DES CHEVEUX ROSES DANS LE VENT

6H39

Depuis l'instant où j'ai rédigé cette lettre jusqu'au moment où je l'ai vue pour la première fois, je n'ai jamais su pourquoi je voulais échanger ma place avec la Grande Faucheuse.

« Putain de bordel de merde, mec... Mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi, hein ? »

Cette question... Tant de fois je me l'étais posé : ces longues nuits à errer dans l'appartement, à bâtir des châteaux en Espagne ou à incendier mon imaginaire de feu grégeois.

« Il va être bientôt être sept heures du mat, sérieux... Et moi, j'ai encore une tonne de noms à rayer sur ma liste ! »

Des scènes s'enchaînaient les unes après les autres : ces jours d'orage où la pluie tambourinait les toits des voitures ; les silencieuses randonnées aux profondeurs des bois éternels ; quelques soirs d'été où je m'installais au balcon, dans le transat, à contempler les étoiles.

Elle a refermé le sachet de tabac : « Est-ce que tu te rends compte de ce que tu es en train de faire, là ? Je me ramène, et tu me sors qu'en réalité, tu ne veux pas mourir mais me proposer un marché... et quand je te demande pourquoi, tu me réponds : je ne sais pas ? Mais tu te fous de moi, ou quoi ? »

Mon regard planté sur le sapin artificiel, décoré de boules bleues et rouges, je me revoyais : ici, à sa place, le téléphone entre mes mains moites, espérant un coup de fil ou un message.

« Je voulais juste parler à quelqu'un. »