Genèse

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Ce matin, quand je me suis réveillée, j'ai tout de suite su que quelque chose n'allait pas. Rien. Il n'y avait rien à voir. Tout était plongé dans le noir le plus complet, sans que l'on ne puisse distinguer la moindre forme. Pas un seul rayon de lumière, pas une seule ombre se détachant du reste, rien que d'épaisses ténèbres engloutissant le monde. Comme si j'étais subitement frappée de cécité. Je ne voyais même plus mes propres mains. Rien que ça. Du noir accompagné d'un silence des plus pesants. Comment savais-je que c'était le matin?  Je n'en sais rien, je ne fais que supposer. Après tout, mon réveil avait sonné comme tous les jours, mais quand j'ai ouvert les yeux, cela ne faisait aucune différence avec quand je les fermait. Je ne voyais même plus la lueur rougeâtre de l'heure diffusée par mon radio réveil, ni les faibles rayons matinaux du soleil d'automne perçant habituellement mes volets et mes rideaux usés. Je me souviens vaguement avoir cherché à tâtons mon portable. Ma main avait frôlé le petit boîtier de métal et de verre froid et l'avait saisi; mais j'eu beau triturer les différents boutons, l'appareil -qui avait pourtant chargé toute la nuit- n'émit ni son ni lumière. Désorientée, je me levai sans même prendre le temps de m'habiller, et je descendis dans la cuisine, prenant garde aux murs et aux escaliers, et m'orientant grâce à ma mémoire. Plusieurs fois je me heurtai aux cadrans de porte et je me trompai deux fois de pièce avant d'atteindre mon but. Il n'y avait pourtant pas de doute possible : il s'agissait bien la de ma maison. Pourtant chaque pièce, chaque couloir semblait s'étirer à l'infini, et l'atmosphère était résolument glauque et étrangement dépourvue de vie. En bas, il n'y avait personne. Où étaient-ils tous passé? Je tentai de les appeler les uns après les autres, mais aucun son ne sortit de ma bouche. Seule semblait répondre à mon appel sourd le tic-tac irrégulier de l'horloge de traquée du salon. Je fis le tour de la maison, qui me sembla si grande, si vide... J'ai beau y avoir passé dix ans de mon  existence, le demeure que j'arpentais me sembla en tout point étrangère et hostile. Arrivée dans la salle de bain, je pris la décision de tenter de me rafraîchir le visage afin de me remettre les idées en place. J'ouvris le robinet du lavabo et passa ma main sous l'eau. Quel plaisir de sentir couler le liquide sur ma paume, et d'assister enfin à un phénomène normal!

Pourtant je me rendis bien vite compte que quelque chose n'allait pas :  au lieu de couler normalement, le liquide faisait le trajet inverse et remontait dans le robinet... Pire encore, bien que je n'y voyais toujours rien, il se fit clair dans mon esprit que ce liquide chaud et poisseux était tout sauf de l'eau. Je retirai vivement ma main et quittai hâtivement la salle de bain, horrifiée. Mais que se passe-t-il enfin? Suis-je en plein rêve, ou alors en plein délire? Non, je vais bien, je ne suis pas folle, je ne l'ai jamais été... Je suis tout à fait normale,  et puis tout ceci semble si réel! En état de choc, je continuai pourtant mon exploration après avoir repris mon souffle pendant quelques minutes. J'arrivai à une porte au fond d'un couloir qui me sembla interminable. Derrière cette porte, il y avait un escalier qui menait à un étage supérieur. Depuis quand y avait-il un deuxième étage ici? Je décidai de le gravir, bien que n'étant pas très rassurée... Il faut pourtant bien que je comprenne ce qui se trame.

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