Le bus file à vive allure sur les petites routes de campagne. Sa prise en main n'aura pas été simple, mais Damien et Cyril se débrouillent plutôt bien. Le soleil est déjà haut dans le ciel et sa lumière vient par moment m'éblouir quand elle passe au travers des feuillages. Je regarde défiler le paysage d'un air distrait, n'arrivant pas à trouver le sommeil malgré la courte nuit que j'ai passée. Je ne peux pas fermer les yeux sans que je ne sois envahi de questionnements, de remords et d'horribles images. La réalité me rattrape toujours, même dans mes rêves, et ne me laisse aucun répit.
Mes compagnons ont l'air plus chanceux que moi et semblent tous avoir réussi à s'endormir. Cyril est en train de conduire, il semble lutter contre la fatigue et se frotte régulièrement le visage pour rester concentré. J'aimerais lui proposer de prendre la relève, mais ma blessure à la main m'en empêche. Je me sens tellement inutile, un vrai poids mort pour le reste du groupe... Je repose ma tête contre la vitre en soupirant et me remets à observer les arbres qui défilent.
A ce rythme, nous serons arrivés au refuge dans trois jours. Trois jours... Serais-je encore humain à ce moment-là ? Et même si je suis toujours maître de moi-même, il y très peu de chances qu'un remède soit trouvé d'ici-là. Dans ce cas, il faudra que je quitte le groupe une fois arrivé. Mais pour aller où ? Je serai seul, entouré et traqué par les Autres, jusqu'à ce que la mort ait pitié de moi ou que je me fasse sauter le crâne pour abréger mes souffrances... Mais en suis-je seulement capable... l'idée de devoir mettre fin à mes jours ou de me retrouver sans personne sur qui compter me glace le sang. Mourir est déjà un concept dur à accepter, mais mourir seul, c'est encore plus effrayant.
Je me recroqueville peu à peu sur mon siège à cette horrible pensée et me mets en boule, la tête repliée dans les bras. Je ne veux pas être abandonné, je ne veux pas de ce destin. Je sens alors soudainement une main se poser sur mon épaule, me faisant sursauter
- Ça va Thom' ? me demande Damien d'une voix inquiète
Je reste un instant à le regarder sans pouvoir répondre, surpris de ne pas l'avoir entendu venir. Je n'ai pas envie qu'il me voit dans cet état, je ne veux pas paraître si pitoyable devant lui.
- Je vais bien... t'en fais pas. C'est juste que j'ai du mal à encaisser tout ce qu'il nous est arrivé depuis le début et que mes nerfs sont un peu à bout.
- Tu sais, je suis là si t'as besoin d'en parler. Tu te fais du mal. Tout ça c'est du passé maintenant. C'est fini... me dit-il d'une voix rassurante, tandis qu'il me frotte doucement l'épaule
Non Damien... c'est loin d'être fini... ça ne fait que commencer pour moi. Comment suis-je censé ne plus penser au passé quand celui-ci m'a laissé une marque indélébile dans les côtes et un poison mortel dans le sang ? Comment suis-je supposé oublier l'affreux visage de Marine qui me hante en permanence ? Comment suis-je censé soutenir ton regard sans éprouver de culpabilité ? Je te mens et je me sens tellement mal de faire ça. Si tu savais Damien... si tu savais tout ce que je voudrais te dire...
- Merci... je vais essayer. réponds-je avec un sourire crispé, avant de me détourner de lui en regardant vers la fenêtre.
Je ne veux pas qu'il me pose trop de questions, ni même lui parler. Son insistance pourrait avoir raison de la barrière de mensonge que je me suis créée, cette barrière rassurante qui me permet de rester avec eux pour le moment.
- Thomas ? m'interpelle-t-il, d'une voix affectée
Sa voix me fait l'effet d'un coup au cœur et je sens mes yeux devenir humides, mais je tente de rester fort. Ça me fait un mal de chien de l'ignorer, de l'entendre comme ça. Mais je me refuse à lui faire face et continue de lui tourner le dos en fixant l'extérieur. Laisse-moi, je t'en supplie... Ne reste pas là, à côté de moi à me regarder, à t'inquiéter pour moi. Je ne mérite pas tout ce que tu as à me donner. Je ne peux t'apporter rien de bon en échange.
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Never Alone - Terraink
HorrorJe n'en peux plus, cela va faire plus d'une semaine que je suis recroquevillé sur mon lit, dans le noir, complètement coupé du monde, entouré par ce silence oppressant brisé uniquement par le son redondant de la sirène civile qui me vrille les tympa...