07. Révélations ultérieures

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En fin de compte, la semaine est passée très vite

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En fin de compte, la semaine est passée très vite. Magdalena a eu une idée après notre première heure de travail, et ça me fait encore mal d'admettre qu'elle était brillante.
Elle a proposé d'organiser le parcours dans le lycée sous la forme d'une carte aux trésors, où chaque salle et chaque métier seront présentés comme un lieu spécifique. J'ai été chargée de la réalisation du graphisme de la carte, et d'une bande-annonce de présentation qui sera visionnée par les personnes présentes à la soirée, tandis qu'elle a dû écrire un petit texte énigmatique pour présenter chaque métier sous l'aspect d'une devinette.
C'était ça, son talent, j'ai appris qu'elle écrivait, parfois, "d'un peu de tout" comme elle dit. Elle joue avec les mots.
À vrai dire, je le savais déjà à moitié, puisqu'il existe sur son blog une catégorie intitulée "mes textes". Je n'y avais jamais prêté attention, cela ne m'intéressait pas, et j'imaginais sûrement qu'il devait s'agir de longues tirades interminables sur ses déboires amoureux ou en hommage à son lapin mort. Mais dans le fond, j'avais peur de ce que j'allais y trouver, aussi, j'avais peur que ce soit bon.
Alors, le soir où j'ai appris ce détail, je n'ai pas pu m'empêcher d'aller jeter un coup d'œil dans cette partie.
Il a effectivement de tout : des nouvelles, des débuts de romans dans presque tous les genres, et même de la poésie. Et je dois admettre que ce que je redoutais est arrivé : j'ai trouvé ça très prometteur.
J'ai voulu m'empêcher d'aimer, trouver des défauts dans ses tournures de phrases et son orthographe, par exemple, mais rien ne m'a sauté aux yeux. Je n'ai pas réussi à être objective, à prendre du recul par rapport à cela, alors j'ai tout simplement fermé sa page web en essayant de me convaincre moi-même que ce que je venais de lire était nul, tout en sachant pertinemment que ça ne l'était pas.
Elle joue du piano, aussi, et elle chante un peu. Elle s'est chargée de créer la musique qui accompagnera la bande-annonce.
J'ai toujours voulu apprendre à jouer de cet instrument, mais j'ai énormément de mal à désynchroniser mes doigts. Quant à ma voix, n'en parlons même pas... Ça me tue de savoir qu'elle est douée dans ce domaine, ça me tue de me dire qu'elle puisse être douée dans n'importe quel domaine, en fait.
Je repense à ce que m'a dit ma mère, la dernière fois : chaque personne a ses propres talents, et nul n'est inférieur ou supérieur à l'autre. Elle a raison, mais je ne peux pas m'empêcher de... je n'arrive pas à l'assimiler.
En fin de compte, nous avons tout de même réussi à travailler efficacement, chacune de notre côté, mais tout en assurant un bon travail d'équipe. En tout cas je l'espère.
Nous n'avons passé que quelques heures ensemble, quand nous y étions contraintes, et c'était moins pire que ce que je croyais. Nous ne parlions presque pas, seulement pour échanger des banalités sur l'avancement du projet, et je m'étais même habituée à sa présence, au son de sa voix, à la forme de ses traits, à son air concentré quand elle travaillait, et même aux effluves de son parfum.

