Poussière d'étoiles

Chapitre 16

Je grogne quand le réveil me sort du sommeil : c'est vraiment agressif ce truc. Il faut que j'essaie de me trouver un réveil plus doux parce-que ce bip bip aigu et incessant est juste insupportable.

-Oh mon dieu... Je lâche, les yeux écarquillés et la main devant la bouche.

Nous avons oublié de parler de Johanna à Alexandre et Samantha. Tu étais bien trop occupée à regarder Alexandre, me chuchote ma conscience à qui je somme de se rendormir.

Comment avons-nous pu l'oublier ? Je m'en veux terriblement, nous ne savons même pas où elle est, chaque jour compte. Qui sait comment elle est traitée ? Et nous avons perdu une nuit entière alors que nous aurions pu en apprendre plus.

Maintenant que nous connaissons les motivations du père d'Alexandre, je m'inquiète encore plus pour Johanna. Et s'il l'avait tout simplement tuée ?

Mon cœur se serre à cette pensée alors je refoule mes inquiétudes et sort du lit. Je retrouve Lola dans la cuisine, parfaitement réveillée.

-Lola ? Je demande en remarquant l'assiette de pancakes sur la table.

-Je me suis réveillée tôt et je m'ennuyais, dit-elle quand elle croise mon regard étonné.

Bon, pourquoi pas, chacun ses passe-temps. Mais il y a plus important pour le moment :

-Johanna !

-Oui je sais, me répond directement Lola. On en parlera à Alexandre aujourd'hui puisqu'on a anglais.

Je m'attable en silence. Les pancakes ont l'air succulents mais j'ai l'estomac noué et je suis incapable de manger. J'en mets quelques uns dans une boîte et quitte la cuisine.

Ce qui est bien avec Lola c'est qu'elle me comprend parfaitement, nous nous épargnons donc de longues conversations inutiles. Ainsi, elle ne me fait aucune remarque quand elle se rend compte que je n'ai rien mangé.

Quant à moi, je pars sans tarder dans la salle de bain. Je fais un effort particulier pour être jolie et me maquille un peu plus que d'habitude. Je mets une jolie jupe, que je ne sors d'habitude que pour des occasions particulières. Même si j'essaie de me voiler la face, je sais que j'essaie de me faire belle pour Alexandre. Je suis ridicule, hier encore j'hésitais à lui faire confiance.

Soudainement, je prends conscience de la situation. Bon sang ! Qu'est-ce qui cloche avec moi ? Une de mes meilleures amies a disparu ! Sous l'effet d'une colère soudaine, j'enlève ma jupe, met le premier jean qui me passe sous la main et détache mes cheveux avec rage.

De nouveau, Lola ne dit rien en voyant mon air énervé et la jupe par terre. Tant pis, je rangerai plus tard.

Nous marchons sans prononcer un mot jusqu'au lycée. Ce silence ne nous dérange pas, Lola fait partie de ces personnes avec lesquelles je peux être moi-même, sans gêne. A notre arrivée, nous retrouvons la bande à notre endroit habituel, sous les arbres.

-Il faut aller voir Alexandre, il sait sans doute des choses sur Jo ! Je lance, presque hystérique.

Maxime fait les gros yeux tout en me sommant de parler moins fort.

-Bonjour Marine, tu sais, être polie c'est bien aus... commence Jeremy.

Le regard noir que je lui lance le fait taire. Je vois dans ses yeux bleus que je l'ai vexé, j'en suis désolée, je sais qu'il essayait simplement de détendre l'atmosphère. Mais il y a des moments pour tout et là, nous nous devons d'être sérieux.

-On ira ensemble Marine, me propose Laura.

Je hoche la tête et remercie intérieurement mon amie pour son aide. Le reste de la bande n'a toujours pas prononcé un mot. Ils semblent aussi confus que Lola et moi et le visage de Laura est particulièrement triste ce matin. Elle a essayé de cacher sa lassitude en se maquillant mais elle n'est pas dupe : tout le maquillage du monde n'arriverait pas à nous berner.

Le début des cours marque le commencement d'une longue agonie. Mon cours de physique me semble interminable. Je compte les minutes qui me séparent de l'heure d'anglais.

-Mademoiselle Lemans, cessez de regardez l'horloge toutes les cinq secondes ! Je vous rappelle qu'il y a le bac à la fin de l'année.

Je me tourne vers le professeur mais c'est à Lola qu'il parle. Un faible sourire naît sur mes lèvres, je ne suis pas la seule à trouver le temps long. Le bac est l'excuse préférée des professeurs lorsque nous ne travaillons pas assez à leur gout. C'est-à-dire tout le temps. J'ai l'impression d'entendre cette phrase tous les jours et pourtant nous ne sommes qu'en Novembre. Louis lève les yeux au ciel sans aucune discrétion.

-Un problème jeune homme ? Demande notre vieux professeur.

-Aucun monsieur, répond calmement Louis, à la limite de l'insolence. Dès que le professeur retourne au tableau, Louis fait un clin d'œil à Lola. Clin d'œil censé être discret. C'est raté.

J'avais presque oublié que Louis et Lola sortaient ensemble : ils n'en parlent jamais et n'agissent pas comme un couple devant nous. Et puis ce n'est pas la priorité du moment, tant mieux s'ils arrivent à mettre leurs sentiments de côté le temps d'un instant. Ce n'est clairement pas mon cas.

Le professeur reste impassible et continue son cours avec le même ton passionné. Quand la sonnerie annonce la fin du cours je ne suis pas la seule à me réjouir.

-Enfin, me chuchote Lola à côté de moi.

Mon cœur s'affole en réalisant que nous allions revoir Alexandre, alors même qu'il nous a révélé une grande partie de sa vie la veille. Vais-je le voir différemment ?

Alexandre ne tarde pas et le cours se déroule de manière habituelle. Savoir que je le connais mieux que les autres élèves me réjouit secrètement. D'ailleurs, je ne peux m'empêcher d'analyser chacun de ses gestes. Il parait soucieux mais fait son cours comme si de rien n'était. Les autres élèves ne remarquent rien de particulier, c'est le principal.

Evidemment, le cours d'anglais passe beaucoup plus vite que celui de physique. A la fin, je me dirige vers Alexandre:

-Monsieur Lems, je peux vous...

-Je n'ai pas le temps Mademoiselle Lemans, j'ai des cours à donner, me coupe sèchement Alexandre en rangeant ses affaires.

Je suis tellement surprise que j'en oublie de fermer la bouche. Certes, nous devions continuer à agir comme un professeur et une élève mais même avant ses révélations il ne m'aurait jamais parlé comme cela. Quand je le vois sortir de la classe sans un regard, sans une explication, je suis réellement blessée. Ai-je rêvé hier ?

Je suis incapable de me concentrer durant les deux heures de cours qui suivent. Je ne comprends pas son comportement. Non seulement cela me fait mal sur le plan personnel mais en plus nous avions réellement besoin de lui. J'ai besoin d'explications, je déteste ne pas comprendre.

Au lieu d'aller au réfectoire, je préviens les autres que je sors faire un tour. Evidemment ils me proposent de m'accompagner mais je préfère être seule. Je regarde ma montre : j'ai une heure et demie avant le début de mon prochain cours, c'est faisable. Si Alex mangeait chez lui le midi je serais bien allée directement lui demander des explications mais ce n'est pas le cas. Et puis marcher me fera du bien.

Je fais clairement face à un trop plein d'émotions : je me sens couler sous une tonne de sentiments contradictoires. Je ne sais plus où j'en suis, je suis perdue. Peur, stress, affolement, déception, découragement, douleur, fureur, fatigue, tout ça a pris le dessus.

Dans la rue, je me mets à courir pour gagner du temps. Et moi qui pensais que cette journée serait plus reposante que la veille ! Je prends un malin plaisir à penser qu'Alexandre n'aimerait pas me savoir seule dans des petites rues comme celles-ci.

Si au moins il avait eu le courage de s'expliquer convenablement et me dire en face le problème. Mais non, il n'a même pas fait cet effort. Mon cœur se serre lorsque je crois voir Johanna au détour d'une rue.

Je soupire, heureusement que je suis presque arrivée. Pour un mois de Novembre, la température est encore relativement élevée, courir m'a donné chaud et je commence à m'essouffler. Une fois dans la bonne rue, je jette un coup d'œil aux numéros.

Je finis par trouver l'endroit et je prends le temps de reprendre mon souffle. J'espère que j'aurai les réponses à mes questions, à certaines au moins. J'entre dans la boutique sans jeter un regard sur les vêtements et accours vers la jeune femme aux yeux verts.

-Samantha ?