Folie du souvenir

Chapitre 9

Je sors dans la cour seulement accompagné de Tyler, April et P.J étant resté tout les deux pour se remettre. Ou plutôt pour remettre P.J de ses émotions. Le silence guide la conversation, mais cela n'est pas dérangeant. Chacun est plongé dans ses pensées. Nous nous posons sur un carré d'herbe taillée, et Tyler me fait signe qu'il part aux toilettes. Je le regarde s'éloigner, toujours sans un mot. Je ne comprends toujours pas ce qu'il s'est passé dans la salle. Pourquoi j'étais la seule à entendre crier. Je m'étends sur la surface verte, tout en essayant d'oublier ces pensées dérangeantes et laissant le soleil taper sur mes Bras et mon visage. J'entends un bruit de frottement juste à côté de moi, sûrement Tyler qui revient. Il a fait assez vite tout de même, les toilettes étant à l'autre bout du bâtiment. Apres quelques secondes de silence, une voix le brise.

- alors c'est toi, Alex ?

J'entrouvre les yeux pour regarder mon interlocuteur, à la voix plus légère que celle de mon ami. Mon regard croise celui bleu ardoise pour la 3 eme fois aujourd'hui. J'observe quelques seconde la cicatrice ornant son sourcil gauche et son regard braqué sur moi avant de refermer les paupières et de lui répondre.

- visiblement. Et tu es Seth c'est ça ?

- en effet. Il fait beau aujourd'hui, c'est cool.

- t'es pas venu me parler du beau temps je suppose ?

- non. C'est Max qui m'a parlé de toi.

- Max ?
- le psy.
- oh.

J'avais complètement oublié son prénom. Je me souviens à peine quand il me l'a dit. Pourquoi mon psy, qui est visiblement plutôt notre psy lui aurait il parlé de moi ? Et le secret professionnel ?

- je peux savoir pourquoi ou bien ?
- il m'a dit la même chose qu'à toi d'après lui.
- ah. Et donc ?
- j'ai accepté. Contrairement à toi m'a-t-il dit.
- hum. Et ?
- et quoi ?
- pourquoi tu me le dis ?
- il m'a également demandé de te parler.
- pour quoi faire ?
- je ne me rappelle pas de ce qui c'est passé pour que je sois incarcéré ici. Comme beaucoup de personne. La plupart même. Mais à la différence des autres apparemment, j'ai des souvenirs qui me reviennent, et qui n'ont rien à voir avec l'incident que j'aurai commis.

Il parle au conditionnel, c'est étrange?

- et donc ? Si je comprends bien, tu n'as rien fais ? tu es innocent, c'est ce que tu pense ?

Un sourire en coin étire sa bouche rosée.

- plutôt intelligente. Et toi ? T'as rien à dire ?

Je hausse un sourcil rouvre lentement les yeux et me relève légèrement sur les coudes.

- moi ? Je ne pense pas avoir grand chose à dire.

- vraiment ? C'est décevant. Surtout que tu dois être dans le même cas que moi.
- et cela ferait quoi que je sois dans ton cas ?
- si tu étais dans mon cas, tu comprendrais vite et déciderais sûrement d'accepter la proposition de Max.
- qu'est ce que je comprendrais ?
- je ne sais pas, es tu dans ce cas ?
- tu le sais déjà.
- alors tu le comprendras sûrement. Mais si j'ai un conseil, fais comme moi. N'ai confiance qu'en toi.
- ce serait avoir confiance en toi ça, non ?

Il sourit toujours et se relève doucement.

- c'est vrai. Je ne sais pas grand chose moi non plus, mais j'ai peine à croire que tu ne veuille rien savoir.

Je repère Tyler qui arrive à une vingtaine de mètres. Seth semble également le voir, car il choisi ce moment épousseter son jean et se retourner pour repartir, en me faisant un léger signe de main accompagné d'un sourire en coin, assez agaçant je dois dire. Son sourire donne l'impression qu'il est sur de lui, presque arrogant. Presque. Je ne suis pas bien sur d'avoir compris tout ce qu'il m'a dit. J'ai l'impression qui m'a laissé penser plus qu'il n'a dit. Trop de questions, je me rallonge sur l'herbe en fermant les yeux, essayant de faire le vide dans mon esprit.

