Chapitre 5 *

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Brutalement, violemment ramené à un présent qui me paraît rêvé. La douleur psychique m'abandonne un instant, avant de me lacérer brusquement encore plus fort, encore plus vite. Accompagnée de ma faiblesse physique, je me sens loin. Mon corps est si fatigué par les traitements contre le cancer, mon esprit si lasse d'essayer de comprendre pourquoi elle a disparu, et n'est jamais revenue... Une main me secoue. Je suis distrait un instant.

J'ouvre les yeux, et croise le regard de ma douce petite fille: Valentina.

-Papa... souffle-t-elle au bord des larmes. Tu... Tu ne peux pas me laisser...

Je veux la rassurer, lui dire que je l'aime, que tout ira bien, mais je ne peux articuler un mot. Le masque à oxygène qui me permet de respirer, de rester en vie, m'en empêche. Je ne peux que lever ma main, et difficilement, la poser sur sa joue.

Elle penche sa tête, et je sens ses larmes coulaient sur ma peau. Peau abîmée contre peau immaculée. Peau de père contre peau de fille.

-Papa... pleure-t-elle. Je t'aime tellement...

Ma vue est obstruée par les larmes. Je ne veux pas qu'elle soit malheureuse, je ne veux pas qu'elle soit triste.

Elle est secouée de sanglots. Je caresse sa joue.

-Je... Je te promets que je prendrais soin de maman. Je veillerai sur Jean, et je serai la meilleure tante du monde pour Sarah et Lisa, la meilleure mère pour Alice. Je, articule-t-elle difficilement, je ne t'oublierai pas... Jamais! Je...papa!

Elle pleure tout contre moi. Les larmes coulent, et je suis impuissant.

Ma petite fille n'est plus une "petite", elle a grandi. C'est une femme belle, qui est loin de faire ses cinquante ans, qui a un mari et une fille. Elle s'entend à merveille avec son frère mais rien ne remplace le lien qui nous unit.

En ce moment, elle n'est plus une femme forte, mariée et accomplie, elle est de nouveau une enfant. Une enfant dont le père est en train de mourir.

-Papa, s'il te plait, tu dois attendre Jean! Il est en route! Il ne pourra jamais se le pardonner, s'il ne peut pas te dire au revoir. Je t'en prie...

Je tente de prendre une inspiration, mais je suis à bout de forces.

Elle se tourne légèrement et d'une main attrape son sac. De l'autre, elle essuie ses larmes.

Elle me montre d'abord un dessin. Le dessin d'Alice. Ma petite fille affectionne les arts plastiques depuis son enfance, et je quémande sans cesse des dessins. Voilà qu'elle m'en offre un pour la première fois. Elle m'avait répété qu'ils étaient ces secrets, qu'elle avait peur que je ne les aime pas.

-C'est le dessin d'Alice... Elle... balbutie Valentina, elle m'a dit de te dire qu'elle t'aimait et que tu avais été un grand-père exceptionnel. Le meilleur chanteur, le meilleur conteur d'histoires, et le plus drôle! Elle m'a également demandé de te dire qu'elle était désolée de ne t'avoir jamais offert de dessins, mais qu'elle avait peur que tu ne les aimes pas. Celui-ci, elle est restée deux jours, enfermée dans sa chambre pour te le confectionner.

Je suis en pleurs. Ma douce Alice... Comment ne pas aimer tes si beaux dessins?

Sur ce dessin, je distingue une petite fille qui pleure tout en souriant, elle tend la main vers un vieux monsieur. Je comprends qu'elle nous a dessinés, tous les deux. Le fond, est un grand ciel étoilé, une autre silhouette aux cheveux flamboyants, couleur or, se distingue dans ce ciel. Par une bulle, je vois, que la petite fille dit "Rejoins Mamie, sois heureux grand-père."

Je suis chamboulé. Comment sait-elle? Parle-t-elle d'Emma? Non, puisque la silhouette est blonde! Parle-t-elle de...?

Mon regard perdu a du alerter Valentina puisqu'elle me dit:

-Oui Papa, j'ai mis quelques instants à comprendre qu'elle parlait de... qu'elle parlait de ma vraie mère... Valentina Zenere.

Je lui lance un regard surpris, elle me souffle :

-Alice m'a aidé à déménager vos affaires. Nous avons passé longues semaines à tout ranger. J'ai découvert, que cette petite cachottière, de 15 ans, a fait quelques découvertes... Elle a trouvé tes treize journaux intimes...

Ma respiration se bloque, puis se délie... De toute façon, je n'ai plus rien à cacher!

-Et en me donnant son dessin, elle m'a tout raconté, me faisant connaître tout ce qu'elle avait lu! Papa... vous vous aimiez tellement... articula-t-elle. Mais, Alice a trouvé autre chose dans tes journaux.

Valentina attrape quelque chose d'autre, et me met une enveloppe jaunie par les années, sous les yeux.

-Papa, il faut que nous l'ouvrions... Il faut que nous comprenions! Personne ne l'a jamais ouverte! Pas même Alice! S'il te plait.

Totalement perdu, je fixe cette lettre, ce papier sur lequel, de sa somptueuse écriture ma Valentina, l'amour de ma vie, a écrit à l'encre, il y a si longtemps: "Michael".

Dois-je ouvrir ce qui fait l'objet de tous mes tourments depuis cinquante ans?

Michael & Valentina - L'ultime AdieuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant