Chapitre 3 :

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Ce soir là, même si la douleur persiste je me sens mieux. Plus légère. Depuis la fin de ma discussion avec Derek j'ai tout fait pour ne pas rester seule. Je savais que mon sursis pendrait fin à partir de ce moment-là. J'ai d'abord regardé la télé au salon avec mon père. Nous partagions notre avis sur tout et n'importe quoi comme avant, quand je vivais ici. C'est peut-être pas grand chose mais c'est notre truc. En plus il avait l'air heureux de passer ce moment avec moi. C'était réciproque. Plus je grandissais plus on se rendait compte que je lui ressemblais au niveau de mon caractère. On ne fait pas de vague mais quand on nous marche sur les pieds on sait se faire entendre. C'est également lui qui m'a transmis sa passion pour la géographie. Mon grand amour. Celui qui ne me fera jamais défaut est une histoire de famille et j'en suis très fière. Physiquement j'ai reçu uniquement la tonne de grain de beauté et mes boucles. Dormant peu la nuit ces derniers temps et j'ai commencé à sentir mes paupières s'alourdir. Je me suis endormie dans le creux de son épaule. J'ai dû me sentir protégée puisque mon petit somme a été réparateur. Ça faisait longtemps. Ensuite je me suis rendue dans la cuisine pour aider ma mère à préparer le dîner. D'abord surprise elle me fit partager la recette des lasagnes de bon cœur. Nous avons discuté tout du long. A propos des études en général, des projets de notre petite ville et aussi des nouvelles tendances. Contrairement à mon père ma mère est ce qu'on appelle une grande gueule. C'est également pour ça qu'on l'adore. Enfin j'avoue que certaines fois pendant ma jeunesse je voulais me cacher et disparaître. La couleur de mes cheveux, ma silhouette et la couleur de mes yeux sont identiques aux siens. Quand on se regarde dans les yeux j'ai toujours eu l'impression de voir le reflet ambre des miens. Très perturbant comme expérience. Je met le couvert consciencieusement avec plus d'application que nécessaire. Les lasagnes prêtent nous nous mettons à table et parlons de tout et n'importe quoi. Pendant un blanc je vois ma mère lancer un petit regard malicieux à mon père. Ce dernier sourit discrètement. Oula qu'est-ce qu'il me cache tous les deux ? Je trouve que leur couple très bien assorti. Le côté calme de mon père apaise maman et au contraire son expansion pousse papa à s'affirmer. Leur rencontre n'avait pas été très basique non plus. C'est mamie qui m'avait tout raconté. Papa travaillait dans une station-service à l'époque et un client mécontent avait commencé à l'enquiquiner un peu trop violemment. Ne voulant pas s'énerver papa a tenté de calmer les choses sans élever la voix. C'est là que maman est entré en jeu. Elle passait par là pour s'acheter des bonbons et ayant flashé sur ce beau jeune homme, elle n'avait pas supporté qu'on s'adresse à lui de cette manière. Ni une ni deux elle s'était mise au milieu et avait dit ses quatre vérités à l'autre grognon. Bien sur le débat s'est très vite enflammé et pour la défendre les deux hommes en sont venus au mains. Au final papa s'est fait viré mais Valérie et Armand ne se sont jamais plus quittés. Bref maman m'observe par en-dessous et j'attends avec angoisse sa question imminente.

« Je t'ai vu avec Derek tout à l'heure.

- Oui, on s'est croisé en ville.

- Et ?

- Et on s'est dit que ça serait cool de repasser du temps ensemble. ».

J'espère qu'elle ne se fait pas des idées. Il n'y a rien sur ce plan là entre nous. D'accord j'ai un peu arrangé la vérité et n'ai pas du tout mentionné notre accord. L'intuition qu'elle ne cautionnerait pas même si on ne fait rien de mal me serre la poitrine. Comme elle est incapable de se taire je préfère ne rien dire sur ce sujet. Elle semble satisfaite par ma réponse. Étrange.

« C'est un très gentil garçon. ».

C'est drôle comme les parents sont souvent certains que tel ou telle personne est soit gentil soit pas du tout fréquentable alors qu'en réalité ils n'en savent rien du tout. Je renonce à expliquer cela à maman. Après cette mise au point, le sujet dévie. Après le souper je propose de faire la vaisselle de bon cœur. Une fois terminée l'idée de jouer à un jeu de société est mentionnée. J'adore, ça fait un bon moment que ce n'est plus arrivé. Nous passons un moment de pure joie et bonne humeur. Les questions s'enchaînent, les points s'accumulent. La mauvaise foi de papa, l'excitation de maman nous fait hurler de rire. Je gagne tout en sobriété sans me la péter à mort. J'aide à tout ranger puis leur souhaite bonne nuit. En haut de l'escalier je me pose cinq minutes sur la dernière marche. J'entends papa et maman se chamailler doucement puis se rabibocher. Leur mots doux me met du baume au cœur. Puis je surprends une conversion qui me concerne. C'est papa qui la débute :

Echange de bons procédésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant