Éni raconta à Eyma comment il avait connu la sorcière rouge. Il lui avoua qu'il tenait beaucoup à elle et qu'il ne pouvait pas croire ce qui sautait aux yeux de tous les autres. Il n'arrivait pas à se dire que la haine avait consumé son cœur et qu'elle ne marcherait désormais plus que pour détruire. Il l'avait vue pleurer, il l'avait vue rire. Il savait qu'elle était humaine, et c'est pour cette raison qu'il était convaincu qu'elle ne pouvait les trahir ainsi. Il voyait en elle la victime d'un destin trop grand, trop brut, trop dur à porter seule.
- Alors elle n'avait pas les épaules ?
Éni fixa Eyma. La sorcière rouge avait les épaules, bien évidemment ! Elle l'avait prouvé par le passé, elle le prouvait à présent.
- Les dieux l'avaient bénie.... Elle avait un destin...
Un silence suivit cette phrase. Éni ne comprenait pas. Ce qu'il croyait être vrai ne l'était plus et les seuls responsables... c'étaient les dieux et c'était impossible. Il ne pouvait pas croire qu'ils avaient pris la vie de tous ces hommes juste pour faire tomber celle du seul roi. Il n'arrivait pas à s'imaginer leur décret divin prendre fin après l'assassinat originel sans prendre la responsabilité des conséquences de ce meurtre. Il priait tous les jours pour qu'Ara revienne à elle, pour qu'elle stoppe cette folie, pour que jamais les dieux n'envoient d'élue pour y mettre un terme à sa place...
Eyma se demandait si elle devait être franche et honnête envers Éni, comme il l'avait été envers elle. Il avait l'air d'un petit ange innocent, incapable de voir une conscience derrière les meurtres de la sorcière rouge. Eyma elle-même ne comprenait pas le but, la destination d'autant de souffrances. Elle n'arrivait pas à justifier les actions de la sorcière rouge, mais elle se souvenait de son visage très nettement. Et ce n'était pas le visage d'une femme qui ne savait pas ce qu'elle faisait. Ce n'étaient pas les traits d'une victime. Eyma ne pensait pas qu'il soit possible d'arrêter autrement la sorcière rouge qu'en coupant le fil de son destin. Mais Éni semblait bien la connaître, peut-être était-il capable de la trouver. C'était sa meilleure piste. Elle ne pouvait pas continuer à la chercher au hasard dans les nuages. Mais en même temps, elle ne voulait pas briser le cœur de cette jolie fleur bleue.
- Moi aussi je suis convaincue qu'on peut l'arrêter sans la tuer. Ma famille a été massacrée dans une guerre... notre maison était sur le chemin de l'armée... je sais qu'il n'y a pas ni bons ni méchants, il n'y a que des raisons. Je ne peux pas blâmer les ennemis qui ont tué mes parents, ils devaient défendre leur propre maison en faisant ça... La sorcière rouge aussi doit avoir ses raisons. Laisse-moi t'aider. Je ne connais pas vraiment le fond de cette histoire, j'en sais juste ce que les gens racontent dans les villages et puis ce que tu viens de me dire, mais nous devons trouver une solution. Je ne pense pas que tuer pour empêcher des meurtres soit une bonne idée, alors il faut vite l'arrêter avant que quelqu'un d'autre soit plus rapide que nous. À deux on peut y arriver.
Éni était touché par cet élan de gentillesse. C'était la première fois qu'il parlait de ses projets sans se faire jeter des pierres. Il se méfiait un peu de cette inconnue qui, sortie de nul part, voulait l'aider à arrêter la plus grande assassin que leur terre ait jamais porté, mais ses yeux avaient l'air sincères et il ne pouvait pas croire qu'un brin de fille de ce genre puisse être bien dangereux. Elle avait le teint lisse et pâle, les bras fins des femmes qui ne se battent pas... De toute façon, quelle intérêt aurait-elle à le tuer, lui ? Et quelles chances avait-elle de tuer Ara ? Éni n'était pas tout à fait certain de prendre la bonne décision, mais il se disait qu'il pourrait facilement la perdre si besoin était.
- Marché conclu. Mettons un terme à cette folie.
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Au Mépris des dieux [Cycle 2]
FantasyDans les villages, on se terre de peur à l'évocation du nom de la sorcière rouge... Son passage ne laisse jamais derrière elle que la trace des cendres qui dévorent jusqu'aux châteaux des plus puissants. Eyma n'avait rien demandé. Elle n'avait provo...