Deuxième partie

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- Anastasia ?

L'intéressée se retourna, lâchant son livre des yeux pour les poser sur Bianca, qui la regardait d'un air inquiet. L'aînée sourit à sa cadette.

- Oui, Bi ?

- Il y a... un nouveau prétendant... dit-elle, l'air préoccupée.

Elle se tordait anxieusement les mains, tirant sur les manches de robe blanche. Avec ses yeux bleus et ses longs cheveux blonds, Bianca avait tout d'un ange. Le contraire de son aînée, une brune frôlant le noir avec des yeux assortis. Leur opposition les avait étonnamment beaucoup rapprochées...

- Donc Père compte vraiment maintenir cette stupide compétition alors que le premier prince casse-pieds a échoué... De quel pays vient le nouveau ?

- Eh bien... commença Bianca. Justement. Ce n'est pas un prince. C'est un simple soldat. Et... il a l'air gentil, lui...

Anastasia soupira. Elle posa son livre et prit les mains de sa soeur dans les siennes.

- Ecoute-moi, dit-elle en cherchant le regard de Bi. Personne ne va se marier, d'accord ? Il est hors de question de laisser l'une d'entre nous se faire doublement enfermer. Surtout avec quelqu'un qu'elle n'aura pas choisi.

Bianca retira ses mains de celles de sa soeur, détournant les yeux.

- Oui, mais Père ne va pas abandonner si facilement. Et d'autres gens vont mourir. A cause de nous, ajouta-t-elle d'une toute petite voix.

- Non, non, Bianca. Pas à cause de nous. A cause de Père. S'il ne nous avait pas mises en cage, comme ça, la fée n'aurait pas eu à créer cet endroit, et nous n'aurions pas eu à nous enfuir de chez nous comme des voleuses pour avoir un peu de liberté. Et ces gens n'auraient pas eu à mourir. Ce n'est pas de notre faute, Bianca. Ce n'est pas de notre faute.

Comme sa petite soeur ne semblait pas convaincue, elle reprit :

- Alors... c'est vrai, des gens meurent, c'est... dommage, mais...

- C'est dommage ? Comment peux-tu dire que la mort, c'est juste dommage, Anna ? s'écria Bianca. Fais attention, Anna, tu vas finir par devenir comme Père.

Elle tourna les talons et s'en alla, sous les yeux perdus d'Anastasia, que l'avertissement avait chamboulée. Elle secoua la tête. Non, Bianca avait dit ça sous le coup de la colère. Jamais elle ne deviendrait comme leur père.

Rassurée par son explication, Anastasia se replongea tranquillement dans sa lecture.

*****

Le dîner était un moment de la journée redouté par les douze soeurs. Car, si elles étaient seules lors du petit-déjeuner et du déjeuner, leur père mettait un point d'honneur à se libérer pour le dernier repas. Et ce soir-là ne fit pas exception.

Baudouin, tout sourire, s'installa, en compagnie de sa bedaine, sur le seul siège en bout de l'immense table, prévue pour vingt-sept personnes. Ce qui était effrayant, c'était que le Roi tenait à ce que toutes les places, même celles vides, soient pourvues de couverts. Ce qui donnait l'impression glaçante de manger en compagnie de fantômes, qui occupaient une grosse moitié de la table.

- Mes filles, comme vous êtes jolies ! Vous êtes vraiment ma plus belle réussite ! Je me félicite de vous avoir mises au monde... déclara avec fierté Baudouin.

Gwendoline tiqua.

- Tu n'étais pas seul pour nous concevoir, gros lard... grommela-t-elle assez bas pour ne pas se faire entendre de son père.

Le bal des douze princesses - #JustWriteItOù les histoires vivent. Découvrez maintenant