Le lac

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Deux semaines s'étaient écoulées. Le temps était passé tranquillement et au fur et à mesure, Solina se plaisa dans son nouvel environnement. Sa patronne, Mme Tornia s'adoucissait de jour en jour, finissant par s'apercevoir que son élève était assez douée. Et ce qu'elle aimait chez elle par dessus tout était sa détermination et son application dans son travail. Elle ne regrettait pas le jour où la jeune fille s'était présentée à sa porte pour expérimenter une nouvelle vie.

Un jour elle l'appella dans son bureau avec Panya.
- Je suis fière de vous avoir avec moi, commença-t-elle avec un sourire, ce qui était rare chez elle.
- Merci.
Elle s'assit lentement, vertèbres après vertèbres, les faisant mariner un peu pour leur annoncer son intention.
- Vous n'auriez pas une idée pour expliquer pourquoi je vous convoque aujourd'hui? Même une toute petite?
Elles échangèrent un regard un peu craintif avant de faire non de la tête.
- Aucune.
Le sourire de leur directrice s'élargit et elle déclara d'une traite :
- Vous avez droit à un jour de congé aujourd'hui.
- Oh, merci madame! s'exclama Panya.
- Oui, merci! renchérit son amie.
- Je vous en prie. Vous le méritez amplement.
Solina et Panya se regardèrent une nouvelle fois avec le sourire aux lèvres. Puis Mme Tornia les congédia en les accompagnant jusqu'à la porte.
- Au revoir, la salua Solina.
- Oui, et encore merci, compléta sa compatriote.

Une fois dans le couloir, les deux jeunes filles sautèrent de joie, tournicotèrent, elles s'en donnaient à coeur joie !
- Génial ! On va pouvoir passer la journée ensemble, exulta la demoiselle rousse.
- Oui, j'ai trop hâte ! On sort d'ici ou pas?
- J'ai une idée. Je connais un endroit que j'apprécie beaucoup.
- Très bien. Je te suis.
Panya prit soudain l'air songeur avant d'exposer rapidement son idée :
- Attends. J'ai une meilleure idée.
- Je t'écoute.
- Que dirais-tu de pique-niquer là où nous irons?
- Oh oui! Pourquoi pas?
Aussitôt, Panya l'entraîna dans un dédale de couloirs pour finalement déboucher sur la salle à manger.
L'endroit ressemblait à une mini-cantine, meublé principalement de chaises en osier tressé et de tables en bois dur.
Les deux jeunes filles se dirigèrent de concert vers le fond de la pièce, là où se situaient la cuisine et toutes ses denrées.
Les adolescentes se precipitèrent vers ses dernières et confectionnèrent aisément des sandwichs. Elles eurent aussi la présence d'esprit d'emporter de l'eau, des serviettes, des couverts et des gobelets qu'elles logèrent dans un panier en osier appartenant à Panya.
Une fois leurs préparatifs terminés, elles refirent le chemin inverse.

- Hé, Panya! interpella soudainement quelqu'un.
Elles s'arretèrent nets dans leur périple afin de savoir qui pouvait bien les retenir ainsi. Un jeune homme aux cheveux bruns clairs, de grande taille et habillé tout aussi simplement qu'elles, essayait de retenir l'attention de la rousse. Celle-ci esquissa un sourire. Apparemment, c'était l'un de ses amis que Solina n'avait pas eu l'occasion de voir pendant ces deux semaines.
- Solina, je te présente Sauro. Il est marin et botaniste en même temps. Si tu ne l'as jamais rencontré jusqu'à présent c'est parce qu'il était sur son bateau.
- Exact, confirma le jeune homme. Je devais pêcher du poisson pour ma patronne afin de le vendre sur le marché mais aussi pour nous nourrir. J'y est mis tout mon coeur pour qu'elle soit satisfaite.
- Qu'est-ce que tu as attrapé? questionna son amie.
- Douze grosses carpes et des petits poissons-lunes.
- Belle pêche!
- Oui, je dois dire que je suis assez fier de moi. Mme Tornia vient de me charger de ramasser des herbes médicinales à l'orée de la forêt. Je vais y aller tant qu'il fait jour, sait-on jamais...
Il ne termina pas sa phrase mais le sous-entendu était clair : la nuit, les Loups-Garous restaient maîtres du Village et risqueraient de le dévorer.

