Le grincement du bois sous les pas lourds du monstre retentit dans l'obscurité, sonnant comme une macabre complainte. Il sera bientôt en haut des escaliers. Le temps nous manque.
Ma main glisse lentement dans le dos de Jordan. Je n'ai pas le choix. C'est ta vie contre la nôtre... tu aurais fait la même chose à ma place. Toi non plus tu n'as pas hésité à m'abandonner à une mort certaine dans le supermarché, tu as sauvé ta peau en priorité et c'est normal. Dans ce nouveau monde ce sont les plus égoïstes qui survivent. Alors pourquoi je n'arrive pas à fuir, pourquoi ma main s'est accrochée à ton pull et le serre avec autant de force ? Pourquoi je ne peux me résoudre à t'abandonner ? Je n'ai pas l'esprit assez solide pour cela, je n'ai pas le mental d'un survivant, je suis bien trop faible.
Je ferme les yeux et essaie de prendre une grande inspiration malgré ma respiration coupée par la peur. Je ne veux pas le voir venir, l'entendre est déjà amplement suffisant. Mon corps est parcouru de tremblements que je tente de calmer. J'ai beau être déjà condamné par le poison qui s'écoule dans mes veines, je ne me suis jamais vraiment préparé à mourir, ce concept a toujours été lointain et c'était plus rassurant ainsi. Mais je n'ai plus le choix, je dois y faire face maintenant et l'accepter. Je suis heureux d'avoir tenu aussi longtemps, d'avoir pu revoir Damien et d'avoir pu passer ces trois derniers jours à ses côtés. Mais le voyage s'arrête ici pour nous...
La voix paniquée de Maxime retentit soudain, fendant le vacarme et me tirant de mes pensées.
- La trappe ! Il faut monter, c'est notre seule chance de survie !
Cody pousse un couinement et part se cacher à toute allure dans la chambre d'où nous venons. Je me tourne vers Maxime, l'air hébété. J'ai l'impression d'avoir imaginé ces derniers mots mais Maxime me regarde avec insistance et semble attendre une réaction de ma part. Je le fixe un instant, son visage est crispé par la terreur mais il brûle encore dans ses yeux une lueur d'espoir. Je me sens soudain minable, j'avais déjà renoncé, j'avais songé à les abandonner, j'étais prêt à accepter le fait d'y rester, alors que lui, depuis tout ce temps, cherchait un moyen de nous tirer d'affaire tous les trois. Je suis tellement pitoyable.
Je me ressaisis et hoche la tête. Nous partons alors précipitamment vers la trappe que nous venons de passer. Son aspect est menaçant et il nous est impossible de voir au travers de sa noirceur. Nous ignorons ce que nous trouverons là-haut, mais cela ne peut pas être pire que la situation actuelle.
Maxime monte péniblement à l'échelle et disparait dans les ténèbres de la trappe, il se penche alors pour nous aider et nous éclairer. Jordan se hisse à son tour en haut, ses pas sont hésitants et il rate des barreaux par moment, manquant de tomber à plusieurs reprises, mais Maxime et moi sommes là pour le soutenir.
Je m'engage alors à mon tour avec difficulté, ma main et mes côtes me font souffrir à chaque nouveau barreau. Maxime me tend la main pour m'aider à me hisser. Encore deux barreaux et je pourrai la saisir.
Les bruits de pas se font de plus en plus proches, le son des grincements change soudain. Ça y est, il est en haut des escaliers...
Alors que je saisis la main de Maxime et qu'il commence à m'aider à me hisser, sa lampe torche lui échappe. Juste avant qu'elle ne s'explose au sol, elle éclaire un bref instant le monstre. Je n'ai pas le temps de voir grand-chose, mais il est grand et imposant. Le faisceau lumineux se reflète sur le canon du fusil qu'il porte dans le dos et sur l'arme qu'il tient à la main, une arme que je connais. C'est le pistolet de Damien.
Alors que le monstre commence à s'élancer vers moi et que les ténèbres envahissent le couloir, je parviens à me hisser en haut. Maxime replie alors rapidement l'échelle qui claque violement dans un bruit sourd au moment même où les grincements du plancher se font entendre en dessous de nous.
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Never Alone - Terraink
HorrorJe n'en peux plus, cela va faire plus d'une semaine que je suis recroquevillé sur mon lit, dans le noir, complètement coupé du monde, entouré par ce silence oppressant brisé uniquement par le son redondant de la sirène civile qui me vrille les tympa...