Je reste paralysé, incapable d'accepter ce que mes oreilles entendent. Je n'arrive pas à dévier mes yeux de cette bouche qui articule lentement et inlassablement ces mêmes mots.
- Thomas ! me hurle Jordan
Je détourne difficilement le regard de la créature et m'élance vers la fenêtre. Je l'enjambe rapidement et m'engage sur le toit. Chacun de mes pas sur la tôle fine provoque un grincement inquiétant. J'ai l'impression qu'au moindre faux mouvement je vais passer au travers. Alors que j'arrive à la moitié de ma traversée, la tôle se met à trembler violemment, me faisant presque perdre l'équilibre. Je jette un coup d'œil paniqué par-dessus mon épaule. Jordan vient de s'engager lourdement sur le toit, le visage crispé dans une grimace de terreur et il court vers moi. Je vois soudain apparaître à la fenêtre la silhouette massive du monstre. Il a réussi à rentrer.
La créature pousse alors un cri affreux et d'un mouvement brusque brandit son fusil vers nous. Mon cœur rate un battement et pris de panique, je me mets moi aussi à courir. Mon sang se glace lorsqu'un coup de feu retentit derrière moi, suivi par un bruit sourd et un cri de Jordan.
Je me tétanise et me retourne vers lui, ma gorge se noue alors. Il est à terre, en train de se débattre, essayant désespérément de sortir sa jambe qui est passée au travers de la tôle. Il est coincé, devenant une cible facile pour ce monstre. Mon attention se porte sur la créature qui est en train de recharger son arme. Il n'est pas encore capable de tirer, cela nous laisse un peu de temps. Est-ce que je devrais aller aider Jordan, au risque de faire céder le toit ou de prendre une balle ? Non... il n'a pas besoin de moi, il sait se débrouiller. Il va s'en sortir...
Je me sens complétement vide, incapable de bouger. Je reste là, à observer mon compagnon. J'observe la terreur gagner les traits de son visage. Dans un élan de panique, il commence à frapper violement la tôle avec ses poings.
J'entends soudain un bruit métallique provenant de la créature. Ça y est... elle a fini de recharger son arme et la pointe sur Jordan avec lenteur. Elle pose son doigt sur la gâchette et au moment où elle s'apprête à la presser, un bruit sourd retentit. Jordan disparait alors au travers du toit dans un fracas monstrueux.
Je reste un instant hébété devant le trou béant, à guetter un bruit de mon compagnon me prouvant qu'il est toujours vivant. Mais aucun son ne se fait entendre...
Un coup de feu retentit soudain et une balle vint se loger à quelques centimètres de mes pieds, me sortant de ma torpeur. Je me précipite vers le bord du toit et saute sur des ballots de paille se trouvant juste en dessous, amortissant ma chute. Maxime m'attend en bas, mais sans prêter attention à lui, je me relève rapidement et m'écarte du toit, guettant avec appréhension l'arrivée de la créature. Mais elle ne semble pas m'avoir poursuivi.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? C'était quoi ce gros bruit ? me demande Maxime, paniqué
Je ne lui prête aucune attention, encore sous le choc des derniers événements. Après un instant à fixer le toit, son visage pâlit soudain.
- Thomas... Ou est Jordan ? m'interroge-t-il, d'une voix incertaine
- Il... il est passé à travers la tôle... articulé-je difficilement, la gorge serrée
Son expression se décompose.
- Faut qu'on aille l'aider. On... on peut pas partir sans lui... me lance-t-il paniqué
Je n'ai pas le temps de lui répondre qu'il s'élance pour essayer de trouver un moyen d'entrer dans la remise où est tombé Jordan. Mais à peine a-t-il eu le temps de faire quelque pas que nous voyons arriver en courant, au loin, les silhouettes de Damien et Cyril, semblant sortir de la maison. Cyril est en train de hurler, mais nous n'arrivons pas à comprendre ce qu'il dit, sa voix est étranglée par la peur et par sa course. Je ne perçois que des bribes de phrases incompréhensibles. J'aperçois soudain la créature sortir de la maison et s'élancer à toute allure derrière nos deux compagnons et je comprends enfin les mots de Cyril.
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Never Alone - Terraink
HorrorJe n'en peux plus, cela va faire plus d'une semaine que je suis recroquevillé sur mon lit, dans le noir, complètement coupé du monde, entouré par ce silence oppressant brisé uniquement par le son redondant de la sirène civile qui me vrille les tympa...