- c'était qui ?

Là je reconnais bien le timbre de voix de Tyler.

- personne. Seth.
- Mais encore ? Continu-t-il.
- un,... gars de littérature.
- si tu l'dis.
- bah, je le dis.

Il s'assoit également et nous nous reposons dans ce silence environnant. Je sens le soleil taper légèrement sur ma peau. C'est agréable. Malgré le soleil j'ouvre les yeux pour observer les nuages à travers le verre. Ici un dôme de verre surplombe la cour et les endroits sans plafond. C'est étrange quand on y pense, nous ne sommes jamais en contact avec l'extérieur, avec le dehors. Et le plus étonnant, c'est que j'ai l'impression que personne, ou presque, ne se pose la question. Personne ne se demande pourquoi nous sommes ici réunit en tant que "délinquant", entre l'emprisonnement et la liberté. Nous n'avons plus de choix, mais on nous laisse tout de même un semblant de liberté. Une fausse liberté.
J'aimerai m'envoler loin d'ici, partir, fuir. Le centre est la cage et nous sommes l'oiseau, prisonnier, avec l'impression, l'espoir peut être, de pouvoir s'échapper sans y laisser des plumes. Alors que l'envie de refermer les yeux et de me laisser aller prend le dessus, une agitation parvint jusqu'à nous. Les voix augmentent, et quelques pleurs nous arrivent. Je me redresse lentement, pour m'apercevoir que les regards sont fixés derrière nous. Je me retourne pour voir une fille en pleur à quelques mètres, qui agite les bras en l'air, hystérique. Je me relève et m'avance vers elle, suivis de près par Tyler.
Une fois à la hauteur de la jeune fille, je pose une main sur son épaule. Main se voulant rassurante, mais qui ne réussit qu'à la faire sursauter. La jeune blonde tourne vers moi ses yeux azur remplient de larmes. Face à nous, des hommes vêtus de blanc -le personnel du centre- tente de maîtriser un garçon. C'est celui que nous avions vus dans la salle de classe. Il se débat en hurlant qu'il ne veut pas y aller, le personnel semble avoir du mal à le canaliser. Je fixe son visage. Ses yeux. Ses yeux se posent sur moi un court instant, assez longtemps pour que je puisse la voir. La peur. Débordante, envahissante, effrayante. Cette peur qui l'habite. La peur de l'endroit où il ne souhaite pas aller. Une peur familière, si familière. Et connue. Je me laisse porter par les sanglots de la jeune fille, impuissante, par les cris du garçon, lui aussi impuissant, et le corps médical, qui maîtrise peu à peu le garçon.

Elle se débat pourtant, elle crie aussi. Elle ne sait pas, mais elle sait qu'elle ne veut pas y aller. Les hommes en blancs la canalise pourtant facilement, trop facilement. Malgré tout elle sait qu'elle a perdue, que c'est finit.

Alors ils l'emmènent ailleurs. Le garçon s'est résolu, et n'est plus qu'un corps mou entre les bras musclés du personnel. La fille quand à elle, gémit doucement, ma main lui comprimant l'épaule. Je ne la rassure plus, c'est maintenant elle qui me soutient, tandis que lentement, mon ami m'écarte d'elle, me fait lâcher prise.

Oui, je lâche prise, après tout, à quoi bon ?

Je plante mon regard dans celui de Tyler et lui annonce d'une petite voix que je pense retourner voir le psy. Il me regarde, surprit, ce que je comprend aisément, étant donné que j'ai du passer bien du temps à me plaindre de tous ces psy à 2 sous. Mais cette fois c'est différent, les paroles de Seth et de Max me trottent dans la tête et commencent à faire leur chemin à l'intérieur de mon esprit. Je me pose des questions.
Beaucoup de questions, trop. Dangereusement trop.