Il dort. Les personnes entrant et sortant sans arrêt de sa chambre ne semblent déranger son sommeil de plomb. Par groupe de deux ou trois, famille et proches de l'enfant entrent, restent plantés au bout du petit lit et l'observent gravement. Pas un mot, pas un bruit. Il ne faudrait pas le réveiller.
Quelques courageux osent s'approcher. Ils détaillent son visage douloureusement. Criblé de bleu, aplati, il ne resemble plus à un petit garçon mais plutôt à une poupée maltraitée. Ils s'indignent alors, certains marmonneront contre le père en sortant de la petite chambre. Après tout il est forcément le fautif.
Au coin de la pièce une petite fille n'a pas bougé depuis le début des visites. Fixant l'enfant endormi elle ne semble même pas remarquer les autres. Elle est perdue dans ses pensées. Rien ne reflète ses émotions. Son visage est neutre, elle ne semble réaliser le spectacle qui se tient face à elle. Les questions se bousculent dans sa tête.
Pourquoi il dort? Pourquoi il a l'air d'avoir mal? Pourquoi tout le monde le regarde? Est ce que si je me retourne il va se réveiller et venir jouer avec moi?
Ses yeux s'arrêtent sur les visiteurs. Ils pleurent. Elle repense à ce que lui a dit sa mère hier. Sa dernière phrase résonne à présent dans son esprit.
"Non, il ne se réveillera plus."
Un éclair de lucidité traverse son visage. Elle a compris. Son expression reste neutre. C'est une grande fille, elle ne doit pas laisser transparaître ses émotions. Pourtant, sans qu'elle ne puisse les contrôler, des larmes commencent à couler lentement sur ses joues.