Aujourd'hui, nous sommes le Lundi six Février, premier jour officiel des vacances.
J'ai passé la matinée à angoisser, parce qu'aujourd'hui, je vais voir Antoine.
J'ai organisé une sorte de "rendez-vous" avec lui, je veux impérativement connaître sa version des faits sur ce qu'il a raconté à Magdalena par rapport à notre rupture. Je suis encore perturbée par ce qu'elle m'a raconté.
J'ai prétexté avoir besoin de lui pour un projet en art-plastique, j'avais peur qu'il refuse de se déplacer, sinon.
On doit se rejoindre au parc, à l'ancienne aire de jeux d'ici une heure. Je prends mon appareil photo, j'enfile mes converses et mon manteau, et je me mets en route. Je vais faire le trajet à pieds, ça me fera réfléchir. J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, et lance ma musique du moment avant de partir.
Au bout de quarante-cinq minutes, j'arrive au point de rendez-vous. J'ai marché lentement exprès, mais Antoine n'est pas encore là.
Je lui envoie un SMS pour le prévenir que je suis arrivée, il me répond qu'il sera là dans cinq minutes.
Puis, je range mon téléphone dans ma poche et m'assois sur le vieux tourniquet de l'aire de jeux en l'attendant.
Il arrive effectivement cinq minutes plus tard. Je me lève et enfonce mes mains dans mes poches, j'ai froid.
On ne se fait pas la bise, et je reste à une distance raisonnable de lui : suffisamment près pour pouvoir l'entendre, mais assez loin pour qu'il ne s'imagine pas que j'essaye de le séduire à nouveau. Ce n'est clairement pas dans mes intentions.
— Je dois poser ?, demande-t-il en désignant d'un mouvement de tête l'appareil photo qui pend autour de mon cou.
Je le dévisage de haut en bas. Il est beau, il est bien apprêté, il dégage un charme ravageur. Je comprends pourquoi il m'avait tapé dans l'œil, et je comprends également ce que Magdalena lui trouve.
Mon cœur se serre, le souffle du vent transporte l'odeur de son parfum jusqu'à mes narines. J'essaye de ne pas flancher.
— D'abord, j'ai deux ou trois questions à te poser., j'annonce.
Il fronce les sourcils, je n'ai pas envie d'y aller par quatre chemins. Je serre mes poings dans mes poches et enfonce ma tête dans mes épaules après qu'un souffle d'air froid se soit infiltré dans ma nuque. Je lance :
— Qu'est-ce que tu as raconté à Maggie sur notre rupture ?
Un sourire mi-amusé mi-moqueur déforme ses lèvres. Il ricane.
— "Maggie" hein ? Vous vous appelez par des petits surnoms maintenant ?
Je me braque.
— Ne réponds pas à une question par une autre question, Antoine.
Il semble alors surpris, presque incrédule.
— Qu'est-ce tu veux que je lui raconte ?, demande-t-il sur un ton légèrement agacé. Je lui ai dit qu'on a rompu, que ça n'allait plus dans notre couple et que j'ai donc mis un terme à notre relation. C'est la vérité, non ? C'est ce qu'il s'est passé. On ne s'entendait plus Aline, tu le sais bien. Ça ne servait à rien de forcer les choses.
J'approuve d'un bref hochement de tête. Il poursuit :
— Après, je me suis rapproché de Magdalena, et ça nous est tombé dessus comme ça. Je ne pensais pas que tu m'en voudrais.
J'hallucine... Comment est-ce que je pouvais ne pas lui en vouloir ? J'en veux à la Terre entière !
— Alors, c'est tout ?, je conclus. Tu ne lui as pas fait croire que c'était moi qui t'avais quitté ou quelque chose de ce genre ? Tu lui as dit, mot pour mot : "j'ai rompu avec Aline parce que ça n'allait plus dans notre couple" ?
Une fois de plus il fronce les sourcils et a un mouvement de recul. Une bourrasque ruine sa coiffure, je m'en amuse discrètement.
Après avoir passé une main dans ses cheveux, il soupire et ajoute :
— Pas exactement mot pour mot, mais dans les grandes lignes oui, c'est ce que je lui ai dit.
Puis, il s'impatiente :
— C'est bon là ? On peut faire ton truc pour l'art-plastique maintenant ? Déjà que je suis bien gentil d'être venu...
Il a marmonné cette dernière phrase en espérant que je ne l'entende pas, mais malheureusement pour lui — et pour moi — ce fut le cas.
Pourtant, je jubile intérieurement, et lui demande de poser sur le tourniquet lancé à fond pour le faux shooting. Je sais qu'il déteste les attractions qui tournent et qui vont vite, alors les deux combinés ensemble... Il grimace, puis cède et s'installe sur le jeu qui est, en temps normal, adressé aux enfants. Je sais aussi qu'il ne peut pas résister à l'idée d'être pris en photo. Antoine a un côté très narcissique et imbu de lui-même, ça finira par le perdre, j'en suis convaincue.
Il s'accroche à la barre en métal devant lui, et je lance le tourniquet le plus vite possible avant de déclencher des prises de vue au hasard avec mon reflex.
Au fond, je n'ai jamais été aussi satisfaite de moi-même. Un petit sourire en coin étire mes lèvres. Antoine peut bien raconter ce qu'il voudra, j'ai enregistré notre conversation.

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