- On ne peut pas trouver les ingrédients qu'il te faut ailleurs? s'inquiéta Solina.
- Non, malheureusement. Les meilleures herbes médicinales se trouvent là-bas, sur un territoire dangereux et hostile. Je connais les risques que j'entreprend mais je n'ai pas le choix.
- T'es-tu déjà fait attaqué?
Il la fixa des yeux puis finit par avouer :
- Deux fois. La première s'est passée quand j'étais nouveau au Village. La deuxième a eu lieu dans la forêt. Je n'aurai pas dû m'aventurer si loin...A chaque fois, les Loups-Garous m'ont pourchassé la nuit.
- Tu as eu de la chance.
Quelques oiseaux remplirent le silence qui s'était soudainement installé. Panya se chargea de le briser.
- Mme Tornia nous a très gentiment offert une journée de congé parce que nos efforts ont été efficaces.
- Très bien. Comment allez-vous vous occuper? demanda Sauro.
- Je vais lui montrer mon endroit secret. Tu sais...
- Ah oui. Je vois.
Solina songea qu'ils devaient être très proches puisque Sauro connaissait déjà cet endroit. Une deuxième pensée lui vint : si Panya l'emmenait là-bas, c'est qu'elle lui avait accordé sa confiance. Elle se sentit touchée par ce geste.
- Nous allons pique-niquer une fois bien installée, renchérit la rousse.
Elle appuya son propos en désignant le panier qu'elle tenait dans sa main.
- Amusez-vous bien! conclua Sauro.
- Oui, merci. A tout à l'heure.
Les deux jeunes filles tournèrent les talons et sortirent par la porte d'entrée.

Elles furent accueillie par un vent doux et odorant. Il suffisait de baisser les yeux pour constater que des immenses parterres de fleurs jonchaient le sol, délivrant un parfum enivrant.
Elles se mirent gaiement en route tout en parlant, côte à côte.
Un ciel bleu s'ouvrait devant elle annonçant une très bonne journée. Les oiseaux ne se lassaient pas d'entonner des concertos de trilles, mais sans jamais leur faire mal aux oreilles car leur chant était trop doux pour produire cet effet.
Elles avaient vraiment eu de la chance que leur journée de congé tombe aujourd'hui et toutes les deux comptaient bien en profiter à fond.

Le sol rocailleux gênait parfois leur progression tandis que le vent semblait les pousser de l'avant. Le soleil, éternel ennemi pour les pauvres yeux des deux jeunes filles, frappait dur, les rendant presque aveugle et transpirante. Bien vite, Solina s'aperçut qu'elles marchaient dans des petits chemins, dépourvus d'habitations et de monde. Bientôt, la végétation d'un vert vif prenait le dessus. Elles traversèrent même un champ à l'herbe haute qui les cacha de l'astre ardent.

Soudainement, un bruit leur parvint aux oreilles. Solina ralentit, aux aguets, mais son amie ne sembla guère sans soucier le moins du monde.
- Tu entends? demanda celle qui se révélait inquiète.
- Oui, nous arrivons.
- Comment ça? Nous allons nous diriger vers ce bruit?
- Oui.
Elle n'en dit pas plus ce qui intrigua l'adolescente.
L'onde sonore se précisa et Solina reconnut comme...des clapotements et des glougloutements. Cela accentua sa curiosité. Elle venait de trouver une hypothèse à la provenance de ce son.
- De l'eau?
Pour toute réponse, Panya écarta une branche sur son passage avant de se retourner vers elle avec un sourire énigmatique.

Le bruit s'amplifia, l'impatience de Solina aussi. Elles se trouvaient dans une petite clairière où le soleil jouait avec le feuillage des arbres aux troncs fins mais solides.
Elles progressèrent ensuite sur un passage glissant et boueux puis enjambèrent un tronc d'arbre couché au sol. Enfin leur périple toucha à sa fin.
Devant elles, un ruisseau coulait avec volupté le long d'un chemin sinueux. Elles suivirent son cours et arrivèrent à un lac paisible et d'un bleu à rivaliser avec le ciel.
- Je te présente mon jardin secret! s'exclama joyeusement Panya.


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Et voilà un nouveau chapitre après une longue absence dont je m'excuse. J'espère qu'il vous plaira.
A+

Le Village (En pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant