Ténèbre

Déliquescence

Ça y est. C'est officiel. Tu es malade. Folle. Cinglée. Démente. Maudite.

Qu'as-tu fait pour mériter ça? Des choses horribles sans aucun doute. Tu ne sais pas. Tu ne sais plus. Peut-être as tu menti, volé ou trompé. Tu as sûrement dû blesser ou torturer. Peut-être même as tu tué, dépecé, déchiqueté! Ton esprit ne vaut plus rien, tu n'es plus qu'une loque, une loque hystérique er détraquée. Qui voudrait d'une psychopathe comme toi? Personne, c'est pour cela que tu es seule! Non, tu n'es pas folle! Tu ne mérite pas ça! Personne ne le mérite! Tu n'as rien fait! Si? Non! Qui sait?
Tu es tellement folle que tu te parles à toi même! Non c'est faux! Tais toi! Tues moi! La ferme!

Tu n'en peux plus, tu ne tiendras plus longtemps avant de craquer. Si seulement tout cela pouvait finir! Mais quand bien même la mort serait la dernière porte de sortie, peux tu seulement mourir dans cette dimension lugubre?

Tu as gardé le cube dans ta main, tu n'as même plus la force de tenter de t'en débarrasser. Tu erres sans but dans ce monde étrange, tu n'as ni faim, ni soif, ni sommeil; il ne fait ni chaud ni froid, seule une douleur constante prend possession de toi et parcourt ton corps. Malgré la violence de cette douleur, ton esprit reste léthargique. Tes yeux semblent s'être adaptés aux ténèbres permanentes. Tu ne te demandes plus qu'elle est la profondeur du vide devant toi, si tu vas te retrouver face à un mur au prochain pas, qu'est ce qu'il y a à un mètre de toi. De toute façon, tu sais qu'il n'y a rien. Il n'y aura plus rien.

Plus jamais.

Plus jamais ça ne sera comme avant. Du moins, plus jamais cela ne ressemblera à tes souvenirs, si tenté que ce soit la vérité. Est ce la fin? Est un rêve? Est ce la mort? Ou est ce le début? L'ultime réveil? La genèse de ta vie?

Mais contre toute attente, après une éternité, tu te cognes à quelque chose. Encore. Tu poses une main tremblante sur ce qui te semble être un truc d'arbre. Tu fais glisser tes doigts le long de l'écorce - ainsi tu n'es pas perdue au milieu de vide! Tu t'adosses contre le tronc et te laisses tomber au sol, ramenant tes genoux contre ton torse. Renfermée sur toi-même, tu tentes d'oublier, de tout oublier, priant tous les dieux que tu connais, les fées, le père Noël et ta bonne étoile de t'aider. Tu craques mais aucune larme ne vient, tu ne pleures même plus, veule,exténuée. Tu n'es plus envie de rien, juste de rester là à jamais.

Tu dois te ressaisir! Tant qui y a de la vie il y a de l'espoir comme on dit, rien n'est perdu. Il y a forcément une explication à tout ça, une solution, aussi étranges soient elles. Tout finira par s'arranger, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes!

Ce serait donc si simple?

Tu es bien naïve.

Qui est là ?

C

ela n'a pas d'importance... Après tout tu n'en as plus pour longtemps!

Comment ça ?

Tu pensais vraiment pouvoir lui échapper? Tu es si naïve....

D'où vient cette voix? Tu regarde le cube qui gît dans ta main en continuant son éternelle litanie. Ce n'est pas lui... alors qui? Et si cette voix n'existait pas? Et si c'était dans ta tête? Et si tout était dans ta tête?

Bien sûr que c'est dans ta tête, où d'autre?

U
Donc tout ça est faux,  c'est un rêve, une hallucination, une illusion, tu vas te réveiller et tout redeviendra comme avant!

Tu es si naïve! C'est la réalité tout ce qu'il y a de plus vrai...mais ne t'inquiète pas tu n'en as plus pour longtemps, il va venir te chercher, ce n'est qu'une question de temps... Il se délectera de ton âme et de ta chaire et là seulement tout sera fini... Il n'y a pas d'autre issue...

Qui va venir? Qui est là ? Que se passe-t-il? C'est quoi ce bordel??
Mais la voix ne répond plus. Tu t'appuie de nouveau contre le tronc. Attendre. Tu n'as plus qu'à attendre et ce sera la fin. Mais veux tu vraiment mourir ? Tu n'as pas le choix. Que veux tu faire d'autre? Il n'y a plus rien à faire, à part errer dans fin dans cette dimension de cauchemar. Tu fermes les yeux, une larme s'échappant au passage. Rien. Plus rien. Après tout c'est comme si tu étais déjà morte. Tu repenses à ce que tu avais planifié pour les prochains mois, à ce que tu n'avais pas eu le courage de dire ou de faire. A tout ce que tu n'as pas fait par pure procrastination. Tu repenses à eux. Quand est ce la dernière fois que tu leur as dit "je t'aime"? Quand le leur as tu montré ? Le savaient ils quand tu leur prenait la tête pour un rien, quand tu as piqué des crises ou fait la tête pour des petites choses sans importance ?  T'auraient ils pardonné ? Et ces gens que tu as oublié, ces personnes avec qui tu étais en froid alors que tu ne désirais qu'une chose, te réconcilier avec eux, le désiraient ils aussi?

Sans t'en rendre immédiatement compte, tu t'enfonce de plus en plus dans le tronc de l'arbre. Tu te relèves précipitamment et tend prudemment la main vers l'écorce. A peine l'as tu effleuré qu'il fond, ne laissant à la place qu'une sorte de flaque de liquide. Le sol se ramollit à son tour, et tout autour de toi semble se liquéfier. C'est comme si tu te retrouvais soudainement au milieu de l'océan en pleine tempête, avec d'énormes vagues manquant de te submerger. 
Prise de panique, tu tente de t'échapper, tu cours le plus rapidement possible, mais c'est peine perdue : tu glisses, tu chutes, tu t'enfonces et tu passes à travers le sol sans aucune opportunité de te rattraper. Mais le liquide ne remplit pas tes poumons, tu n'est même pas mouillée,  et l'océan semble avoir disparu.  Plus rien. Il n'y a de nouveau plus rien. Tu chutes dans le néant.