Aujourd'hui il ne fait pas spécialement beau, je ne me sens pas spécialement bien, c'est une bonne journée en perspective. Je me lève, me douche, mets mon smoking, me brosse les dents et sors de chez moi après un café bien fort. Métro, bus et 20 minutes de marche, tous les jours le même trajet, tous les jours la même routine.
La banque est vide, je suis le premier arrivé, comme chaque jour, 15 minutes en avance. Mon esprit vagabonde, rêve d'un café en amoureux sur le bord de la Garonne. Mais à peine cette pensée effleure mon esprit qu'elle s'efface. Il était stupide de ma part de même y songer. Dans ma routine monotone il m'arrive de rêver, de rêver au bon vieux temps lors du quel nous étions des gosses insoucieux, en recherche constante du bonheur. Aujourd'hui ce mot m'est inconnu car il était mon bonheur et mon bonheur s'en est allé.
Il est amusant de constater que l'on ne se rend compte de sa chance, du fait que l'on est heureux que lorsque l'on ne l'est plus. En d'autres mots on ne se rend compte de la réele valeur d'une chose que lorsqu'on la perd. Ensemble nous étions heureux, amoureux, pourtant l'on ne cessait de faire des plans d'avenir, de travailler a obtenir une béatitude pourtant déjà présente. Il aurait suffit que l'on profite de nous, de l'ensemble que nos êtres formait tantôt au lieu de gaspiller futilement le temps à notre disposition. La vie, voyez-vous, est un animal étrange, personne ne connaît son réel but, si toutefois elle en a un, personne ne sait comment la vivre, personne ne la vit comme il le faudrait. On dit que l'on apprend de ses erreurs, certe cela est mon cas, d'une certaine façon, mais il me serait impossible d'appliquer ce nouvel apprentissage. L'ironie de la vie est là : on apprend par des épreuves plus ou moins douloureuses, on sait alors ce qu'il aurait fallut faire pour que les mauvaises choses ne se produisent mais il est impossible de revenir dessus, de changer le déroulement des évènements passés. Il est tout simplement trop tard. Nos vies sont alors parssemées de regrets. J'ai appris mais je ne peux appliquer mon nouveau savoir car la vie est cruelle, une mère cruelle qui, certe, donne force et maturité à ses enfants mais aussi douleurs et peines.
Je ne connaissais pas la chance qui s'offrait à moi lorsque mon amour me serrait dans ses bras. M'enfermait dans cette prison chaude et douce qu'est l'amour. Lorque, blottit dans les bras de l'être que j'aimais, je sentais son coeur battre fort contre mon oreille. Lorsqu'un sentiment de protection m'envahissait, un sentiment qui me faisait sentir comme si rien ne pourrait jamais m'atteindre en sa présence.
Nous étions liés corps et esprits par une force qui nous dépassait. Nos corps se sont toujours joints dans une harmonie improbable. Même des années de vie communes n'ont su fadir notre attachemment, notre envie du corps de l'autre. Nous fesions l'amour avec tant de passion, chaque fois était plus ardente, plus passionnée que la précédente. Nos corps ne faisaient qu'un, nous n'étions qu'un seul être et atteignont l'apothéose, le septième ciel, d'un commun accord. Nos unions étaient comparables à un morceau de musique qui serait à la fois doux et violent, fort et calme. La dernière note était poussée à l'unisson. Nous nous endormions alors l'un contre l'autre, accordant nos resprations et la chamade de nos coeurs dans un dernier baiser.
Je rêvais de mariage, mais son « caractère fermé » ne lui plaisait pas. Lorsque je formais le rêve de l'épouser, son rire moqueur et pourtant si doux résonnait à mes oreilles. Je doutais alors de son amour le temps de l'entendre déballer ses sentiments les plus profonds, ses excuses les plus sincères et son besoin irrévoquable de se faire pardonner.
Le jour de notre union sacrée il ne faisait pas spécialement beau, contrastent avec le fait que cette journée était la plus belle de ma vie, et le resterait.
A la suite de notre mariage nous étions toujours aussi heureux et amoureux, sinon plus. Vivant au jour le jour nous ne nous soucions du lendemain, rien ne nous effrayait plus.
Pourtant le diable est un jour venu nous rendre visite l'improviste. J'oscillait entre espoir et défaitisme. Sans me laisser le temps de me fixer, Satant commença son œuvre diabolique. Lentement mais surement il dévora les os de la personne que j'aimais le plus au monde qui ne cessait de me répéter :
« je suis debout et je le resterai. Ne t'en fais pas. »
Alors qu'à chaque rendez-vous avec Satan une autre partie de l'être qui m'était cher était consumée. Ce fut d'abord ses mains dont j'admirais la dexterité et l'agilité qui ui permettaient de tracer la moindre pensée passant par son esprit sur une toile. En tant qu'artiste, s'exprimer par l'art lui était vital. Malgré tout, lorsque le moindre mouvement de doigt lui exigeait une concentration intense, un effort douloureux et considérable et parraissait prendre un temps infini, ces même mots sortaient de sa bouche :
« Je suis debout et je le resterai, ne t'en fais pas. »
Puis, les jambes suivirent. Elles devenaient de plus en plus lourdes, de moins en moins mobiles. C'était pourtant toujours le même refrain :
« Je suis debout et je le resterai, ne t'en fais pas. »
Mais sur son fauteuil roulant, le mot « debout » prennait simplement la forme d'une figure de style. Alors que son état s'aggravait de jour en jour, son sourire illuminé de tant de joie et d'amour ne palissait pas. A chaque fois que je l'interrogeais sur son état c'était toujours la même réponse qui m'était donnée :
« Je suis debout et je le resterai, ne t'en fais pas. »
Et je pleurais. Chaque nuit. A chaque moment de solitude, ce qui m'arrivait de moins en moins : je ne pouvait laisser l'objet de mon amour seul avec le diable. J'entendais par moment ce dernier lui susurer à l'oreille d'une voix machiavélique : « Tu n'as pas besoin de cet incapable. Maintenant tu es à moi et à moi seul, c'est un bon à rien nocif qui ne sait que te rendre mal. »
Je regardais alors de loin l'oeuvre du démon, séparé de mon âme sœur par un mur invisible que la démance lui à fait bâtir.
Dans ses moments lucides la même phrase venait à mes oreilles :
« Je suis debout et je le resterai, ne t'en fais pas. »
Mais la personne énergique et forte que j'avais épousée n'avait même plus la force de s'assoir. Ce qu'il restait de son corps était couché dans l'antre du diable, lieu dans lequel j'avais de temps en temps des droits de visite.
Ses paroles étaient de moins en moins teintées de joie, son sourire autrefois plein d'entrain devenait faible et suppliant. Et je ne pouvais rien faire. La seule chose dont j'étais capable était de le regarder mourir à petits feux.
Par malheur, ou bonheur, je ne saurais dire, le jour fatidique finit par arriver. Il ne faisait pas spécialement beau, je ne me sentais pas spécialement bien, c'était une bonne journée en perspective. Pourtant lorsque je pénétrais l'antre du diable, il n'était plus là. Les sons se perdaient, les images se brouillaient, que se passait-il ?
J'entendais au loin une phrase incompréhensible qui résonna dans ma tête jusqu'à ce que je trouve un sens à ces mots : « Le cancer en à eu raison, je suis désolé. »
Et là gisait le corps de l'être que j'avais tant aimé, son sourire aux miles éclats faisait contraste avec la vision abominable qui s'offrait à moi. Devant moi était étendu un petit corps, Inanimé, maigre au possible et le visage, son si beau visage, blanc comme un linge semblait me dire :
« Je suis debout et je le resterai, ne t'en fais pas. »