Néant

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Rien. Il n'y a plus rien autour de toi. Plus un seul bruit. Plus une seule sensation. Tu tombes sans fin, mais es tu vraiment en train de tomber? Autour de toi, le vide. Tu ne sens ni l'influence de la gravité, ni l'air qui devrait freiner ta chute. Tu ne tombes donc pas? Et si tu flottais ? Et s'il n'y avait plus rien, rien sol, ni ciel, ni haut, ni bas, ni joie, ni tristesse, ni ombre, ni lumière? Et si...

Et si c'était ça la mort ?

Es tu morte? Tu n'en as pas l'impression, tu le saurais... non? Qu'est ce que tu en sais? Certes tu ne te sens plus aussi vivante qu'avant, mais quand t'es tu sentie libre et vivante pour la dernière fois? Et après tout, même avant tout cela tu te sentais tel un cadavre en putréfaction dans une enveloppe charnelle resplendissant d'une jeunesse factice, et subissant les exigences toujours plus importantes et strictes de ton entourage, le mois de tes responsabilités et des années qui défilaient. N'étais tu pas morte depuis bien longtemps? Ta fin n'était elle pas proche et fatalement inévitable? Toute chose a une fin. La tienne est venue. Est elle passée ? Qui sait. Plus rief n'a de sens.

Et tu l'entends. La bête. Il est là. Tu étais curieuse de savoir ce que c'était mais désormais tu as l'impression de l'avoir toujours connue. Elle a toujours été là.  Depuis le début. Son ronflement paisible et régulier a fait écho à tes premiers cris, a accompagné tes premiers mots et comblé tes silences. Cette respiration singulière t'est familière, et pourtant tu n'y avais jamais prêté attention.
M

ais c'est désormais la seule chose connue qui soit autour de toi.


Elle s'agite. Sa respiration se fait saccadée. Tu sais ce que ça signifie. La fin. La vraie.
Tu finis seule et oubliée de tous. Les salauds ! Qu'ils aillent tous en enfer s'il existe, que le destin te venge !

Elle n'a pas mérité ça! Pas elle! Pas elle qui a toujours été la pour les autres, qui s'est donné à 200% pour tout le monde ! Mais personne n'a vu ça, ils sont tous bien trop égoïstes, bien trop occupés à observer leur propre nombril pour s'en rendre compte ! Qu'ils crèvent! Qu'ils crèvent tous dans d'affreuses souffrances! Puisque ce monde est si injuste, qu'il soit puni! Qu'il explose, que les humains s'entretuent et meurent de faim, ils ne méritent rien d'autre que souffrance et maladie, l'homme est si mauvais... que jaillisse le sang et pullule la peste. Elle ne souhaite plus que ça, mort et malheur, éternel malheur, puisqu'après sa mort qui s'occuperait d'elle? Ils peuvent bien s'exterminer jusqu'au dernier, elle s'en fiche : elle sera morte. Et bienheureuse de l'être. C'est triste, elle ne sera pas là pour assister à l'apocalypse. Elle aurait bien voulu les voir souffrir, crier, prier, supplier. Elle en aurait bien rit. C'eût été plaisant à voir. Tant pis pour eux. Bien fait.

Tout est sombre. Encore plus qu'avant. Est ce possible? Qu'importe. Le souffle de la chose s'est fait plus calme, mais elle est plus proche que jamais.

Elle est partout.

Nul part.

Elle vient.

Elle arrive.

Le souffle devient râle, le râle devient grognement, le grognement devient rugissement. Viens! Déchaînes toi! Laisse libre cours à ta bestiale fureur! Viens! Achève la !

Tue cette folle !

Douce agonie, souffrance délicieuse!

Un cri strident s'échappe enfin de sa bouche... de ta bouche... de ma bouche...

S'ensuit la douleur et le néant.

TénèbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant