Et là ! C'est le drame !
Chers amis, non ! Restez ! Ne fuyez pas ainsi devant le conformisme littéraire et l'académisme ! Mais restez voyons, je vous dis ! Oh, ça suffit, on s'assoit deux secondes et on arrête avec les préjugés. Après tout, ça fait longtemps que vous attendez la suite et si elle fut si longue à venir, ce n'est pas seulement à cause de mes déboires existentialistes (quoi que...), mais aussi parce que je me demande comment tourner ce rayon pour éviter la débandade, en commençant par la mienne. Alors je vais dès à présent clamer haut et fort mes positions pour qu'on puisse avancer et passer à autre chose. Attention, aphorismes en vue !
1) Le conformisme est la fin de l'humain au profit de l'homme animal.
2) L'académisme est une forme de censure qui n'a pas lieu d'être en art or, la littérature est un art et Boileau est un emmerdeur.
3) Parce que jamais deux sans trois.
Bon voilà, c'est dit, ça va mieux ! Maintenant, essayons de regarder d'un peu plus près cette période incontournable de notre histoire littéraire et surtout de la regarder intelligemment, car mine de rien elle fut assez décisive et reste encore aujourd'hui très inspirante.
Souvenez-vous, on sort du Baroque et de son aspect fantasque au point de tourner parfois au grand n'importe quoi (tout le monde ne s'appelle pas Shakespeare ou Corneille), les guerres de religion faisaient rage et il devient urgent, non, nécessaire de remettre un peu d'ordre dans tout ce foutoir. Ici se place alors une volonté de centralisation du pouvoir et des institutions, volonté qui est issue finalement d'un besoin : faites place à la monarchie absolue.
La centralisation des pouvoirs impacte de plein fouet la littérature française en 1635 avec la création par Richelieu de l'Académie Française qui a pour mission « de travailler avec tout le soin et toute la diligence possible à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences. » On se place ici dans la continuité de l'œuvre de François Ier qui avait déjà décrété le français comme langue officielle, crée l'Imprimerie nationale, le dépôt légal et le Collège royal. L'idée est de constituer une norme et un bon usage de notre langue (je vous rappelle que la Pléiade vient à peine de l'accoucher cette fameuse langue française donc elle en est à peine au stade des areuh areuh) dans un souci purement altruiste de diffusion d'idée dans une rigueur scientifique et technique afin que la confusion des mots n'entraîne pas une diffusion d'idée. Non, je déconne, ça, c'est le bénéfice secondaire involontaire. L'uniformisation de la langue française est une nécessité d'état : elle permet une application administrative et juridique plus fiable et sans incohérence de sens.
Du coup, y'a plus qu'à... Dans un premier temps, il s'agit de recenser tous les mots et leur lot de prononciations, d'orthographies, de variations de tournures, et ça en faisait un sacré paquet ! Autant vous dire qu'à cette époque on pouvait écrire nénuphar ou nénufar qu'on s'en cognait parfaitement ! Mais voilà, il faut donner une règle aux imprimeurs, il faut que les textes de loi (celle qui interdit aux nénuphars de pulluler sur les étangs publics sans autorisation préfectorale) épousent la même forme. On prend ce joli foutoir et on tente d'en tirer pour chaque mot la forme la plus cohérente. Ainsi naquit notre bible, celle qui sanctionnera toutes nos dictées : le dictionnaire. Et voilà surtout pourquoi certains mots ont une orthographe qui défie un peu leur étymologie... oui je sais, il est casse-pied ce nénufar. Pour la petite anecdote qui permet de se la péter lors des repas de famille, nous en sommes actuellement à la neuvième édition du dictionnaire. Il fut aussi question d'établir un traité de grammaire (non pas le Bescherelle, mais un truc plus officiel, qui claque et surtout qui fera loi !). Vous la connaissez, vous, la Grammaire de l'Académie ? Non ? Moi non plus. C'est comme le Titanic, elle a coulé avant même d'arriver à destination. En vérité, sa parution fut reportée d'année en année. Et au bout de 296 ans et demi (oui j'aime bien la demi-année, elle a du sens je trouve, comme celle des enfants) soit en 1930, elle fut annoncée. 296 ans pour éditer un traité de grammaire française ! Plaignez-vous après ça quand je vous ponds des commentaires kilométriques rien que sur la conjugaison des verbes ! 296 ans pour des Académiciens et ils se sont vautrés en beauté, présentant devant des linguistes de renom une grammaire simpliste et incomplète, pétrie de maladresse, bien loin de la subtilité de notre chère langue. Car pour les linguistes, la grammaire ne peut être un dogme en ce sens qu'elle évolue avec la vivacité de la langue et particulièrement avec l'illustration qu'en font les auteurs de tout temps. Ainsi il convient de dire que la grammaire, si elle garde une structure de base a été, est et sera réinventée par nos écrivains, passés, présents et futurs (je vous rappelle la Pléiade qui s'est gentiment targué d'inventé le vocabulaire !) Donc laissons à la grammaire sa fonction première qui est celle de contenir l'ensemble des outils d'agencement permettant de porter et de préciser le sens d'une idée. Eh oui, nul besoin dans cette fonction de phrase parfaite, c'est-à-dire sujet/verbe/complément, pour cela qu'on a vu pas mal fleurir des phrases nominales, des verbes sans sujet, des phrases propositionnelles, etc. Je ne dis pas qu'il faille rejeter les règles de grammaire, mais ce que les linguistes ont défendu contre l'Académie Française était justement son académisme et son uniformisation de la langue au-delà de son outil minimal qui est le mot, mais jusque dans son utilisation et ça, c'est mal !
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La Bibliothèque de K. (Petite histoire amoureuse de la littérature française)
De TodoParce qu'il est bon parfois de replonger dans les mots des autres.