Chapitre 4

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Dès l'instant où Eyma avait décidé de se venger, elle ne pensa plus qu'au moyen d'y parvenir. Sa blessure l'obligeait à garder encore le lit, mais elle réfléchissait, elle retournait les éléments qu'elle avait en sa possession, elle repassait cinquante fois les faits dans sa tête ; elle cherchait un moyen de piéger la sorcière rouge. Toutefois, elle butait toujours sur le même détail : la sorcière rouge était une sorcière. Eyma était incapable de se téléporter du château à la colline voisine comme elle avait sûrement dû le faire ce soir-là. Son père et ses frères n'auraient eu aucun mal à tuer une femme, mais face à la magie, ils étaient impuissants. Sans magie, elle était aussi impuissante qu'eux.

Elle questionna le devin. Qu'est-ce que c'était, la magie ? Pourquoi réapparaissait-elle tout à coup alors qu'on en avait pas vu depuis des années ? Pourquoi est-ce qu'on entendait parler que de la sorcière rouge ? Pourquoi n'y avait-il pas d'autres magiciens, comme dans les temps anciens ? Est-ce qu'il y avait un moyen pour qu'elle aussi puisse pratiquer la magie ?

Toutes ces questions faisaient plaisir au devin. Il croyait que cet intérêt soudain pour autre chose que la mort montrait bien que sa patiente était en voie de guérison. Mais sa dernière question lui fit comprendre les vraies motivations de la jeune fille.

- Hors de question que je vous aide à vous venger.

- Pourquoi ?

Le visage du devin prit une expression extraordinaire. Colère et regrets s'y mêlaient, c'était terrifiant. L'air se refroidit, et une ombre passa.

- La vengeance ne peut plus faire couler de sang. Trop de sacrifices ont déjà été commis au nom de la justice.

- Alors vous allez laisser d'autres personnes mourir ? Vous allez juste attendre que le problème se règle tout seul ?

Le devin fit une pause. Le silence était pesant.

- Je ne vous aiderai pas. Point final.

Eyma se releva d'un coup. Si le devin ne voulait pas l'aider, alors elle n'avait plus de temps à perdre dans cette cabane. Elle se mit debout. Elle fit face au jeune homme, assis, un onguent dans les mains. Elle le regarda droit dans les yeux.

- Vous voulez laisser des gens mourir parce qu'une fille est en colère ? Libre à vous. Je ne prendrai pas cette responsabilité. C'est mon devoir de mettre un terme à cette folie.

Et elle sortit.

Le devin était seul dans la pièce vide. Il ne bougeait pas. Elle avait raison et elle avait tort. Il ne pouvait pas rester là sans rien faire, mais la dernière fois... La dernière fois qu'il avait pris ce genre de décisions... Il jeta violemment l'onguent par terre. Il ne pouvait pas contenir sa colère ; il frappa le lit, renversa la table et brisa le carreau qui lui servait de miroir. Il n'arrivait pas à exprimer sa colère et sa tristesse en même temps. Son cœur était rempli de sentiments contradictoires. Il devait choisir lequel des jumeaux il devait tuer. C'était abominable. Ce qu'elle lui demandait.... Il ne pouvait pas la laisser affronter la sorcière rouge seule. Il ne pouvait pas non plus la laisser acquérir des pouvoirs dont il ne savait pas ce dont elle comptait faire. Les poings serrés, posté au milieu de sa cabane qu'il avait lui-même dévastée, le devin prit une décision.

Il sortit à son tour et alla trouver Eyma. Comme il s'y attendait, elle n'était pas allée bien loin, soit qu'elle savait qu'il changerait d'avis, soit que sa blessure n'était pas encore assez cicatrisée pour la laisser se promener librement. Dans tous les cas, il s'approcha d'elle, pour lui dire, dans le silence de l'après-midi :

- C'est bon, je vous aiderai. Je sais comment vous donner les moyens de faire face à la sorcière rouge.

Eyma, assise dans l'herbe, leva les yeux sur lui, et sourit.

Au Mépris des dieux [Cycle 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant