J'échappe de mes mains mon sac à main. Le sol se dérobe sous mes pieds, mais je ne tombe pas, je suis toujours debout et je tiens le coup.
Les passants marchent au ralenti sans faire attention sur ma personne. Tout s'arrête autour de moi, je m'efforce de prendre une grande bouffée d'air pour me tranquilliser et je ferme les paupières. À la minute, je les ouvre à nouveau, je ne me retrouve plus au grand marché, mais vingt ans arrière...
Sous les yeux d'une enfant apeurée, j'entends les cris de détresse de mes semblables.
Sous les yeux d'une enfant apeurée, je ne vois que ce liquide rouge et visqueux, c'est du sang. Une mare de sang dans le Temple de Dieu...
Ce lieu est à présent souillé.
Sous les yeux d'une enfant apeurée, on m'ordonne de m'être à genoux. J'ai peur, mais je les obéis.
Sous les yeux d'une enfant apeurée, je suis auprès de mes proches attendant que les démons de la Mort nous mènes dans le monde inconnu des hommes.
Sous les yeux d'une enfant apeurée, il est l'heure pour moi et ma famille de mourir.
Sous les yeux d'une enfant apeurée, je ferme les yeux tentant d'être en paix envers moi-même, car je ne mourrais pas seule mais avec ceux que j'aime.
Pour l'enfant apeurée que j'étais cela me rassurait.
-Vous allez bien mademoiselle ?
Les fantômes et les démons s'évaporent de mon esprit tandis qu'une main étrangère se place sur mon épaule. Je sursaute et je me retourne une femme d'un certain âge, marqué au visage. Autrefois, elle devait être très belle mais cette balafre gâche sa beauté. Je ne peux pas m'empêcher de regarder cette cicatrice béante du joue gauche jusqu'au sein droit. Cette blessure est horrible. Et je peux facilement imaginer son histoire qui est probablement semblable à la mienne ou peut-être que c'est totalement différent. Pourtant, elle avait une vie paisible comme moi. Elle était heureuse comme moi. Elle avait une famille comme moi. Elle a été laissé pour morte quelque part sur une route, mais c'est une survivante comme moi. Comment a-t-elle pu survivre après ce qu'ils lui ont fait ? Comment moi, j'ai pu survivre à cela ?
-Oui, répondais-je en baissant les yeux.
Je me penche pour saisir mon sac au sol et je le dépoussière.
-Vous en êtes sûre ?
Je signe que oui avec un sourire timide et polie. La rencontre de cet homme et de cet femme me mettent dans tout mes états.
- Au revoir et merci!
- Mais...
Je m'éloigne plus possible d'elle. Au marché, je tente de reprendre ma lucidité, je cherche du regard le vieil homme. Dès que je le trouve, je le suis discrètement de très près parmi une foule animée Sur le comptoir d'un boucher, je vole un coteau sans que le propriétaire l'aperçoive bien trop occupé à faire vendre ses cuisses de cochon à un client capricieux. Je profite de le cache dans mon sac. Je ne sais pas ce que je m'apprête à faire. Néanmoins, je sens le mal m'emparer. Le vieil homme prend sa voiture tandis que moi je rentre dans un taxi.
Je donne 50$ au chauffeur.
-Suivez cette voiture, lui pointais-je la voiture rouge qui se met à démarrer.
-Vos désirs sont des ordres, jeune demoiselle.
Mon conducteur suit mon ennemi.
Après une heure et quelques minutes de route, nous nous rendons dans un endroit que jamais je n'aurais pensé qu'on irait à ce jour. J'ai le cœur qui se serre et l'estomac qui se noue. Pourtant, je ne laisse rien paraître, car je dois me concentrer.
-Comme promis nous sommes rendus sur votre destination.
Je fais un petit geste de la tête comme un remerciement, car je n'arrive pas à dire quoique ce soit et je ferme la portière de la voiture.J'entends le taxi qui repart derrière moi. Chaque pas que j'emplois sont lourds. C'est la cathédrale Notre-Dame-de-l'Immaculée-Conception. Je m'introduis dans le Temple souillé par le sang de mes semblables.
Le vieux homme est assit au banc. Il prit. Des parroiciens partent de l'église. Le prête n'est pas dans ce lieu. Il est sûrement quelque part à l'église. Il n'y a que moi et lui. C'est une occasion que je ne peux manquer. Je sors mon couteau du sac. Je m'assois tranquillement à ses côtés. Mon sac est par-dessus de mon arme.
-Pourquoi priez-vous ?
-Quoi ?
Le vieux homme m'observe. Ma question lui sembe peut-être stupide, mais je sais exactement ce que je fais.
- La manière comment vous priez je me demandais, quel pêché avez-vous commit ?
- Nous commettons tous des pêchés.
- Oui, il est vrai... Cependant, pas si abominable que les vôtres.
-Qu'est-ce q...
Je dévoile mon couteau aiguisé et place directement à sa gorge.
-Qui es-tu ? souffle le vieux homme.
- Réfléchisez...Il y a longtemps vous m'avez dit que j'étais une sale vermine et que vous allez m'écraser.
Ses yeux écarquillent. Il le sait, il me reconnaît.
-Tu es la petite Tutsi qui a réussit à nous fuir.
Je souris sardoniquement.
-Je suis cette petite fille, je suis là devant toi, maintenant.
- Que vas-tu me faire ? Me tuer ? Fais-le cafard! TUE-MOI! provoque mon ennemi.
La pointe de mon couteau perce son cou où un filet de sang coule. Il grogne. J'enlève le couteau de son cou en tremblant.
-Comme tu es lâche, inyenzi!
Toute la rage que j'éprouve me monte d'un cran. Je lui plante l'arme blanche dans sa cuisse. Mon ancien bourreau emploie un cri horrible et de douleur. Son cri produit un écho dans toute la cathédrale. Je retire le couteau de sa blessure. Il hurle à nouveau et se lamente. Tous les membres de son corps tremblent. Il y a du sang partout, j'ai le sang du criminel qui a assassiné ma famille dans mes mains.
-Toi, larron de nuit, tu m'as injustement volé mes songes de quiétude . Tu n'es rien d'autre qu'une charogne! Je devrais te tuer pour tout les choses que tu m'as faite et aux miens! Mais pourquoi le ferais-je ? Te tuer serait beaucoup trop facile... Je vais te laisser la vie sauve! Parce que...
Je réplique mot pour mot ce que le chef de mon bourreau a dit à mon père avant qu'il meurt: <<Mon objectif est que tu souffres, car tout ça sera de ta faute. Que tous les jours, les fantômes du passé te hantent.>>
Je repars sans me retourner. Je discerne des pleurs et ses pleurs sont les larmes de mon bourreau. Et je cours, cours loin de cet endroit qui ne regorgent que des mauvais souvenirs. Cours loin de ce vieux monstre. Cours, Hissa, cours! Et ne t'arrête surtout pas!
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INYENZI (en pause )
ContoHantée par son passé, Hissa a dû mal à vivre. Pourtant, qui n'éprouverait pas ce sentiment après le génocide au Rwanda ? Personne de sa famille à part elle a survécu. Pourquoi ? Elle se demande constamment. Elle a quitté son pays pour un autre. His...