Chapitre 1: Saint-Julien ou le lycée qui m'aime.

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(En média le titre qui a accompagné l'écriture de ce chapitre)
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Nouveau lycée, nouvelle vie, nouvelles emmerdes. C'était en substance ce que je me disais quelques trente secondes après avoir franchi la porte du lycée.

Si la plupart des élèves souhaitaient voir leurs parents le plus loin possible de l'établissement, ça n'était pas mon cas. A vrai dire, j'étais actuellement si terrifié que j'aurais volontiers laissé mon père me suivre jusque dans la salle.

Malgré de très nombreuses séances de psy depuis de longs mois, je n'arrivais pas à vouloir réellement me réadapter à la vie en collectivité. Les élèves, les couloirs, et jusqu'à l'ambiance me semblaient menaçants. Si seulement j'avais pu partir en courant...

J'avais eu beau insister pour ne reprendre les cours qu'en septembre, mes parents étaient persuadés que le retour en janvier était la meilleure des idées possibles, ne serait-ce que pour me ré-acclimater aux études, et ne pas laisser de place au traumatisme.

Si tout avait été aussi simple...

Lorsque la cloche retentit, je n'eus d'autre solution que de chercher, la mort dans l'âme, la salle 306B indiquée sur mon emploi du temps. Même si le simple fait d'être dans le bâtiment me rendait mal à l'aise.

Quand celui-ci se remplit, je ne tins plus et ressorti, tremblant de tous mes membres. C'était trop difficile pour moi, bien trop difficile. Lorsque les élèves se furent évanouis dans les salles, je décidai de me mettre en quête de la mienne. Ou de renoncer à fréquenter le lycée.

Ce dernier point fut rayé de ma liste par le surveillant qui tel un rapace, fondit sur moi :

- Eh vous! Vous êtes déjà en retard ?

- Je suis désolé. Je cherche la 306B ajoutai-je confus.

Il plissa les yeux se demandant de toute évidence si je ne me moquais pas de lui. Mon visage sembla brusquement lui dire quelque chose, et il m'indiqua plus doucement la direction à prendre.

Apparemment, il avait eu vent de mon histoire. J'espérais de tout cœur que ce n'était pas le cas de tout le monde, sinon l'intégration de Liam Guignard pouvait se rhabiller. Qui aurait pu vouloir de moi, et pas seulement de mon passé ?

Je toquai donc à la porte de la 306B.

- B-bonjour, je suis bien en terminale L2 ?

Mon intervention eut l'air de les faire beaucoup rire et je regrettai déjà de ne pas être parti en courant lorsque j'en avais encore l'occasion.

- Oui, c'est exact. Vous êtes nouveau? Vous êtes en retard, poursuivit le professeur sans me laisser le temps de répondre.

- Excusez-moi.

- Votre nom ?

- Guignard, Liam.

- Un volontaire pour présenter le lycée à Monsieur Guignard ?

Le professeur eut l'air d'attendre une mer de doigts, il n'y en eut aucun. J'avais apparemment déjà la cote a St Julien.

- Jeunes gens, je tiens réellement à ne pas désigner et vous laisser vous dévouer. Ça n'est pas si terrible, voyons.

Il y eut un désert et un silence interminable, chacun sachant que le premier à faire du bruit serait désigné. Enfin, de façon tout à fait inattendue, une main se dressa.

- Ah Aponivi parfait, pour une fois que vous souhaitez participer !

Ledit Aponivi adressa un regard noir au professeur, et décala ses affaires pour me permettre de m'asseoir.

- Merci, soufflai-je.

- Pas de quoi, me répondit-il dans une quasi indifférence.

La classe était de toute évidence déjà formée : pas de place pour moi parmi eux. Cela dit Aponivi semblait en être également tout à fait détaché. Il était de toute évidence improbable de nouer un quelconque lien avec lui, mais il paraissait possible d'être dans ce lycée sans fréquenter personne.

Je détaillais mon camarade: solide, peau mate, mouvements assurés. Ses cheveux, longs, noirs et brillants étaient retenus en arrière en une queue de cheval. Il avait tout d'un indien, scrutant l'horizon de ses yeux sombres.
Il aurait été stupide de dire qu'il n'était pas beau. A vrai dire, plusieurs filles de la classe lui jetaient régulièrement des regards à la dérobée. Lui n'en voyait aucune. Il griffonnait à côté de ses notes des signes que je ne comprenais pas.

Soudain une alarme retentit. Les élèves se ramassèrent en riant et je m'encourageais mentalement. "Allez Liam, c'est pas grand chose. Un mauvais moment à passer."
Je déchantais bien vite en voyant la marée humaine. Il y avait trop de monde, beaucoup trop. Je cherchais des yeux un regard amical, mais ne croisai que celui, fatigué, du professeur.

- Allez Guignard, on sort tous.

Sa main se posa sur mon épaule pour m'inciter à avancer, et j'eus un électrochoc.

C'était comme ce jour là. La foule, la main surgie de derrière moi, le... Sans que je ne le veuille, mes jambes cédèrent, et je rampai en tremblant sous une table.

- Non, non je vous en supplie. Non, s'il vous plait.

Il me regarda, intrigué, mais il était impossible pour moi de réfléchir sereinement. La partie encore consciente de mon cerveau me hurlait de me calmer, que c'était un exercice et que tout allait bien, mais elle était beaucoup trop lointaine pour que je lui accorde une quelconque  importance.
Seul restait mon instinct de conservation, cette partie bien trop développée en moi, et qui refusait actuellement de se taire.

Les élèves du lycée me dévisageaient en passant, mais la folle terreur qui m'habitait m'empêchait de leur accorder un centième attention. Après plusieurs longues minutes de tremblements interminables, la silhouette connue de la CPE se dirigea vers moi.

- Liam, l'exercice stipule que vous devez vous lever, sortir et retrouver votre division me dit-elle doucement. Allez, dégagez, aboya-t-elle en se tournant vers les curieux.

Je la suivis doucement derrière les derniers élèves, sursautant à chaque cri, reprenant cependant peu à peu le contrôle de moi-même.

Super première journée. Géniale.

Je me rapprochais de ma classe, espérant passer inaperçu. Malheureusement, ce ne fut pas le cas puisqu'un grand blond m'interpella:

- Alors Liaminou, qu'est ce qui s'est passé? Tu as eu peur de l'incendie pauvre petit chat? Tu veux qu'on appelle ta manman?

Ses acolytes et lui s'esclaffèrent en chœur, et je pressentais que ces moqueries n'étaient que le début d'une longue série.
Mais je ne devais rien laisser paraître. Et j'étais devenu imbattable à ce jeu là.

Le secret de LiamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant