Assise au bord ce pont, suspendue au dessus du vide, les lumières de la ville endormie, la lune, pleine, brillant de miles éclats, le silence, la solitude. Cette addition de facteurs me permet de me sentir vivante. C'est une douce trêve, une échappatoire à cette triste société destructrice. En ce lieu, je peux m'entendre penser, je peux m'entendre respirer, je peux sentir mon cœur battre, je peux oublier les tracas de la vie pour un court temps, et, avant tout, je peux me sentir être.
L'eau, calme, mélancolique, s'écoule sous le pont. Je m'amuse à songer qu'elle fuit l'humanité, de la même façon que moi. Elle a compris qu'il n'y avait plus rien à tirer de l'humain, être pathétique qui ne sème que douleur et destruction sur son passage. Il détruit, comme une enfant turbulent, tout ce qui lui est offert. Il détruit enfin tout ce qu'il construit. Si la chose est belle elle doit être exploitée, détournée de son but premier, puis jetée comme un vulgaire détritus lorsque cet enfant qu'est la société s'en sera lassé. Si, en revanche, elle ne convient pas à ses attentes, elle sera, de la même façon que la première, jetée.
J'ai longtemps essayé de faire partie de ce monde, en vain. De la même façon qu'un enfant jetterai un jouet dysfonctionnel, une fois que ma différence a su se faire remarquer, le monde m'a réfutée. C'est là le moment ou je me suis rendu compte de l'absurdité de l'humain. L'humain qui se prend pour le Roi de la Terre, comme si elle lui appartenait, lorsqu'il n'est qu'un résident de celle ci. L'humain qui se bat pour des territoires qui ne sont même pas réellement siens. L'humain qui s'entre-tue, pis encore, qui envoie ses semblables s'entre tuer pour un bout de terre, des morceaux de métal ou de papier qu'il appelle « argent » et semble plus important que la vie elle même.
Il semblerait que lorsque quelque chose vous sourie dans la vie, il faille qu'elle s'en aille de la pire façon possible, vous laissant plus démunis encore que vous ne l'étiez. La vie n'est qu'une succession d'échecs. Alors que tous vous diront que la souffrance forge l'Homme, je vous dirais plutôt qu'il ne faut espérer, il ne faut penser à une illumination possible quand elle ne fera qu'encore vous détruire puis, a force de tomber, vous finirez pas ne plus pouvoir vous relever. Cet état est la véritable mort, celui qui vous plonge dans un désespoir, une souffrance tellement forte que le moindre sourire vous paraîtra être une action insurmontable, que l'estime que vous vous porterez sera tellement basse que vous ne pourrez jamais plus vous regarder dans un miroir sans vous inspirer un dégoût immense.
Ma vie était autre fois celle d'une femme heureuse, comblée et emplie d'espoir. J'avais des rêves plein la tête, je voulais conquérir le monde, en explorer les moindres recoins. C'était l'innocence de l'enfant étranger a la difficulté de la vie. Le moindre rayon de soleil, la moindre nouveauté que je pouvais découvrir me rendait folle de joie. Je croyais en l'amour, la bonté et la vie. L'être humain et toutes choses qu'il ai accomplies me fascinaient. Une fois entrée dans le « monde des grands », je pu voir l'Homme et la machine citadine pour ce qu'ils étaient vraiment : des êtres ignobles dénués de sentiments et de vertu. Ils ne créent que souffrance et destruction.
La jeune femme sort un couteau de sa poche, grave quelques mots sur le métal du pont et prends son envol. Elle s'enfonce alors dans les eaux sombres du fleuve, ce n'est pas l'asphyxie qui la tuera, tout était calculé, les lourdes pierres des abysses vinrent embrasser son crâne, laissant une marque rouge vermeil sur celui ci et bientot c'est toute la surface qui prit une couleur sombre teintée de la délivrance d'un espoir brisé. Bientôt le corps de la jeune femme s'élèvera à la surface, tous maux effacés, un renouveau enfin possible, un nouvel espoir peut naître une fois l'ancien oublié.
Sur le pont on pouvait alors lire l'inscription « la vie est belle, n'est ce pas ? »