Episode II

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Œdipe — Créon est un sale traître ! Moi qui le croyais si fidèle, qui ai tant fait pour lui... ! Qu'il vienne !

Créon arrive. Rapide, le gars.

Créon — Œdipe, j'entends que tu me demandes, que tu te fâches après moi.

Œdipe — Brigand avide du trône, tu ne le sais que trop bien ! Comment oses-tu porter de telles accusations envers ton roi si génial !

Créon — Dois-je te rappeler que c'est toi qui m'accuses, là ? Et je ne sais même pas pour quoi.

Œdipe — Ne joue pas les innocents ! Tu as manigancé avec ce menteur de Tirésias pour m'accuser du meurtre de Laïos et pouvoir ainsi s'emparer du pouvoir !

Créon — Tu sais que tu viens de dire « pouvoir » deux fois en six mots ? Tu fais un peu une fixette, calme-toi...

Œdipe — Du roi trop génial ou de l'ex-régent beau-frère du roi qui ne demande qu'à lui prendre sa place, ce n'est pas moi qui fais la plus grosse fixette !

Créon — Donc tu reconnais que tu en fais une !

Œdipe — Mais... euh... Non, ça n'a rien à voir ! Tu tentes de détourner la conversation : tu es donc coupable.

Créon — Attends, M. le roi des déductions, que je m'explique au moins : tu sais, moi, le pouvoir, ça ne me tente pas vraiment. Toutes ces responsabilités, toute cette fureur qui retombe sur toi au moindre problème, toute cette pression... non merci. Ce que j'aime, c'est les avantages : la richesse, le luxe, les nanas à foison, la tranquillité, les nanas, le luxe, le bonheur. Et si j'étais roi, tous ces avantages seraient ternis par mon lot de responsabilités. En étant frère de la reine, beau-frère du roi, j'ai ma part aux réjouissances, et ça me convient amplement.

Œdipe — Tu es en train de dire que tu es un profiteur ?

Créon — En gros, ouais.

Œdipe — Et tu penses que je vais me laisser avoir par cette histoire ! Tu es haineux, décidé à me perdre : voilà la dernière des infamies ! Aussi, je demande ta mort ! Pas ton exil, ta mort ! Je veux te voir mourir, toi le traître.

Le Coryphée — Euh, Œdipe... Tu sais que je suis de la TeamŒdipe mais tu vas un peu loin, là...

Créon — Oui, ce personnage qui n'a rien à faire là et qui écoute aux portes à tout à fait raison : du calme. Je n'ai rien fait, et je ne tolèrerai plus longtemps ces accusations infondées...

Œdipe — Parce qu'en plus, maintenant, tu me traites d'irrationnel !

Œdipe et Créon s'approchent l'un de l'autre. Un bagarre violente et virile s'ensuit : moulinets de bras contre moulinets de bras. Elle est belle, la Grèce, elle est belle.

Jocaste — Oh ! Qu'est-ce qu'il se passe ici ?

Œdipe — Oh, ma Jojo d'amour... On... Rien, on répétait une pièce de théâtre...

Jocaste — Oh, et comment s'appelle-t-elle ?

Œdipe — Hmm... Œdipe Roi.

Jocaste – Encore tes histoires de pouvoir ! Tu ne veux pas être un mari avant d'être un roi, pour une fois ?...

Le Coryphée — Euh... Ma reine, voici la véritable histoire : un reproche injustifié dont on s'est bien piqué par la suite.

Jocaste — Ah, les deux sont donc en tort ?

Le Coryphée — Ouaip.

Créon — Enfin Œdipe voulait quand même me buter... Je ne trouve pas que ma réaction ait été excessive...

Jocaste — Allons, allons, mon frère adoré, calme-toi : tu connais Œdipe, il est toujours un peu sanguin. C'est ce qui fait son charme.

Œdipe — J'ai peut-être un peu exagéré : le bannissement, ça sera suffisant. Oh, ma Jocaste, tu arrives toujours à me calmer.

Créon lève les yeux au ciel, regarde ses pieds et s'en va.

Jocaste — De quoi l'accusais-tu, au juste ?

Œdipe — D'un mesquin complot à mon égard. On prétendait que j'avais tué Laïos.

Jocaste — Oh, ce n'est que ça ! Un serviteur de Laïos, qui a survécu au massacre du roi et de ses suivants, nous a raconté l'affaire. Des brigands ont surgi sur la route, à un carrefour en Y où se joignaient les routes de Delphes et de Thèbes. Ils ont tué le cortège.

Œdipe — Oh putain la boulette !... À moi de te raconter une histoire. Quand j'étais enfant à Corinthe, je jouais tranquillement avec de jeunes gens de mon âge quand l'un d'eux m'a traité d'enfant supposé. J'avais les boules, je suis allé voir l'oracle d'Apollon pour qu'il m'en dise plus sur cette histoire de bâtard. Il a refusé de me répondre...

Jocaste — Comme c'est surprenant...

Œdipe — Laisse-moi raconter, euh ! Pas de réponse, donc, mais une prédiction horrible : j'allais tuer mon père et coucher avec ma mère. Alors je pars de Corinthe, et à un croisement en Y, je tue un cortège à la suite d'une dispute avec l'homme à la couronne qui le commandait... C'était au même endroit que là où Laïos a été tué.

Jocaste — Que de coïncidences ! Ce carrefour, cette prédiction qui me rappelle une prédiction qu'on m'avait faite... c'est marrant ! Mais tu n'es pas le meurtrier de Laïos.

Œdipe — Oui, tu as raison ! Le serviteur survivant, dont tu me parlais... il a mentionné des brigands ! S'il réitère son pluriel, je suis sauvé ! Qu'on aille le chercher.

Chœur — L'orgueil, les enfants, ce n'est pas bien, pas bien du tout. C'est un vilain vice qui entraîne les pires maux.

Créon — Excuse-moi, je n'ai pas compris : tu es qui, et pourquoi tu parles de l'orgueil ?

Chœur — Je tire une morale de ce que je vois.

Créon s'en va, encore.

Œdipe RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant