Vertige

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Je m'assois sur le divan de ce qui semble être une sorte de grenier. Je l'ai parcouru de fond en comble et je dois me rendre à l'évidence : je n'ai jamais vu cette pièce. De ce que j'ai touché je peux supposer qu'il y a plusieurs meubles anciens et poussiéreux entassés dans tous les coins de cette pièce au plancher grinçant. Il y a également une petite fenêtre que j'ai ouverte afin de mettre le nez dehors : mais cet extérieur est parfaitement identique à l'intérieur. Pas de lumière. Pas de vent. Pas de bruit. Il ne fait ni chaud, ni froid. Comme si le monde entier s'était arrêté de vivre. Tout cela est de plus en plus étrange. Plus le temps passe, plus je ressens une tension de l'atmosphère et plus l'angoisse paralyse mon corps. Que m'arrive-t-il? Pourquoi suis-je seule? Où sont-ils? Combien de temps s'est écoulé depuis mon réveil dans cet enfer? Cinq minutes, cinq heures, cinq ans? Je ne saurais le dire. J'ai l'impression de ne plus rien sentir, ni soif, ni faim, ni sommeil, c'est à peine si je respire. Si seulement tout pouvait redevenir comme avant...

Mais c'était comment avant déjà?

Si je n'étais pas seule avant, qui était avec moi? Qui suis-je? Où suis-je? Au fur et à mesure de l'écoulement du temps je sens mes souvenirs s'estomper et ma mémoire me glisser entre les doigts. Et si c'était ça la réalité? Et si tout avait toujours été comme ça? Et si le reste n'avait été qu'un rêve? Qu'est-ce que la lumière, lumière à quoi cela ressemble-t-il? Rien. Je ne connais plus rien. Rien d'autre que le noir, les ténèbres qui m'étouffent.

J'ai tellement peur, tellement envie de pleurer... Mais aucun son, aucun gémissement ne s'échappe de ma gorgé, aucune larme ne coule. Même mon propre corps devient étranger et m'abandonne. Plus rien n'a de sens.

Perdue dans mes pensées, je remarque à peine la place à côté de moi du sofa s'affaisser. Pourtant c'est là. Il y a quelque chose... ou quelqu'un. Quelqu'un qui m'observe. Je tends prudemment ma main pour toucher la chose mais il n'y a rien, rien du tout. Pourtant je le sens se rapprocher de moi, je sens son souffle chaud et lourd sur mon visage. Prise d'une panique soudaine, je me lève du canapé et prends mes jambes à mon cou. Je trébuche, tombe, me relève, continue, la douleur n'a aucune importance; tout ce qui compte pour le moment est de partir loin, très loin de cette chose, peu importe le reste. Je me prends des murs, je me perds dans cette maison qui n'a désormais plus rien en commun avec ce que j'ai connu, et après ce qui me paraît une course interminable, je gagne la porte d'entrée. Je l'ouvre à la hâte et me précipite au dehors.

TénèbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant