Lullaby - Une histoire du Petit Chaperon rouge

Chapitre 2

L'école est l'un des rares endroits où je me sens plutôt bien. Contrairement au domaine de la famille, je n'y suis pas seule. Il y a mes amies, des personnes ayant besoin de moi ou encore des personnes susceptibles de m'aider si le besoin s'en fait ressentir. Plus que tout, il y a toujours du monde, quel que soit l'endroit où je me rends.

— C'est pas vrai ! Richard va venir dans cette ville !

Toutes les filles de la classe sont attroupées au bureau de derrière et leurs hurlements me vrillent les tympans. Je préfère un peu plus de calme. Je ne vais toutefois pas m'en plaindre. Cela prouve que cet endroit est animé. Vivant.

— Sérieusement ?

— Sérieux ! D'après l'article, il va loger à l'hôtel Wolf. Dis, Luce. C'est ton père qui gère cette chaîne d'hôtels, non ?

Je réponds d'un ton las en me tournant vers mes amies.

— Oui, pourquoi ?

Chaque fois que j'entends mon nom de famille, je meurs de honte intérieurement. Pas par ce que ce nom est peu courant par ici. C'est surtout parce que c'est risible de s'appeler Wolf et d'avoir peur du « Grand méchant loup ». Surtout à mon âge.

— Ce serait possible de nous faire entrer dans l'hôtel afin de le rencontrer ? On est amies, pas vrai ?

Je les regarde chacune à leur tour mais cela revient à regarder les clones d'une seule et même personne. Leurs yeux brillants d'excitation, leur visage plein d'espoir, des mots de remerciement ou de haine éternelle suspendus à leurs lèvres entrouvertes... Toutes identiques.

— Ce n'est pas comme si cela me dérangeait mais il faudra que je voie avec mon père. C'est lui qui décide, pas moi. Et puis d'ailleurs, c'est qui ce mec pour que vous me demandiez de vous amener à l'hôtel ?

Un lourd silence fait suite à ma question. Tous, même les personnes qui ne participaient pas à la conversation, me dévisagent. Je n'arrive pas bien à comprendre. Qu'ai-je donc pu dire de si énorme ?

C'est Sully, une fille arrivée d'Australie un an plus tôt et avec qui je me suis immédiatement entendue, qui s'exprime en premier.

— Tu ne sais pas qui il est ? s'étonne-t-elle. Mais on ne parle que de lui. Il fait la une de tous les magazines.

Rien d'étonnant alors, je ne suis nullement intéressée par tous ces torchons people sans intérêt.

— Connais pas.

— Richard, commence-t-elle ses explications. C'est un anglais qui, à seulement 21 ans, est l'un des mannequins les plus demandés dans le monde. On dit qu'il serait dans le showbiz depuis son plus jeune âge. Sa vie privée est un véritable mystère, il est très fort pour échapper aux paparazzis. Mais des rumeurs circulent comme quoi il serait lié à la Famille Royale d'Angleterre et qu'il serait l'héritier d'une très grosse compagnie. N'est-il pas comme un prince charmant ?

— Je ne suis pas intéressée, je vous le laisse.

— Tu ne peux pas comprendre, soupire Amandine, une fille avec qui je n'ai jamais beaucoup échangé. Tu es déjà riche, toi.

Oui, enfin, mon père est riche. Pas moi.

Je sens Sully enrouler ses bras autour de mon cou. Elle est si près de moi que je peux sentir son souffle chaud me chatouiller derrière l'oreille.

— C'est vrai que tu n'as d'yeux que pour lui, me taquine-t-elle.

Je fais mine de la frapper pour la faire taire mais mes oreilles cramoisies parlent pour moi. Je ne peux que soupirer en signe de résignation. Si je réagis plus, Sully va se faire plaisir de jouer avec moi.