La Maison des Affectations

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Solina tourna la tête vers la Place des Débats. Elle se dirigea vers celle-ci, curieuse d'en savoir plus.

La place était circulaire et assez grande pour contenir une petite centaine de personnes. Ses pieds résonnaient étrangement à ses oreilles, sur le sol dallé.

Immédiatement, elle pensa aux gens qui avaient pu être soupçonnés d'être un Loup-Garou. Et tués. Mais le pire c'est que ce système de votes comptait surtout sur l'instinct et les soupçons des individus, en tout cas pour ce qui était des Villageois. Combien d'innocents avaient été injustement accusés? Elle sentait que si elle posait cette question, on n'y répondrait pas.

La Voyante avait un énorme avantage. Connaître l'identité de plusieurs personnes lui semblait fondamental pour survivre dans ce monde. Solina devra faire sans, pour l'instant. Car elle aussi pourrait être un jour la Voyante si elle s'en sortait mieux que Panya. Mais quand? Elle baissa les yeux vers ses feuilles, maintenant légèrement froissées. Elle prit celle des Évolutions et chercha du doigt le nom "Voyante". Là! Il lui faudrait attendre trois Évolutions.
"Trois. C'est pas mal déjà. Je vais devoir être patiente."

Au bout de la place, une sorte d'estrade en bois était construite. C'était sans doute là que se mettait la personne qui présidait les débats, pensa t-elle.
Elle traversa rapidement la place puis tourna à gauche. Des maisons s'alignaient impeccablement, identiques les unes aux autres. Toutes étaient construites en briques blanches luisantes, presque aveuglantes au soleil. Le toit était composé des mêmes tuiles oranges-marrons pour chaque demeure. Aucune originalité ne venait perturber l'identique ressemblance entre une maison et une autre. On aurait dit qu'elles avaient été bâti à la chaîne.

Elle parcourut la rue, le vent fouettant ses cheveux bruns, frissonnant dans ses maigres habits. C'est là qu'elle s'aperçut qu'elle n'était vêtue que d'un pantalon large et d'un haut à manches courtes marrons, avec un simple pull gris plus ou moins chaud. Juste le strict minimum pour ne pas mourir d'hypothermie.
Et Solina avait faim. Mais où aller pour se subsister? Panya lui avait juste cité la Maison des Affectations comme premier lieu de vie. Pourrait elle manger là-bas? Oui, sans doute. Alors elle rebroussa chemin et retrouva aisément sa destination.

Devant la porte en bois de chêne, elle trouva un levier qu'elle actionna.
Un jeune homme aux cheveux noirs en bataille et de haute taille la fit entrer. Aussitôt, une chaleur bienveillante l'enveloppa comme dans un nit douillet. Solina soupira de bonheur.
- Vous désirez? s'informa l'homme qui l'avait accueillie.
- Je voudrais manger, s'il vous plaît, demanda poliment Solina.
- Bien sûr! Vous êtes sans travail?
- Oui. Je suis...nouvelle.
Elle avait hésité à lui dire la vérité. Cela pouvait attirer l'attention sur elle et il fallait qu'elle reste discrète. Trop tard, elle l'avait dit quand même.
Il esquissa un sourire.
- Je vois...
Il lui montra une chaise en bois à une table et Solina s'assit.

L'homme s'affaira dans la cuisine et revint quelques minutes plus tard avec un récipient fumant et une louche.
- De la soupe. Il n'y a rien de mieux pour se réchauffer.
Elle le remercia tandis qu'il lui servait généreusement dans un grand bol.
Le liquide qui coulait dans sa gorge lui semblait divin. Elle était aux anges.
L'homme lui apporta un gros morceau de pain et Solina le remercia chaleureusement. Ensuite, il s'assit et la regarda fixement dévorer son repas à grandes bouchées de pain. Elle était affamée.
- Tu sais où tu vas dormir?
Il avait une voix gutturale.
Solina répondit par un signe affirmatif car elle avait la bouche pleine et attendit de ne plus avoir rien à mâcher pour prendre la parole:
- Je me demandais si je ne pourrais pas passer la nuit ici.
- C'est une bonne idée, en effet. Tu l'as eue toute seule?
- Non. Une amie m'a conseillée.
Il leva un sourcil.
- Une amie?
- Heu...oui. Elle était sympa, dit-elle timidement.
- Méfie-toi des amis. Moi je n'en ai pas. Cela t'évitera d'être une proie facile pour les Loups-Garous.
Tout le monde lui disait ça! Sauf Panya qui en avait marre d'être sans cesse dans la méfiance vis à vis des gens. Mais il en résultait qu'elle était une Villageoise depuis longtemps. Alors...
Elle se contenta d'acquiescer piteusement ne faisant pas étalages de ses pensées.
- Tu n'as pas encore de métier?
- Non.
Alors il se leva, alla dans une pièce à gauche qu'elle n'avait pas remarqué et revint avec une feuille dans les mains.
- Voilà pour toi. Ne la perd pas. Tu as une semaine pour décider où tu veux être affectée.
Elle jetta un rapide coup d'oeil.
- Est-ce que je peux changer de métier si je pense que je me suis trompée?
- Oui, mais pas plus d'une fois par mois. Ton patron te donnera nourritures, vêtements et abris.
La Villageoise acquiesça.

L'homme lui proposa un autre bol de soupe et elle accepta. Puis une fois rassasiée, l'homme lui donna une chambre. Il monta des escaliers grinçants, Solina sur ses talons, et arrivèrent dans un couloir étroit. L'homme aux cheveux noirs mit une clef dans la serrure de la chambre au bout et s'effaça pour la laisser entrer.
La pièce était meublée modestement mais cela ferait l'affaire. Lit, chaise, table, commode et armoire. Le tout dans des tons neutres et discrets.
Solina s'assit sur le lit et s'aperçut que l'homme était redescendu. Elle observa de plus près la feuille des métiers. Il y en avait beaucoup et Solina ne savait où mettre la tête. Elle se concentra sur celui de botaniste.
- " Botaniste: utilisez l'art des plantes. Vous découvrirez des plantes en tout genre et apprendrez à les reconnaître, leurs caractéristiques, à les reproduire, à les multiplier et même à en inventer de nouvelles.
Vous devrez être rigoureux, patient et curieux. "
Ces quelques lignes lui donnait très envie d'exercer cette fonction. Elle poursuivit:
- "Pour exercer ce métier, allez à la Maison des Affectations et donnez votre choix. On vous indiquera où vous pourrez passer votre première journée de travail et vous rencontrerez votre patron. Nous vous rappelons que vous ne pouvez pas changer de métier plus d'une fois par mois et que vous ne pouvez en exercer qu'un seul."
Un seul métier? Ça on ne lui avait pas dit mais pour elle un seul suffisait.
Elle regarda par la seule fenêtre de sa chambre. Le soleil continuait à darder ses rayons et elle avait chaud et...sommeil. Ses paupières la piquait. Alors elle posa la feuille par terre avec les deux autres du Tribunal et décida de piquer un somme.

Le Village (En pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant