Chapitre 3

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- Elle ouvre les yeux ! Elle n'est pas morte ! C'est un miracle !

Eyma, effectivement, ouvrait les yeux. Elle vit un jeune homme, cheveux blonds, ébouriffés, vêtements sales, penché sur elle.

- Où suis-je ? Qui êtes-vous ?

Elle était perdue. Elle n'était plus sur la colline. Elle ne connaissait pas l'endroit où elle se trouvait, pas plus que l'homme qui lui parlait. Elle avait mal à la poitrine. Elle essaya de se lever, elle commença à parler, mais le garçon l'interrompit tout de suite. Elle était vivante, mais elle était blessée. Il ne fallait pas bouger. Pour l'occuper, il commença à répondre à ses questions.

Il habitait le village d'à côté, et venait pour vendre des œufs sur le marché. Il aimait beaucoup venir voir le paysage depuis cette colline, en passant, alors il avait pris cette route, comme toutes les autres fois où il venait vendre des œufs sur le marché. C'est là qu'il avait trouvé Eyma, étendue sur le sol, un poignard dans la poitrine. Au début, il avait cru qu'elle était morte, mais il avait bientôt constaté qu'elle respirait encore. Il avait voulu bander la plaie, au moins pour stopper l'hémorragie, et c'est à ce moment qu'il a vu que la plaie était bleue. Il avait posé délicatement Eyma sur son âne, et l'avait emmenée chez le devin le plus proche. À cause de cette étrange couleur bleue, il croyait que c'était une blessure magique, et donc, qui dit blessure magique, dit médecin de la magie. Le devin était le mieux placé pour savoir ce que c'était que cette étrange couleur bleue. Quand ils arrivèrent, il n'y avait personne, mais une note collée sur la porte disait d'entrer en cas d'urgence et d'attendre qu'il revienne, ce qu'ils firent. Le jeune homme tenta d'occuper Eyma qui souffrait affreusement de sa blessure. Le point positif était qu'elle ne saignait plus.

- C'est ce qu'on appelle avoir été poignardée en plein cœur.

Un jeune homme, d'une vingtaine d'années, venait d'entrer dans la bicoque. Il se présenta, il était devin. Le jeune homme sortit à la demande du devin.

- Je croyais que les devins marchaient sur leur barbe...

- Je croyais qu'on ne survivait pas quand on avait la poitrine transpercée... Ah, le monde n'est plus ce qu'il était...

- Oui, d'ailleurs, comment ça se fait que je ne sois pas morte ?

- La seule réponse possible est que vous n'avez pas été poignardée au cœur.

Eyma fit une pause. Elle hésitait entre la surprise et la colère.

- Vous vous foutez de moi ? Vous avez vu où est la blessure ?

- Je maintiens ce que j'ai dit. Posez votre main sur votre cœur. Oui, doucement, vous ne vous êtes pas égratignée en tombant d'un escabeau...

- Je ne sens rien.... pas de pouls... Est-ce que je serais... une morte-vivante ?

Le devin rit un bon coup, elle avait encore le sens de l'humour, même avec une blessure pareille ! Non, elle n'était pas une morte-vivante. Il prit sa main et la posa sur le milieu de sa poitrine, à quelques centimètres de son bandage, sur la droite. Elle sentit quelque chose battre sous sa paume.

- C'est pas possible...

- C'est ce qui vous a sauvé la vie, pourtant. La sorcière rouge n'a plus aucune compassion. La profondeur de votre plaie est proportionnelle à celle de sa haine. C'est ce cœur mal placé qui vous a sauvé la vie.

- Alors, tous les autres... ?

- Je suis désolé.

De grosses larmes roulèrent dans les yeux d'Eyma. Elle le savait déjà, elle avait vu les ombres, elle avait entendu le cri, mais elle n'était pas sûre. Elle se disait que peut-être... mais maintenant, c'était certain. La sorcière rouge était venue et avait tué tout le monde, toute sa famille, tous ses amis, comme ça, sans raison. Et c'était sans raison qu'elle avait survécu. Finalement, si c'était pour se retrouver tout seule, elle aurait mieux aimé mourir.

Le devin et le jeune homme qui l'avait trouvée s'occupèrent d'elle les jours suivants, mais Eyma n'avait plus goût à rien. Elle ne voulait pas manger, elle passait ses journées à pleurer et maudissait ce cœur qui la faisait vivre seule. Le devin, toutefois, était opiniâtre et refusait qu'elle se laissât mourir.

Il finit par lui faire un sermon : les dieux lui avaient donné un cadeau qu'elle ne pouvait refuser. Elle avait une deuxième chance, elle pouvait repartir de zéro et choisir son destin. C'était une nouvelle vie, qu'on lui offrait. Elle pouvait choisir de tenter de nouveau sa chance, en demandant asile à un parent et retourner vivre parmi la plus haute aristocratie du pays. Elle pouvait aussi préférer une vie simple à la campagne, loin des turpitudes de la ville et surtout, de la menace sanglante de la sorcière rouge qui, si elle apprenait qu'Eyma était encore vivante, n'hésiterait pas à la poursuivre sans relâche pour terminer ce qu'elle avait commencé.

Eyma se sentit provoquée, insultée par ce discours. Il lui demandait de fouler du pied les morts, d'ignorer les devoirs et les coutumes, et de les faire périr ceux qui étaient déjà morts en les faisant tomber dans l'abîme de l'oubli. Non, si Eyma marchait sur la Terre, si elle n'était pas tombée face à la sorcière rouge, c'était pour une bonne raison. Si elle était encore vivante, c'est que les dieux attendaient quelque chose d'elle.

Ses yeux se voilèrent de colère et elle jura de se venger.

Au Mépris des dieux [Cycle 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant