Ah le Moyen-Âge ! Tout un programme. Je crois que ce que je préfère à cette époque, c'est l'esprit pratique : on n'est pas dans le beau, on est dans l'efficace. Essayez d'enfiler une armure et surtout de bouger dedans et vous aurez compris qu'elle vous sert plus d'exosquelette que de tenue de bal. Au moins quand on se faisait broyer les os à coups de masse à l'intérieur, le plâtre était déjà fait. Pragmatiques les gens du Moyen-Âge.
Et puis le Moyen-Âge, c'est du concret, du lourd, de l'imposant : on n'est pas là pour faire dans la dentelle. C'est pourtant dans ce contexte et justement grâce à lui que naîtra le premier Roman ainsi que la Poésie. Mais je vais trop vite, commençons par le commencement, voulez-vous ?
Le Moyen-Âge commence au 5e siècle avec le déclin de l'Empire Romain d'occident, et finira à la moitié du 15e. C'est sûr que ça fait une longue période. Dans ces 10 siècles de l'Histoire de France, la littérature française (comprendre en langue française) prend naissance au 9e siècle. Elle est un peu issue d'une nécessité de transmission au peuple. En effet, à cette période, ceux qui ont le monopole de l'écriture sont les hommes d'Église. Forcément, à part la Bible, y'avait pas grand-chose à se mettre sous la dent à l'époque, les 50 nuances de Grey n'existaient pas encore. On faisait plutôt dans la vie des saints et leur martyre et je ne suis pas sûre que l'effet était le même sur la libido... Disons qu'en ce temps là, le supplice de la croix n'avait pas la même connotation. Mais je m'égare.
Revenons à nos moines copistes qui s'interpellent à grand coup de « Salve ! Ut vales ? » dans les couloirs des abbayes. Vous l'aurez compris, le latin littéraire était leur langue, mais dans la rue, on ne pratique pas le même langage. Un peu comme si vous mettiez Lucchini dans une cité strasbourgeoise, on a un problème de compréhension. Au fil du temps, le latin vulgaire évolue tant que seuls les instruits comprennent ce que raconte le moine Lucchini (je viens de lui attribuer le rôle). Dans le même temps, toujours en ce qui concerne le langage, la France est divisée par la Loire. Au nord de celle-ci, on parle la langue d'Oil et au sud la langue d'Oc.
Donc là, on a un sérieux problème. N'est-ce pas Lucchini ?
– Si on continue comme ça, on va finir par perdre tout le monde dans la bataille... On ne pourra plus rien enseigner aux ploucs.
Ça, je ne vous le fais pas dire... une solution peut-être ?
– On ne peut pas leur enseigner le latin, c'est ringard et on va se taper les associations de parents d'élève sur le dos...
Vous êtes au courant qu'elles n'existent pas encore ?
– Oui, mais, on est en France, on a la capacité de râler dans l'ADN, et mieux vaut prévenir que guérir. Non, soyons fous ! Vivons avec notre temps et notre époque ! Nous sommes au 9e siècle tout de même, place aux jeunes, place au sang neuf : traduisons nos textes en langue romane, parbleu !
En quoi ?
– En français vulgaire !
Je le savais, c'était pour placer la traduction !
C'est ainsi qu'est née la littérature française. Première œuvre inscrite au recensement, le Cantilène de Sainte Eulalie en 880. Bon passons sur le fond du propos, je ne suis pas sûre que le martyre d'une vierge de 13 ans fasse avancer notre histoire. Mais gardons l'idée qu'il s'agit du premier poème français écrit et connu à ce jour. Une petite minute de recueillement, s'il vous plaît.
Notons aussi que notre littérature est issue d'une notion fondamentale : la transmission. C'est la base de toute construction du langage : l'autre doit être en mesure de recevoir ce qu'on lui donne.
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La Bibliothèque de K. (Petite histoire amoureuse de la littérature française)
De TodoParce qu'il est bon parfois de replonger dans les mots des autres.