Un an plus tard :
Hans courait de toutes ses forces, des balles sifflaient. Il voyait ses camarades tomber les uns après les autres, éclaboussant le sol de sang et de chairs. Les officiers hurlaient des ordres incompréhensibles, couverts par le bruit des canons. Ils savaient les soldats ennemis dans la même situation qu'eux. Comme eux, ils manquaient de nourriture et vivaient dans la boue et le froid. Comme eux, ils en avaient assez de cette guerre n'en finissait pas. Hans suivait ses compatriotes, marchant sur des cadavres de lieutenant ou simple soldat, russe ou allemand, peu importait. Il ne pensait pas à tirer, juste à courir. A cet instant, il posa le pied et entendit un déclic. Emporté par son élan, il le retira aussitôt et une énorme explosion retentit, suivie de près par une déflagration de chaleur. Il n'entendit rien, il sentait juste sa jambe qui le faisait horriblement souffrir. Il sombra dans l'inconscience.
Il ne se rappela presque rien de son voyage, rendu inconscient par la douleur et par les médicaments assommants qu'on lui administrait. Il se souvint d'un réveil sur un lit de camp inconfortable sous une tente de toile brune et d'un autre sur un brancard, dans un train bringuebalant vers l'inconnu. Et quand il se réveilla enfin ? Il se trouvait dans une pièce blanche, dans un lit confortable, dans des draps propres ! Les néons l'éblouissaient, il dû tourné la tête et vit une belle infirmière qui se pencha sur lui et posa sa main fraiche sur son front bandé.
« Bonjour ! Comment allez-vous ? Je suis Lucienne, votre infirmière. Vous êtes resté inconscient pendant deux semaines. Avez-vous mal quelque part ? débita-t-elle d'une traite. »
Hans essaya de parler mais il fut vite ramené à l'ordre par l'infirmière :
« Non, n'essayez pas de parler, reposez-vous. Si vous avez besoin de quelques choses, n'hésitez pas à écrire sur l'ardoise. »
Elle partit ensuite s'occuper d'un autre patient. Hans regarda ce qui se passait autour de lui. Un homme était étendu à sa droite et il avait d'affreuses cicatrices sur le visage et les deux bras plâtrés. Cela le fit penser à Thomas, son meilleur ami. Il n'avait plus eu aucune nouvelle de lui depuis qu'il était partit au front, un mois avant lui. Il pensa aussi à sa famille, là-bas, à Berlin. Il laissa son esprit vagabondé.
Il sentit une délicieuse odeur de viande et lorsqu'il tourna, il vit une autre infirmière arriver avec un chariot chargé de plateaux de nourriture appétissante. Elle lui en proposa un et il hocha la tête. Le plateau était composé d'un morceau de pain, d'une salade et d'un morceau de viande sèche accompagné de purée et d'un grand verre d'eau. Quand il vit le contenu de l'assiette, Hans en eut l'eau à la bouche. Il se jeta sur les couverts et dévora l'assiette en quelques coups de fourchette. Quand il eut terminé, il essaya de bouger et de détendre chacun de ses muscles, uns par uns mais sa jambe lui faisait trop mal alors il lut un livre posé sur sa table de nuit.
Plus tard, il essaya de reparler. A sa grande surprise, il y arriva plus rapidement qu'il ne pensait. Content de tous ses progrès, il essaya d'appeler Lucienne mais sa voix n'était pas encore assez forte. Après cette déception, Hans se dit qu'il était peut-être plus sage de dormir. Il ferma les yeux et essaya de dormir mais les douloureux souvenirs de sa dernière bataille revenaient les uns après les autres. Il revit son lieutenant qui lui souhaitait bonne chance avant le combat. Il revit ses camarades, avec qui il avait passé tant de temps lors des entrainements, tomber les uns après les autres devant ses yeux. Il entendit le hurlement des blessés et se réveilla en sursaut en entendant les mêmes hurlements que dans son cauchemar. C'était un de ses voisins de lit. Hans vit Lucienne qui essayait d'apaiser le malade. Il regarda l'horloge au mur et vit qu'il était deux heures du matin ! Il n'avait dormi que quatre heures. Une fois que le malade fut calmé, Lucienne vint le voir :
« Bonjour ! dit-elle avec son habituel grand sourire, Je vois que vous êtes réveillé, vous avez bien dormi ?
-Très bien, merci, répondit-il d'une voix rauque.
-Oh ! Vous arrivez à parler, c'est très bien. D'habitude les malades mettent plus longtemps pour se remettre du choc de la guerre, lui annonça-t-elle avec un sourire triste. N'hésitez pas à m'appelez si vous avez besoin de quelque chose. »
Elle commença à s'éloigner mais Hans la retint :
« En fait, j'aurai besoin de savoir ce que j'ai à la jambe.
-Hum, et bien, pendant la bataille, votre jambe a été à moitié arraché par une mine, lui expliqua-t-elle. Nous n'avons pas eu le choix, nous avons dû l'amputer ».
Sous le choc, Hans souleva la couverture et découvrit un moignon de jambe couvert de pansements tachetés de sang. Une larme roula sur sa joue mais il ne s'en aperçut pas tout de suite. Il l'essuya d'un geste rageur. Une vague de chaleur le submergea. Il en voulait aux gouvernements ennemis d'avoir déclenché cette guerre. Il leur en voulait d'être si cruel. Hitler, lui, avait rendu sa grandeur à l'Allemagne ! Il avait créé des emplois et avait sorti les allemands de la crise provoqué par la guerre de 14-18 ! Encore la faute à la guerre !
Voyant qu'il voulait être seul, Lucienne partit s'occuper d'un autre malade. Hans la rappela et lui demanda des nouvelles de sa famille. Elle lui répondit qu'elle n'en avait pas mais elle lui promit de se renseigner auprès du médecin chef. Soulagé, Hans essaya de ne pas penser à sa jambe et se rendormit. Il fut réveillé deux heures plus tard par l'odeur alléchante d'un plateau repas posé sur sa table de nuit à côté de son lit. Il était affamé alors il mangea lentement pour profiter du goût de tous les aliments dont il avait été privé dans sa caserne. Après son repas il appela Lucienne pour lui demander s'il pouvait faire sa toilette. Elle l'emmena dans la salle des douches à l'aide d'un fauteuil roulant. Pendant qu'elle l'aidait à se laver, Lucienne lui posa des questions sur sa famille, sa vie avant la guerre et son état de santé. Il lui répondait volontiers et ce moment prévu difficile, se révéla très agréable. Quand sa douche fut terminée, il retourna au lit, il lut, mangea, et dormit beaucoup.
Les jours passèrent et sa jambe guérissait vite. Au bout d'un mois, il apprit que Lucienne et lui était transférés dans un centre de rééducation pour réapprendre à marcher. Il n'avait reçu aucune nouvelle de sa famille et Lucienne n'avait rien soutiré au médecin chef. Malgré tout, il gardait espoir. Le lendemain donc, il fut décidé qu'il prendrait le bus pour rejoindre ce centre. Le jour J, il se prépara donc avec le soutien de Lucienne, rassembla ses maigres affaires, monta dans le bus à la suite d'autres malades.
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Soldat, au rapport !
ContoLa porte se referma. Un voyant s'alluma et un compte à rebours commença. Fünf, vier, drei, zwei, eins... Biiip. Une odeur étrange s'infiltra à travers la grille d'aération. Hans comprit immédiatement qu'ils étaient piégés, il sortit son masque à gaz...