Halloween night

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—Asseyez-vous, Severus ! Maintenant que vous êtes là, autant le prendre, ce café. J'en ai pour une minute.
Termina-t-elle en entrant dans la petite cuisine attenante au salon.

Lorsqu'elle revint, il était assis dans son fauteuil habituel, l'air sombre, la mâchoire contractée et le dos raide, son regard vide fixé sur les flammes qui dansaient dans la cheminée. Seigneur qu'elle haïssait ce regard sans vie, lorsqu'il se barricadait à l'intérieur de son propre esprit ! Il était si profondément perdu dans ses pensées, qu'il ne parût pas se rendre compte de sa présence. Elle déposa le plateau qu'elle tenait dans les mains sur la table basse, mais au lieu de s'assoir, elle contourna la table pour venir se planter en face de lui. La colère se lisait sur son visage.

—Arrêtez-ça tout de suite !

Sans réfléchir, elle avait posé les mains sur ses épaules pour le secouer rudement. Sa passivité l'effraya plus que s'il l'avait giflée en retour.

« Pour l'amour du ciel, Severus ! Vous ne pouvez donc pas admettre, pour une fois dans votre vie, que vous êtes un être humain, avec des émotions humaines ? Je sais ce que cette date représente pour vous. Je sais aussi que Dumbledore vous a forcé, chaque année, à assister au spectacle des réjouissances organisées à cette occasion. Pourquoi vous êtes-vous encore senti obligé de vous infliger ça ce soir, dépasse mon entendement ! Etes-vous masochiste ? Vous êtes le directeur, vous n'avez plus à vous plier aux exigences de ce vieux fou. Les Elfes vous auraient aussi bien servi, ou pas, si j'en juge d'après ce que vous avez avalé au repas, dans vos appartements. Certes la solitude n'est peut-être pas une bien meilleure option, mais regarder tout le monde se réjouir et s'amuser alors qu'on a le cœur en berne, c'est une torture que vous n'avez plus à vous infliger ! »

Les yeux de l'homme, qui s'étaient pendant un instant détournés de la cheminée, pour la regarder d'un air éteint, s'étaient de nouveau noyés dans les flammes. Il semblait être parti très loin, enferré dans ses souvenirs. Lorsqu'il parla enfin, ce fut d'une voix atone et morne. Tant de résignation dans son ton, creusa un vide glacé dans la poitrine de la jeune femme.

—Lorsque la Marque a commencé à brûler, ce soir-là, j'étais en plein milieu d'un cours. Mon double statut d'espion et de professeur me donnait le privilège de ne pas répondre immédiatement, afin de préserver ma couverture, lorsque cela se produisait dans ces circonstances. J'étais aussi, pour les mêmes raisons, exempté de missions 'sur le terrain' afin de ne risquer ni d'être pris ni d'être reconnu... ce qui n'empêchait pas le Seigneur des Ténèbres de me punir invariablement pour ça, à la convocation suivante d'ailleurs. Lorsque je suis arrivé au manoir Jedusor, un peu plus tard, tous les autres étaient déjà repartis. Ils avaient été affectés à différentes missions, pour faire diversion pendant que Voldemort se chargeait de Godric's Hollow. Il n'avait emmené que Nagini avec lui. Au manoir, il ne restait que les Lestrange et Croupton Jr, qui étaient sur le point de partir. Je n'ai appris que plus tard qu'ils avaient été chargés d'éliminer le fils des Londubat. Même si le Seigneur des Ténèbres pensait que Potter était l'enfant de la prophétie, il ne voulait rien laisser au hasard. Tout le monde savait que Voldemort affectionnait particulièrement cette date, et que s'il devait accomplir une action d'éclat, il y avait de grandes chances pour que ce soit à cette nuit-là... Neville n'a dû la vie qu'à l'insistance d'Augusta pour que l'enfant lui soit confié, ce soir-là.

Son visage se contracta douloureusement, il luttait visiblement pour ne pas se laisser envahir par ses émotions.

« Le sort des Potter a finalement été plus clément que celui d'Alice et Franck !

Constata-t-il d'un ton amer.

« Bellatrix avait assisté, comme tous les autres, à mon humiliation lorsque j'avais supplié à genoux le Seigneur des Ténèbres, devant tous les Mangemorts, pour qu'il épargne Lily, et elle s'est fait un plaisir de me révéler que le Fidelitas des Potter était tombé et que son maître était allé à Godric's Hollow pour s'occuper d'eux en personne, avant d'éclater de rire. Je savais depuis peu qu'il y avait un traitre au sein de l'Ordre, mais j'ignorais qui il était, et je n'ai même pas eu le réflexe de le lui demander... j'avais essayé d'en avertir Dumbledore, mais il ne m'avait pas cru... la confiance qu'il leur accordait, contrairement à celle dont je bénéficiais à la même époque, n'étaient pas soumise à caution. Il pensait que c'était une fausse information que Voldemort avait laissé trainer afin de tester ma loyauté. Pendant des années, j'ai cru, comme tout le monde, qu'il s'agissait de Black. L'aurais-je de toute façon aidé à échapper à Azkaban si j'avais su la vérité ? Je n'en suis pas sûr... il avait été mon pire tourmenteur, pendant sept ans, encore plus que Potter, et je n'étais pas un saint !

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