures. 16 octobre. Allez, je me laisse encore cinq minutes de sommeil. Juste cinq.
J'ouvre un œil et jette de nouveau un regard à mon réveil. Sept heures quarante quatre. Je sursaute sur mon matelas trop mou, et me précipite sur l'interrupteur, que j'actionne. Je suis éblouie par la lumière blanche qui se reflète sur les les murs blancs. Oui ici tout est blanc. Des couvertures au sol, en passant par meubles. Je n'aime pas tout ce blanc. Tout fait trop propre, trop net, trop neuf, trop innocent. Trop blanc. Mais je n'ai pas le temps de penser à une carrière de décoratrice d'intérieur. Je cours jusqu'à la petite salle de bain - blanche - et attrape ma brosse à dent. Je la pose sur le côté du lavabo, et me lave le visage. Tandis que je me lave les dents, j'enlève mon jogging pour passer des sous vêtements et un jean. Je crache. Ouvre le robinet. Rince ma brosse. Rince ma bouche. Avale de l'eau, m'étouffant à moitié, puis je sors vers mon placard, m'emparant d'un tee-shirt gris, légèrement trop grand. Je le rentre dans mon pantalon, enfile des chaussettes, dépareillées pour changer, et mets mes converses, trouées sur le côté. Je fais un rapide passage devant un miroir, attache mes cheveux en une queue de cheval haute, prends une pomme qu'il me reste d'hier et compose le code pour appeler le centre. Pour ouvrir nos chambres nous devons composer le code pour appeler le centre, qui ensuite nous demande le motif de notre sortie et nous ouvre si le motif leur convient. Inutile de préciser que quand une voix métallique et féminine retentit dans le haut parleur, je lève les yeux au ciel.

- sortir. J'ai les cours je dois sortir j'suis en retard.

Au bout de trois minutes le verrou finit par tourner. Donc je sors en vitesse. Oui je sais j'ai oublié mon sac, alors je retourne dans ma chambre, prends mon sac à dos noir et ressors en claquant la porte. Cinq minutes tu parle. Ca m'arrive au moins toutes les semaines, et pourtant il faut croire que je ne m'en lasse jamais. A vous aussi ça a déjà dut vous arriver non ? C'est assez embêtant. Enfin, ça le serait si j'étais intéressée par les cours. Alors je prends le temps de manger ma pomme et de contempler le paysage que je connais par cœur. J'entre dans le bâtiment dédié aux cours. Ma salle est la quatrième à gauche. Je pose ma main sur la poignet, prends une grande respiration et entre.

- comment allez vous en cette maussade matinée de fin octobre ?

Plusieurs têtes se tournent dans ma direction. Je sais je sais, je devrais faire profil bas, mais bon, cela serait moins drole. Je vise la corbeille et tire mon trognon de pomme. Panier à 3points. La professeur me jette un regard lasse et m'indique le fond de la classe du menton. Je pars donc m'asseoir à ma place, non sans avoir taper dans la main de Tyler, dans le poing de P.J, avoir reçu le regard amusé d'April et celui regardant le plafond de Jess. Ce matin, je me suis levée - au bout de la deuxième fois - avec un objectif, faire chier mon petit monde. Et je compte bien réaliser mon objectif. Alors je m'assieds sur ma chaise et commence à discuter avec ma voisine, qui n'est autre qu'April.

- alors, comment allons nous en cette maussade matinée d'automne ?
- parfaitement mal, j'aspire à ne pas mourir dans mon ennuie et vous ?
- tranquille tranquille.

April est une éternelle pessimiste. Contrairement à Jess, qui est une éternelle optimiste. April se tourne vers moi, un sourire pétillant aux lèvres.

- devine quoi Alex ?
- attends, comme ça de tête et à froid, je dirais, tu as mis au monde un elfe des marécages ?
- presque, y a un nouveau qui est arrivé ce matin.
- serieux ? Et tu sais pourquoi il est là ?
- aucunes idées, mais apparement il est plutôt mignon.

On se lance un regard complice et j'hausse un sourcil.

- on aura qu'à lui demander le pourquoi du comment.
- carrément ouais.
- il a peut être une collection d'yeux arrachés avec une fourchette rouillée.
- stop, ça c'est mon truc.
- effectivement, j'avais oublié.

Ne vous formalisez pas, April ne possède aucuns œil enfermé dans un bocal transparent au couvercle rouge entreposé dans le deuxième tiroir de sa table de chevet sous un carnet vers pomme. Elle se retourne vers sa feuille et continue de griffonner au crayon. Elle dessine vraiment bien. Son ambition c'était de travailler dans la mode, avant. Avant de frapper un flic un peu trop entreprenant, qui apparement aurait atterrit à l'hôpital. Avant de comparaître devant une cour. Avant d'insulter le juge. Avant d'arriver dans cet établissement. Avant. Avant d'arriver là, tout était différent pour tout le monde. Moi même. Avant je menais une vie qui aurait put paraître parfaite. J'avais déménagé dans plusieurs villes des États Unis et j'habitais finalement à l'année dans une grande résidence, avec jardin et piscine dans le centre ville de Chicago. En effet mes parents étaient blindés, j'allais devenir une riche héritière, j'allais dans un lycée privé et tellement de personne qui tournaient autour de moi que je ne saurais me rappeler de toutes. Après de nombreuses fugues et autres délits, mes parents ont vite compris qu'il ne s'agissait pas de crise d'adolescence. Les délires d'une ado faisant face à ses parents. Un schéma banal. Mais ceux-ci ont préférés me renier et m'abandonner quand j'avais le plus besoin d'aide, que d'avouer avoir une fille complètement barrée. Pas que ça ne m'ai posé aucuns problèmes. Ils n'ont jamais étaient là pour moi. Mes seuls souvenirs sont presque toujours accompagné d'une baby-sitter. Ils ne faisaient jamais rien qui ne cachait une autre action derrière. Comme des joueurs d'échec, ils calculaient chacun de leurs coups. Et pour revenir à tous ces gens qui se prétendaient êtres mes "plus proches amis", je n'ai jamais reçus la moindre de leurs nouvelles. J'ai bien vite compris que dans cette société, la plupart des personnes sont là pour ce que tu as et pas pour ce que tu es. Etre et avoir. Etre s'accorde, Avoir non. Aucuns rapports ? Moi j'en vois un. Et vous ? Le voyez vous, derrière votre écran ? Réfléchissez et trouvez le. Ce n'est pas très compliqué. Ici au moins, tout le monde est égaux.

- tu pense qu'il est comment toi Alex ?
- hum ?
- le nouveau, Jess pense que c'est une grande gueule. Moi je suis sûr que ça va être une bad boys. Et toi ?
- un terrible psychopathe qui n'attend qu'une chose, de tuer de nouvelles personnes.
- encore mieux.

Je souris en regardant April rigoler, P.J un air faussement jaloux collé au visage et Jess et Tyler avec l'air dépité. Ce sont eux, de vrais amis. J'en ai trouvé ici. Et si étrange que ca puisse paraître, je crois que je ne les déteste pas. C'est étrange de ressentir cela dans un tel établissement. Mais ça fait du bien de se savoir aimé et d'aimer à son tour.

Folie du souvenir Où les histoires vivent. Découvrez maintenant