Ma grand-mère qui m'élevait depuis ma naissance m'avait juré de me dégotter une place dans une académie où on faisait remonter presque magiquement les moyennes d'élèves "spéciaux". École privée, qui d'ailleurs possédait un internat, plus couramment appelé "prison" dans le langage des élèves. J'avais toujours eu une relation ambiguë avec ma grand-mère qui fonctionnait avec les principes suivants :1) " Les enfants patientent, les adultes n'ont pas à attendre."
2) "Tu fais ce que je dis sans poser de questions."Ces citations, inventées par son génie presque dictateur, étaient répétées en boucle dans mon cerveau vide, au point de me casser les oreilles. Je n'avais pas à contredire ces paroles, car ma grand-mère était mon seul parent biologique, et que si je le faisais, j'étais mise K.O par corvée de ménage trop intense.
Depuis quelques jours, mon dictateur de grand-mère fredonnait inlassablement un air joyeux en passant le balais dans notre appartement minuscule de banlieue nantaise. Elle était heureuse de me voir dégager le plancher, me voir partir, car elle pourrai monopoliser ma chambre pour ranger sa collection de chiffons à poussière. Comme elle me le jurait si bien depuis ma plus tendre enfance, elle m'avait finalement trouvé cette place dans la fameuse académie, qu'elle avait tant cherchée.Je m'extirpai du matelas rongé aux mites qui me servait de lit en pestant bruyamment contre mon réveil. Cette machine sortait des Enfers et avait sûrement été créée par Hadès en personne. Je luttais contre mon instinct qui me dictait de perdre mon sang-froid et de balancer cet appareil démoniaque contre un mur. J'avançai à tâtons dans le noir, sur la moquette râpeuse qui me servait de sol, à la recherche de mon téléphone. Quand je posai la main dessus, je poussai un soupire de soulagement. Je détestais être dans le noir et en tant que grande pessimiste que j'étais, je m'imaginais les pires scénarios : je me cognais le petit orteil dans la commode et tombait à la renverse sur mon téléphone, fissurant l'objet qui m'était le plus cher au monde, ou pire, renversant mon verre d'eau dessus.
Aujourd'hui, c'était le grand jour, le jour J, le jour où j'intégrais cet internat et cette académie. Je grommelai dans ma barbe inexistante en regardant une montre imaginaire à mon poignet. Je n'avais rien préparé, et je me levais donc à cinq heures du matin afin de boucler ma valise dans les temps voulus. Je me mis à la recherche de mes vêtements, égarés sur le sol. Je les balançai rapidement en boule dans ma valise sans vraiment viser juste. Je m'efforçais tant bien que mal de m'occuper la tête et l'esprit afin de ne pas céder à la panique qui tentait de m'envahir. J'avais peur de quitter cette ville qui m'étais si chère, je la connaissais mieux que ma poche. Chaque recoin, chaque ruelle sombre étaient mon domaine. En tout cas, j'avais un avantage apparent, je n'avais pas d'amis. Ça m'épargnai le besoin de faire des adieux pleurnichards et niais à mes proches. Seulement à ma grand-mère grincheuse dont les activités favorites étaient le commérage et le dépoussiérage intense. Je sorti en trombe dans le couloir afin de chercher le nécessaire pour faire une toilette de chat avant de boucler mes affaires et de glisser mon téléphone dans ma poche de jean.Sept heures cinquante-sept. Je failli pousser un hurlement pour exprimer ma joie, mais je me retins. À quoi bon s'attirer les foudres de sa grand-mère un samedi avant de la quitter jusqu'à Noël, je vous le demande.
Je collai une bise volontairement baveuse sur la joue fripée de ma grand-mère qui me répondit par un hochement de tête muet. Pas besoin de s'attendre à une démonstration d'affection de sa part.
Je descendis, ou plutôt balançai ma valise dans l'escalier avant de la suivre dans sa chute en courant comme une idiote. J'avais dû réussir à réveiller tout l'immeuble.
Je sortis dehors, profitant de l'air encore glacial, des rues encore désertes. Seulement quelques joggeurs courageux s'aventuraient dans les parcs où d'ordinaire, la nature et les adolescents boutonneux régnaient en maître.
La ville se réveillait doucement. Le soleil filtrait au travers des stores encore fermés, diffusant sa chaleur réconfortante sur les vieux immeubles tagués. Ma valise roulait avec une facilité déconcertante sur le goudron tandis que je me rendais à l'endroit précis où une voiture de l'académie devait venir me chercher. Aillant enfin trouvé le point de rendez-vous, je m'asseyai à même le sol, telle une fillette perdue dans le bourdonnement incessant d'une grande ville. J'en profitais pour mettre mes idées au clair.
J'allai vers l'inconnu, dans une école où le contact avec ses proches était très limité, où on dormait dans des chambres à deux. Je ne connaîtrai personne, je savais seulement que j'allais travailler, bosser dur au point d'en mourir pour empêcher ma grand-mère de vomir sur mon bulletin de fin de trimestre. Moi qui n'étais pas très so... Bon, moi qui n'étais PAS sociable, ça risquai d'être une épreuve. Comme je le disais si bien, cohabiter avec des individus de mon espèce ne faisait pas partie de mes hobbies. Et cette jolie phrase pouvait clairement me décrire. Moi, Éva Mainard, j'étais peut être jugée comme élève spéciale par cette académie, mais je me trouvais banale, pour ne pas dire sans intérêts. Mon physique était classique : des cheveux blonds et épais, des yeux dorés cerclés de bleu, quand on les regardaient bien. Ma seule particularité apparente était ma peau. J'étais aussi pale qu'un fantôme ou qu'un mort-vivant, à vous le choix. On aurai dit que je sortais d'une maladie qui m'avait dévastée alors que... c'était mon teint.
Mes pensées vagabondèrent encore un peu mais elles se firent bien vite interrompre par un bruit de grosse voiture qui se gare. Je relevai la tête, l'air un peu perdue, mais quand j'aperçut l'énorme corbillard noir garé devant moi, je crus clairement que ma fin était arrivée.Deux hommes en costards/cravates sortirent du corbillard en m'adressant un regard que je ne pu interpréter, malgré mon talent à ressentir les émotions des gens.
Éva Maillard, c'est vous ? demanda le premier individu d'une voix caverneuse de gros fumeur.
-Oui, acquiesçai-je en hochant la tête, hésitante.
-Et bien, direction la Klyde académie, jeune demoiselle, dit le second d'un ton presque amical en prenant ma valise pour la mettre dans le coffre.
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Académia Klyde.
ParanormalCréation de cochon-volant, de chien-souris et d'autres hybrides quelque peu... loufoques ? Étude de la télépathie et découverte du pouvoir de l'empathie ? Entrez-donc à la Klyde Académie où tous les élèves vous souhaiterons la bienvenue avec plus...