III- JOHN

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Vendredi 13 Mars 2037, 8 Kilomètres au Nord de Waiparous, Alberta, Canada.


                 Le bruit. C'est le bruit de la chute qui m'a fait réaliser que cette fois-ci, cet enfoiré était bel et bien crevé. Pourtant c'est pas faute d'avoir frôlé la mort à plusieurs reprises, j'avais hâte qu'il y reste pour de bon cette fois. Il est trop dangereux, il me ressemble trop. Je devrais pas écrire ça sur papier, suffit qu'un de ces abrutis du camp tombe là-dessus et il pourrait se poser des questions. Et puis merde, ma piaule, mon papier, j'écris bien ce que je veux. De toutes façons, je ne compte pas m'éterniser ici, ils ont beau nous faire croire que partir c'est signer notre arrêt de mort, je serai pas là quand une bande de pillards viendra tout mettre à feu et à sang. Qu'on ne vienne pas me faire croire que les armes à feu n'existent plus, j'en ai entendu, moi, des tirs, résonner à travers les gorges des montagnes canadiennes. Certains sont bien mieux organisés que nous, plus forts, et surtout mieux armés. Ils ne s'embêtent pas à traîner des boulets, des faibles, des vieillards, incapables de se déplacer.

              Je suis arrivé ici l'été dernier mais je ne resterai pas, la vie en solitaire me réussira mieux. Ma blessure à la jambe a presque fini de cicatriser, quand le soleil reviendra, je m'éclipserai. Je n'ai qu'à attendre bien sagement, qu'à faire semblant d'être l'un des leurs, d'être dévoué à la cause de leur seigneur. Aberrant de continuer à croire à toutes ces conneries religieuses après tout ce qui est arrivé. Franchement, les catastrophes, la bourse, les guerres, les bombes. Où il était Dieu? Cet enfoiré de flemmard est tranquillement resté là à nous regarder nous massacrer bien sagement, voilà ce que j'en dis moi. Je ne le servirai pas, oh non, jamais. Plutôt crever, et c'est bien ce que je compte faire. Mais pas ici, et pas avec eux. La bonne solution, ça serait que je parvienne à trouver une arme, n'importe quoi, que je me fasse accepter dans un groupe de mercenaires, je pourrais mener la belle vie. Et il y aurait des femmes. C'est ce qui me manque le plus. Je me satisfais plutôt bien de ma vie depuis la chute, mais les femmes ça, c'est une denrée rare. Je ferais mieux de me farcir une de ces saintes-nitouches de survivantes, y'en a des jolies. Mais ça serait foutre en l'air tous mes plans, il faudra bien que je me retienne si je veux aller de l'avant.


Samedi 14 Mars 2037, 11 Kilomètres au Nord de Waiparous, Alberta, Canada


               Emma. C'est comme ça qu'elle s'appelle. Elle me fixe avec ses yeux verts intenses, son regard faussement pudique. Je pourrais peut-être me le permettre, je suis sûr qu'elle le voudrait. Le vrai problème, c'est Eric, ce gars-là a le soutien de toute la communauté. Je vais partir plus tôt, je n'en peux plus, de faire semblant, de suivre leur petit jeu. Ce n'est pas moi. Dans la semaine, je prendrai mes affaires et je partirai dès le lever du soleil. Je piquerai des provisions, des affaires et je me ferai la malle. 

La Fin d'un MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant